Tosca - Puccini - Salzbourg - Festival de Pâques 2018
Tosca
Giacomo Puccini
avec
Anja Harteros : Floria Tosca
Aleksandrs Antonenko : Mario Cavaradossi
Ludovic Tézier : Baron Scarpia
Andrea Mastroni : Cesare Angelotti
Matteo Peirone : le sacristain
Mikeldi Atxalandabaso : Spoletta
Rupert Grössinger : Sciarrone
Décors et costumes : Renate Martin und Andreas Donhauser
Orchestre et choeurs Sächsische
Staatskapelle Dresden, Salzburger Bachchor und Salzburger Festspiele und
Theater Kinderchor
Direction musicale : Christian Thielemann
Mise en scène : Michael Sturminger
Retransmission du 31 mars (séance
du 24 mars).
Le festival de
Pâques de Salzbourg (Osterfestspiele) est entièrement sous l’égide du chef
d’orchestre Christian Thielemann, directeur musical de la prestigieuse
Staatskapelle de Dresde et du festival de Bayreuth. La programmation,
l’orchestre et l’essentiel des directions d’orchestre sont donc à sa main ce
qui donne une certaine unité aux deux fois quatre jours qui constituent ce
“petit” festival, qui se déroulait cette année entre le 24 mars et le 2 avril.
La pièce maitresse était ce Tosca, nouvelle production, dirigée par le maestro,
avec Anja Harteros dans le rôle titre. Comme à l’habitude, trois concerts
complétaient le programme : un concert Schumann, Brahms, Mendelssohn, dirigé
par Thielemann, et un concert Puccini, Mozart, Berlioz dirigé par le chef invité,
Andrés Orozco-Estrada et un enfin, un “concert avec voix” à nouveau dirigé par
Thielemann, avec la mezzo soprano Elina Garança pour la prestigieuse troisième
symphonie de Mahler.
Après l’année
2015 avec un tout “Kaufmann” auquel j’avais assisté (Requiem de Verdi,
Cavaliera Rusticana, Pagliacci), le festival de 2016 avait tenté un Otello,
assez raté du fait d’annulations successives et d’une distribution moyenne dans
une mise en scène catastrophique, le festival de 2017 avait renoué avec
la qualité, avec une Walküre bien distribuée.
C’est donc à
nouveau l’Italie qui dominera l’année 2018 avec Puccini, avant un retour à
Wagner pour 2019 et des Meistersinger déjà annoncés.
Disons-le tout
net, Wagner et Strauss conviennent beaucoup mieux à Thielemann que Puccini. Sa
direction manque singulièrement de couleurs, elle est trop régulière, n’amène
pas le feu et la fougue du drame puccinien où toutes les situations sont
outrées.
C’est trop
régulier, trop maitrisé. Et l’on ne sent pas la colère monter quand le drame se
noue, colère qui est d’ailleurs présente dès le début de l’opéra, sous la forme
dramatique de la fuite éperdue d’Angelotti, comme sous celle encore
primesautière de Tosca, malade de jalousie, puis celle de Cavaradossi blessé et
indigné par la trahison de Tosca, enfin celle de Tosca contre Scarpia qui
aboutit à son meurtre.
Il faut que
l’orchestre monte en puissance à ces instants pour offrir le contraste
nécessaire lors des scènes apaisées qui sont rares et courtes ou lors des
grands airs lyriques que sont "Recondita armonia", "Vissi
d’arte" ou "Lucevan le stelle".
Deux mots sur
la mise en scène qui est insignifiante les trois-quarts du temps et choquante
dans les rares mais significatifs moments où Michael Sturminger décide de
poser sa marque. Il est cinéaste, il semble vouloir à tout prix mettre quelques scènes de "cinéma" d'action au sein d'un opéra qui dans la dramaturgie, se suffit à lui-même.
Pourtant, les trois
“lieux” où se situe l’action, l’Eglise, le palais, le toit du château, sont
respectés au sens où les décors les représentent assez fidèlement, malgré une
transposition temporelle symbolisée surtout par les costumes contemporains des
artistes et quelques accessoires (comme un Mac très visible sur le bureau
de Sarpia).
Malgré une direction d’acteurs très sommaire, les artistes ne se
tirent pas trop mal du cadre que leur impose le metteur en scène mais on sent à
plusieurs reprises, leur gêne à l’égard des contre-sens pratiqués.
Anja Harteros
est vêtue comme d’habitude quel que soit son rôle, dans une tenue
qu’elle porte très bien : long manteau et longue robe sobre à l’acte 1, robe de
soirée rouge intemporelle également à l’acte 2. Il n’y a qu’à l’acte 3, que
visiblement elle n’apprécie guère, qu’elle campe une femme très déterminée, en
pantalon et imperméable, assez éloigné du personnage de Tosca qu’elle campe
auparavant, et si peu dans ses cordes, que je l’ai trouvée, pour une fois, un
peu empruntée dans son jeu et finalement dans son chant aussi par certains
aspects.
Cavaradossi
porte une tenue négligée dont on suppose qu’elle correspond à son art. Le
metteur en scène en fait d’ailleurs plutôt un sculpteur qu’un peintre qui donne
des cours aux enfants assis sur le sol de l’Eglise.
Quant à Scarpia
il ressemble surtout à une sorte de parrain moderne, dont le visage est trop
jeune pour la blancheur totale de la chevelure et dont la cruauté n’est pas
très crédible au vu de la bonhomie affichée à plusieurs reprises par un Tézier
à la peine dans le jeu de scène.
