Lessons in Love and Violence - Georges Benjamin - ROH Londres - mai 2018
Lessons in Love and Violence
de Georges Benjamin
Création au Royal Opéra
House le 10 mai 2018
Retransmission du 26 mai
2018 (Medici TV)
Livret : Martin Crimp
Mise en scène : Katie
Mitchell
Décor : Vicki Mortimer
Chef d’orchestre : George Benjamin
avec :
King : Stéphane Degout
Isabel : Barbara Hannigan
Gaveston / Stranger : Gyula Orendt
Mortimer : Peter Hoare
Boy / Young King : Samuel Boden
Girl : Ocean Barrington-Cook
Witness 1 / Singer 1 / Woman 1 : Jennifer
France
Witness 2 / Singer 2 / Woman 2 : Krisztina
Szabó
Witness 3 / Madman : Andri Björn Róbertsson
Concert Master : Sergey Levitin
Orchestre du Royal Opera House
Après le talentueux “Written
on skin” créé en 2012 au festival d’Aix en Provence, qui en avait passé
commande auprès du compositeur britannique Georges Benjamin, le Royal Opéra
House, qui avait repris cet opéra (avec DVD), a réitéré l’expérience. C’est
donc à nouveau une création originale de Georges Benjamin sur un livret de Martin
Crimp et avec une mise en scène de Katie Mitchell, que nous propose le ROH avec
ce très attendu « Lessons in love and violence ».
Cet opéra contemporain,
facile d’accès et qui garde une « forme » classique dans un écrin
musical d’une très grande richesse de sonorités et d’une belle palette
instrumentale et orchestrale, traite un sujet historiquement ancien dans une
mise en scène moderne. L’opéra a été créé ainsi ce qui lui confère d’entrée de
jeu une grande originalité puisque les auteurs justifient finalement d’emblée
ce contraste saisissant.
Qu’on en juge : il s’agit
de l’histoire du roi Édouard II d'Angleterre qui fut destitué en 1327, accusé d’avoir
des mœurs interdites, des favoris homosexuels dont Piers Gaveston, son âme
damnée en quelque sorte, son double, brillant Gascon entré à la cour du roi
précédent et qui jouait un rôle central
et très influent dans celle du roi Edouard II.
Dans l’opéra, l’histoire,
transposée de nos jours, met en scène la fin de règle d’Edouard II, sa passion
pour Gaveston, la très forte contestation de son pouvoir par la Cour, par
Mortimer et par sa femme Isabel, ces deux derniers complices et amants,
complotant pour le destituer et l’emprisonner. Les références aux faits
historiques sont nombreuses : exil de Gaveston puis exécution de celui-ci,
Grande Famine de 1314 et révoltes paysannes, relations d’Isabel(le de France)
avec Roger Mortimer, comte de March.
Et c’est assez plaisant,
esthétiquement et intellectuellement parlant, de voir tout ce petit monde dans
un appartement bourgeois, aquarium géant et tableaux de Bacon en décoration,
qui servira d’unique décor pour représenter ensuite, l’appartement de Gaveston
(et ses amours avec le roi), le théâtre (et le crime), l’appartement d’Isabel
(et ses intrigues notamment sa cruauté pour mater la révolte des pauvres) ou la
prison (et le désespoir du roi mourant), le retour au théâtre (et le fils
devenu roi à son tour qui imposera sa loi), lieux « nommés » par le
découpage des scènes (7 en tout), un interlude musical avec images gros plans
servant de liaison entre les scènes pendant un bref baisser de rideau
permettant l’installation d’accessoires différents.
Enfin, et c’est le sens
du titre, ces scènes sont jouées devant les deux enfants royaux, le fils, futur
roi et héritier et la fille. Ils sont sans cesse présents, spectateurs et
voyeurs, rarement acteurs directs sauf vers la fin, mais suggérant leurs états
d’âme en permanence par leurs gestes et leurs mimiques.
Le Roi est un roi
sympathique, hédoniste et joueur, qui aime les plaisirs plus que la Guerre et
surtout, son double, son autre lui, l’amour de sa vie, Gaveston.
Dès la première scène, le
ton est donné : le Roi et son « mignon » se déshabillent pour
passer des habits d’apparat sans aucun complexe devant la cour réunie et face
aux tentatives de Mortimer et d’Isabel de mettre un peu d’ordre et de dignité
dans le cérémonial. Et l’ensemble suivra cette trame du « décalé » à
la fois très théâtral et très réaliste.
