Symphonie n° 2 "Résurrection" - Gustav Mahler - Philharmonie de Paris - 10 novembre 2017
Symphonie n° 2 "Résurrection" ( Auferstehung)
De Gustav Mahler
Orchestre Philharmonique de Radio France
Choeur de Radio France
Mikko Franck, direction
Dorothea Röschmann, soprano
Ekaterina Gubanova, mezzo-soprano
Alfonso Caïani, chef de choeur
Symphonie en do mineur en 4 mouvements
Allegro maestoso
Andante moderato
In ruhig fließender Bewegung
Urlicht – noté « Sehr feierlich aber
schlicht. Choralmässig » (lied tiré du recueil “Des Knaben Wunderhorn”).
Voix Contralto.
Scherzo final avec Choeurs et soprano.
La symphonie "Résurrection" de
Mahler est pour moi le chef d'oeuvre absolu de Mahler, qui mêle à la fois tous
les thèmes obsessionnels du compositeur d’origine juive qui se convertit à la
foi catholique tout en gardant une profonde interrogation sur le monde, sur la
nature, sur leur signification.
Cette symphonie est un monument musical qui
surprend dès le premier mouvement (cérémonie funéraire) par son originalité et
sa fabuleuse orchestration, qui se déroule dans un désordre apparent, parfois
même cahotique, alternant douceur obsessionnelle des pizzicati des cordes,
avec des moments presque apocalyptiques où les percussions imitent le fracas
du tonnerre et des éléments déchainés, des moments “cantabile” et des passages
dominés par des cuivres en surnombre et réserve surtout un final grandiose :
chants solistes, choeurs, orgue, orchestre au grand complet, doublement des
cuivres et des percussions, explosion grandiose qui symbolise la résurrection.
Mahler a commencé cette symphonie dans sa
jeunesse (en même temps que la Première) pour la finir à 34 ans (juste avant sa
conversion).
Mais de ce long travail, étiré dans le
temps, dont la première partie "Todtenfeier, « fête des morts »"
restera un poème symphonique isolé pendant quelques années, sort une oeuvre qui
s'écoute comme un seul mouvement, avec ses tonnerres, ses exaltations, ses
moments de recueillement, ses hymnes, sa vision du monde tourmenté, son combat
vers la lumière, son final grandiose, celui de la transfiguration.
Symphonie avec choeurs, avec deux voix
solistes, symphonie riche en couleurs, en tonalités, en sonorités, il faut se
perdre dans la musique de Mahler pour la diriger avec talent.
Et l’interprétation que nous a proposé
Mikko Franck, l’orchestre Philharmonique de Radio France et son choeur, était
d’excellente facture.
Cela fait la deuxième fois que je les
entends cette semaine après Madame Butterfly au Théâtre des Champs Elysées et
la deuxième fois que l’enthousiasme manifeste et visible du chef, transcende
l’oeuvre qu’il dirige.
Quand il s’agit de la 2ème de Mahler, c’est
tout simplement magique.
Pourtant, il y eut quelques anicroches, un
ou deux couacs aux cuivres, une des deux voix solistes un peu insuffisante,
mais globalement, en 1h20 de musique, sans interruption ou presque (à peine une
minute entre deux mouvements), Franck, debout, parfois presque entre les
violons, sautait sur place pour mener tout son monde et leur transmettait sa
foi sacrée, son amour manifeste pour cette fantastique oeuvre.
Félicitations aussi au très grand
orchestre, en formation mahlérienne, spécial Résurrection, qui doit multiplier
l’utilisation des techniques musicales, passer d’un style à l’autre en
permanence, savoir se faire tout tout petit pendant l’intervention des
chanteurs, puis enfler jusqu’à la démesure le volume pour fracasser tout sur
leur passage.
Félicitations aux choeurs, dont la partie
donne une solennité originale à l’ouvrage, une force d’évocation de la fin
heureuse et remplie d’espoir qui commence dans un envoûtant pianissimo.
Un peu plus de réserves (il en faut bien un
peu) à l’égard de la mezzo soprano Ekatérina Gubanova, qui venait chanter son Urlicht à la Philharmonie entre deux
Eboli dans Don Carlos à l’opéra Bastille. Diction parfaite comme à son habitude
mais fort vibrato et voix un peu froide pour un chant qui nécessite au
contraire, beauté et chaleur du timbre pour dialoguer avec le hautbois dans
cette partie de l’oeuvre.
A l’inverse la soprano Dorothea Röschmann
déploie un chant magnifique, timbre suave et divin, dans son émouvant "Hast nicht umsonst gelebt,
gelitten !" qui annonce la résurrection.
L’oeuvre globale est si étonnante qu’aucun
texte n’en rend vraiment compte : on pourrait ainsi citer les cuivres qui
jouent en coulisse en répondant à ceux qui sont sur scène, l’orgue qui déploie
tous ses charmes lors du dernier mouvement après avoir discrètement accompagné
les autres, les formidables coups de cymbale à réveiller un mort qui ponctuent
brusquement le deuxième mouvement et les coups répétés de la grosse caisse que
rien ne semble vouloir arrêter.
La salle de Philharmonie comme toujours
pour les oeuvres symphoniques, offre son cadre grandiose, celui qui nous
manquait cruellement à Paris. Ne serait-ce que pour la place confortable dont
jouissent alors musiciens fort nombreux, choristes et solistes (placés au
milieu de l’orchestre), mais aussi pour ce fabuleux orgue qui ouvre toutes ses
fenêtres et sonne de tous ses tuyaux au moment final.
Une soirée très très grande qui nous a
porté près de l’extase totale.
Mikko Franck et son orchestre (à l’auditorium
de Radio France)
La salle de Philharmonie de Paris
L’orgue
Ecoute complète – direction Mariss Janson –
Ecoute complète – direction Claudio Abbado-Lucerne-
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