Luisa Miller - Verdi - Retransmission en direct du MET de New York - 14 avril 2018
Luisa Miller
Giuseppe Verdi
Livret de Salvatore
Cammarano
Direction musicale :
Bertrand de Billy
Mise en scene : Elijah
Moshinsky / Gregory Keller (reprise)
Décors : Santo Loquasto
Costumes : Santo
Loquasto
Lumières : Duane
Schuler
Luisa : Sonya Yoncheva
Rodolfo : Piotr Beczala
Federica : Olesya
Petrova
Miller : Plácido
Domingo
Walter : Alexander
Vinogradov
Wurm : Dmitry
Belosselskiy
Retransmission en direct du MET de New York - samedi 14 avril 2018 -
Luisa
Miller n’est pas mon Verdi préféré (et de beaucoup !) ; je trouve l’intrigue
confuse, même en connaissant parfaitement l’opéra on ne s’y retrouve pas
toujours dans les rebondissements très mélodramatiques sur un livret pauvret où
l’opéra semble parfois se caricaturer lui-même. C’est pourtant le même
librettiste qui a écrit l’un de mes opéras préférés Lucia Di Lamermoor de Donizetti
et le Verdi suivant, le Trovatore, qui est d’une toute autre tenue musicale. Le
livret s’est inspiré de Schiller mais en édulcorant tout ce que la pièce avait
de « politique » (censure oblige), ce qui réduit de beaucoup la compréhension
globale.
Même
la mélodie de cet « opéra de transition » dans l’oeuvre de Verdi, n’est pas
follement riche, un thème dominant souvent répété sans beaucoup de variations.
Mais les solistes y ont tous leur grand air, les duos sont intéressants et il y
a même un quatuor a capella sacrément difficile à bien exécuter.
Donc
pour faire un bon Luisa Miller, il faut de très bons chanteurs, un bon choeur,
un chef capable de réussir l’ouverture (fondamentale dans Luisa Miller) et de
dialoguer ensuite intelligemment avec les chanteurs, en reprenant « la main »
dans les passages purement orchestraux. Le reste n’a pas beaucoup d’importance,
les chanteurs d’un certain niveau savent ce qu’il faut faire sur scènes dans
des séquences aussi convenues.
Le
Luisa Miller retransmis hier soir au cinéma, n’est pas parfait mais il a au
moins le mérite de nous avoir proposé une belle distribution y compris dans les
rôles dits « secondaires » qui ne le sont pas tellement.
La
limite des retransmissions est désormais connue : le volume de l’orchestre est
atténué par rapport à celui des voix des chanteurs, ce qui corrige la balance
naturelle entre les deux et nous prive souvent du ressenti si spécial à l’opéra
en salle, ce mélange entre instruments et voix à égalité, qui doit à tout prix
se compléter sans jamais se gêner.
Donc
je n’ai pas d’avis sur ce sujet et, en retransmission, toutes les voix
sonnaient avec le même volume uniforme. Dans la salle, les impressions ont donc
pu être assez différentes....
De
Billy nous a donné des tempi assez vifs dès l'ouverture (très réussie et aux
accents dramatiques très bien rendus) suivie d’une introduction légère comme il
se doit, ses intermèdes orchestraux étaient de bonne tenue, toujours assez
sages mais avec les couleurs nécessaires. Pour le reste j'ai eu du mal à juger
sereinement du comportement précis de l'orchestre sous sa baguette. Cette manie
de monter le son des chanteurs en retransmission m'a semblé poussé à l'extrême
hier, cela finit par beaucoup déformer la réalité... mais bon...
Au
delà du couple Yoncheva-Beczala qui nous a offert une très belle prestation,
très engagée, dans deux rôles qui leur vont très bien vocalement et
scéniquement (dans les limites des situations un peu ridicules de cet opéra),
je crois que la grande réussite de la soirée tient au fait qu'on avait bien six
rôles de très grande tenue ce qui est assez rare dans n'importe quel opéra.
Le
rôle de Luisa convient divinement à Sonya Yoncheva, probablement un de ses
meilleurs rôles (et bien meilleur pour moi que sa Tosca que j'avais trouvé très
décevante...). En Luisa, sa grâce juvénile autant que sa voix au timbre si
expressif qui transmet une émotion à chaque minute, font merveille. Je l’ai vue
dans la retransmission cinéma (et quelle présence sur scène, quelles belles
expressions dans son regard), puis écouté en simlpe retransmission audio. Elle
domine encore plus nettement tous ses partenaires (pourtant très bons...).