Question composition
musicale, on ne peut que saluer le beau travail de Benjamin. Non seulement la
partie orchestrale est d’une très grande richesse, tant dans le choix des
instruments que dans celui des thèmes et styles variés qu’il choisit d’illustrer,
mais la partie lyrique est également très réussie. Sollicitant de grandes
qualités techniques chez ses interprètes qui doivent tout à la fois savoir « passer »
un torrent de sons, percussions comprises, chanter « lyrique » ou « héroïque »
selon les passages, entamer quelques duos, trios ou autres ensembles complexes
tout en se livrant à un jeu d’acteurs soigneusement dirigé par Mitchell.
Le livret est évidemment
étroitement adapté à la musique tout comme les mouvements des chanteurs sont
millimétrés en harmonie avec le tout : c’est l’avantage d’une création
contemporaine… et c’est soigné.
Qui mieux que Benjamin
lui-même pouvait d’ailleurs diriger sa propre composition ? Il le fait
avec talent, attentif aux chanteurs autant qu’à l’orchestre et l’ovation
méritée qu’il reçoit aux saluts, confirme le fait que le ROH a fait un bien
beau choix dans ses productions contemporaines et que l’opéra démontre qu’il
est un genre bien vivant.
Dans ce cadre, les
performances des chanteurs sur le plan vocal comme scénique, sont également
parfaites.
Stéphane Degout campe un
roi qui aime la vie, la musique, ses loisirs, sa famille, s’amuser de tout, de
sa couronne comme du protocole, et qui revendique sa relation hors norme avec
son amant. Le chanteur, très à l’aise dans cette partition pourtant parfois
fort acrobatique, nous offre en plus d’un jeu bluffant de vérité, une très
belle performance vocale servie par une diction anglaise irréprochable. Un rôle
sur mesure pour le baryton français qui domine son sujet sans difficulté.
Barbara Hannigan en
Isabel, nous a habitué à ces personnages de femme moderne et entreprenante, dont
les états d’âme transparaissent en permanence dans son jeu d’une très grande
classe et dont la voix souple assortie d’une technique irréprochable, se
marient particulièrement bien avec ce type de musique contemporaine.
Gyula Orendt, jeune
baryton à la voix assez claire et au jeu subtil et plaisant, chante Gaveston et
l’étranger qui débarque lors de la scène 5. Son aisance dans un rôle central et
difficile, est un atout considérable dans la qualité globale de la distribution.
Sans avoir tout à fait le même timbre que Degout, il en adopte en partie le
style pour parfaitement représenter son « double ».
Je ne connaissais pas non
plus le ténor Peter Hoare qui incarne Mortimer, celui « qui représente la
mort jusque dans son nom », le « méchant » qui provoquera la
chute et la mort du roi. Très belle voix aussi, beaucoup de vaillance et d’aplomb.
Samuel Boden en fils du
roi, se livre d’abord à un numéro de mime hors pair, jeune garçon effarouché
par ce qu’il voit avant de devenir plus assuré et de se transformer sous nos
yeux par la simple évolution de son chant comme de ses expressions. Grand
talent à suivre aussi en ténor « léger », habitué du baroque, qui
maitrise parfaitement cet autre gendre musical. Lessons in love and violence est un opéra qui se regarde avec plaisir et sait vous saisir musicalement et scéniquement par un enchainement de situations aussi logiques que dramatiques sans une once d'ennui.
L’oeuvre étant une nouvelle
coproduction avec Royal Opera, London; Hamburgische Staatsoper; Opéra national
de Lyon; Lyric Opera Chicago; Gran Teatre del Liceu, Barcelona; Teatro Real,
Madrid, elle est d’ores et déjà programmée dans ces différents lieux lors des
prochaines saisons à Amsterdam dès le mois de juin prochain).
retransmission vidéo toujours disponible
https://www.arte.tv/fr/videos/082955-000-A/lessons-in-love-and-violence-de-george-benjamin-au-royal-opera-house/
Retransmission audio prochainement disponible :
https://www.bbc.co.uk/programmes/b0b51yp4
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https://www.arte.tv/fr/videos/082955-000-A/lessons-in-love-and-violence-de-george-benjamin-au-royal-opera-house/
Retransmission audio prochainement disponible :
https://www.bbc.co.uk/programmes/b0b51yp4
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