Il est sans
doute le moins gâté des trois puisqu’aucun de ses grands moments ne propose une
atmosphère adéquate à ce qu’il chante et fait : son apparition à l’acte 1,
malgré la noblesse du chant et la beauté du timbre, se fait en haut d’une
étroite chaire au lieu de mener la procession solennelle tandis que les enfants
qui viennent de se chamailler en revêtant leurs aubes d’enfants de chœurs,
chantent le Te deum avec quelques sbires à la mine très patibulaire. Il débute
l’acte 2 en se musclant sur un vélo d’appartement, ce qui fait tomber à plat ses menaces à l’encontre de
Cavaradossi et la colère qui le conduira à torturer le cavalieri qui lui résiste et le défie. Le pire étant évidemment le choix du metteur
en scène de ne pas le faire mourir… Il survit au coup de poignard de Tosca, et
réapparait à l’acte 3, la poitrine ensanglantée. Tosca tire sur lui et
réciproquement. Le grand guignol n’est pas loin et la beauté du drame
terriblement gâchée. Surtout quand on sait que l’acte 3 débute par une scène
dans un dortoir de pensionnat, avec ces mêmes enfants qui dessinaient au 1, et
qui vont, sur ordre d’un maitre, former le peloton d’exécution pour
Cavaradossi.
Si on ajoute le
fait qu’on voit Angelotti se débarrasser des policiers dans la fourgonnette qui
le conduit au château Saint-Ange pendant l’ouverture, dans une scène qui relève
davantage des séries américaines que de l’atmosphère de Tosca, on voit que
toutes les scènes qu’a voulu le metteur en scène sont outrées et plutôt néfastes.
Bien sûr il
reste la distribution, globalement excellente avec, là aussi, lors de cette
retransmission, quelques déceptions quand même.
Anja Harteros
dont j’ai vu et entendue la Tosca à Paris dans la mise en scène de Pierre Audi et à
Munich dans celle de Luc Bondy, est l’une des meilleures interprètes actuelles (la?) de la diva
imaginée par Puccini : elle en a la largeur de voix nécessaire aux parties
héroïques, mais aussi les subtils accents de l’amour, ou les belles couleurs du
désespoir. Comme pour sa Maddalena dans Andrea Chenier, elle sait au travers
des modulations de sa voix, exprimer les changements d’humeur de son personnage
et son chant est d’un très haut niveau de maitrise. Seul son final face à un
Scarpia ressuscité, est moins convaincant. Son « Mario, Morte » sonne
un peu faux, quant à son cri final avant de se jeter dans le vide, il fait
suite à l’irruption des soldats qui veulent l’arrêter, le meurtre de Scarpia
ayant été découvert. Il n’a aucun sens face à un Scarpia blessé mais debout qu’elle
s’apprête à abattre d’un coup de revolver…. Mais, sans nul doute, elle a fort peu de rivales dans son interprétation magistrale.
Le Scarpia de
Ludovic Tézier, que j’ai également déjà vu et entendu, à Paris dans la mise en
scène d’Audi mais avec Martina Serafin, est vocalement impeccable -quelle
autorité noble, quelle projection- son affrontement avec Tosca est un grand
moment de beauté musicale. Je lui reprocherai peut-être de ne pas être assez
brutal et cruel dans son comportement, mais je pense que ce n’est pas un
personnage qui lui convient de ce point de vue, en tous cas pas dans une mise
en scène qui accentue son côté démoniaque. Un rôle qui reste à approfondir pour
lui, il en a en tous cas une des plus belles voix…
Je reste très
perplexe concernant la performance d’Antonenko comme souvent concernant ce
ténor. C’est très bien joué bien qu’interprété d’un seul bloc, mais c’est une
option qu’il défend d’un bout à l’autre avec beaucoup de conviction. Un Cavaradossi
plus « Vittoria, Vittoria » que « Recondita armonia »,
premier air qu’il rate d’ailleurs, la voix mal chauffée, beaucoup de vibrato et
trop peu de lyrisme. Par contre il est bien meilleur dans les deux actes
suivants, négociant même un « Lucevan » très appuyé mais émouvant.
Dommage que sa voix se soit manifestement abimée depuis quelques saisons, le
timbre étant inégal et parfois sur le fil et les aigus manquant de la longue
tenue nécessaire pour créer l’émotion.
Il est possible cependant qu’il ait été
souffrant puisqu’il a annulé la deuxième séance celle du 2 avril.
Une Tosca qui valait sûrement le déplacement du fait de la réunion de Anja Harteros et de Ludovic Tézier avec un Antonenko qui n'est sans doute pas le meilleur Cavaradossi mais qui démontre, malgré quelques difficultés vocales, une adéquation incontestable au rôle. Dommage que la mise en scène ait trouvé utile de jouer les trouble-fête....de manière assez ridicule à mon avis.
NB : on reverra Tosca dans la mise en scène de Pierre Audi à l'opéra Bastille, avec Anja Harteros et Jonas Kaufmann, les 16, 19,22 et 25 mai 2019, avec Sonya Yoncheva les 1er et 5 juin.
https://www.operadeparis.fr/saison-18-19/opera/tosca
NB : on reverra Tosca dans la mise en scène de Pierre Audi à l'opéra Bastille, avec Anja Harteros et Jonas Kaufmann, les 16, 19,22 et 25 mai 2019, avec Sonya Yoncheva les 1er et 5 juin.
https://www.operadeparis.fr/saison-18-19/opera/tosca
Baden Baden 2016, acte 2, Bryn Terfel, Anja Harteros
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