Elle
se promène dans ce rôle avec un talent insolent qui la place très haut dans le
coeur du public qui lui a réservé une belle ovation, y compris dans la salle de
cinéma. Un vrai très grand plaisir. J’ai pensé combien elle nous avait manqué
en Tatianna (un rôle qui lui aurait également fort bien convenu) et quelle Mimi
émouvante elle avait été à Bastille pour la Première...
Elle peut encore incarner ces rôles de jeunes premières, à la voix déjà dramatique mais qui gardent des accents juvéniles presque ingénus. Quelque chose de très rare aujourd’hui où alternent les sopranos à la voix beaucoup trop légère pour chanter ces rôles qui comportent leur part de tragédie, et celles dont la voix s’est beaucoup trop alourdie pour avoir la légèreté requise dans les vocalises et autres trilles.
Piotr
Beczala aussi trouve là un rôle qui lui convient bien mieux que l'Edgardo dans
Lucia où je l'ai vu récemment à Munich (j'écris cela en écoutant Vittorio
Grigolo dans ce rôle lors de la représentation du MET et... bon c'est
superlatif...). Beczala fait preuve d'une sacrée vaillance réussissant tous les
airs un peu difficiles malgré un timbre parfois enroué et de légères « sorties
de route » dans les passages les plus périlleux (et les plus « spinto »)
notamment juste avant son grand air « Quando le sere al placido » qu’il réussit
divinement. Mais c’est surtout son engagement qui est remarquable, il croit à
son personnage et nous y fait croire (ce qui est assez courageux compte tenu du
caractère tordu du personnage en question surtout au final....). Et s’il a
parfois un jeu un tout petit peu emprunté (sa passion pour Luisa n'est pas tout
à fait abandonnée...), il est globalement très
convainquant.
J'ai
trouvé Plácido Domingo en grande forme dans un Miller émouvant et
"juste", même si lors d'un des duos avec Beczala on avait vraiment
l'impression de l'affrontement entre deux ténors et si les imperfections sont
légion dans les détails (surtout à la réécoute audio). Son Ah fu giusto il mio
sospetto d’entrée est quand même pas mal savonné. Mais dans l'ensemble il est
scotchant tant dans le chant que dans le jeu (quel charisme intact).. Sa
présence apporte énormément à la perfection de l'ensemble. Et son fameux duo
avec sa « fille », « La tomba è un letto sparso di fiori” m’a profondément
émue.
Mais
les deux artistes les moins connus du lot, ont été, pour moi, les plus
étonnants de tous les points de vue : Alexander Vinogradov en Walter (ses
débuts au MET si j'ai bien compris) et Dmitry Belosselskiy en Wurm, complètent
une distribution "idéale" en apportant leur "plus"
personnel, dans un chant très verdien et vocalement très agréable à l'oreille,
doublant le tout d'un "jeu" absolument parfait malgré l'évidente
limite de la direction d'acteur. Le grand air de Walter « Il mio sangue la vita
darei», en particulier est exécuté par la basse Russe avec un sens des nuances,
du legato et des couleurs verdiennes que j’ai adoré.
Quant
à la Federica d'Olesya Petrova, au timbre délicieusement fruité, elle a tout ce
qu'il faut également pour chanter dans la cour des grands.
Dommage
qu'autant de talents se soient retrouvés dans une mise en scène quelconque,
terriblement vieillote, aux décors classiques d’une lourdeur rarement vue de
nos jours. Nous voilà avec ce genre de metteur en scène qui attachent surtout de
l'importance à ce qu'on voit bien dans quelle pièce et quel lieu on se situe et
qui, pour ce faire, décide au MET (là où les changements de décors sont les
plus longs) de les modifier trois fois durant l'acte 1, trois fois durant
l'acte 2, et deux fois durant l'acte 3. Arrêt de jeu et cassage du rythme
musical à chaque fois....
Quel
dommage....Surtout qu’il y a bien peu à dire sur les décors en question sans
originalité particulière et qui reviennent régulièrement en fonction des lieux
où se situent l’action : devant la maison de Luisa, dans la maison de Walter,
de nouveau devant la maison de Luisa, etc...
Une
belle soirée qu'on peut réécouter par ce lien
J'en profite pour conseiller aussi la réécoute
sur BBC3 également, de Lucia Di Lamermoor, toujours une des représentations
actuelles du MET, avec Vittorio Grigolo, Olga Peretyatko (un peu à côté d’un
rôle qui ne lui convient pas) et Massimo Cavalletti
Et
une référence historique, avec Placido Domingo en Rodolfo...en guise de petit
plus (à écouter sans modération...)
Katia
Ricciarelli, Placido Domingo, Renato Bruson, Wladimiro Ganzarollo et Gwyne
Howel sous la direction de Lorin Maazel
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