John Osborn rend hommage à Gilbert Duprez

Le ténor John Osborn, 45 ans, un de mes ténors préférés, sort enfin son premier CD chez Delos, sous le titre “A Tribute to Gilbert Duprez” (en hommage à Gilbert Duprez).





Et je dois dire que, comme je l’avais prévu, cet enregistrement est une petite merveille.

Hommage à Gilbert Duprez, donc, ténor français du 19ème siècle est célèbre pour avoir, le premier, imposé la technique des hautes notes chantées en voix de poitrine, c’est à dire sur un mode héroïque “forte” alors qu’elles étaient traditionnellement abordées par les ténors en “voix de tête” et notamment le célèbre high C (contre Ut) tant redouté par les ténors, surtout quand il faut en aligner plusieurs comme dans certaines airs de Donizetti.

Parmi les ténors actuels, John Osborn occupe une place à part. Certains lui préféreront, dans le même genre, un autre ténor américain de grand talent, Michael Spyres, qui vient lui aussi de sortir un CD (“Espoir”) avec certains airs en commun mais personnellement, malgré l’incontestable qualité de ce dernier, notamment dans le chant français, je préfère la délicatesse et l’infini sens des nuances d’Osborn.

Et j’aime beaucoup le choix qu’il a fait pour ce premier CD.

Le timbre est superbe (avec un léger voile qui le rend particulièrement émouvant) sur toute la tessiture avec de très riches harmoniques y compris dans le médium ce qui donne à son lyrisme une densité et une intensité très spéciale et très séduisante. Les aigus ne semblent jamais ni forcés, ni pris par en dessous. Ils sont rayonnants et splendides.

Mais la qualité première d’Osborn c’est l’interprétation et l’expressivité de son chant dans chacun des airs avec la capacité à modifier son style selon les morceaux.

On souffre avec lui dans les deux extraits de Jérusalem où la voix se fait suppliante tandis qu’elle est romantique dans Donizetti (la Favorite) puis conquérante dans Donizetti (les Martyrs) et rien que cette faculté de contraster son chant montre son talent.

Les deux extraits de Benvenuto Cellini, rôle dans lequel je l’ai entendu en entier (et beaucoup apprécié), permettent de se faire une idée de cette qualité dans le chant Français où on pourra prochainement l’entendre à Bastille (ne pas le rater !). Un rôle déjà très abouti avec ce chant magnifique “Sur les monts les plus sauvages”, bel hymne à la nature, à la liberté, à l’art,  à l’instar des plus belles pages de Berlioz. A écouter en boucle pour cette faculté à enfler la voix sur “libre et tranquille” avant de moduler le son comme un écho infini renvoyé. Emotion garantie.

Retour à Donizetti, qu’Osborn sert très bien, et comme l’ensemble du CD est en français, langue qu’Osborn maitrise parfaitement (quelle diction intelligente ), c’est dans cette langue qu’il nous offre l’air de Lucia Di Lamermoor “Bientôt l’herbe des champs croitra” cet air d’Edgardo à l’acte 4 introduit par ce lancinant thème cher à Lucia, avec son parfum de tragique fatalité.
Tombes de mes aïeux, d'une famille éteinte recevez le dernier, l'infortuné débris!
Plus de colère, ah! plus de plainte.
Ce monde ingrat et dur pour moi n'a plus de prix. Mon sang, Ashton, je te le livre
car je ne puis plus vivre,
Osborn nous offre tout son sens des nuances et la manière dont il dit “Lucie” est un hymne d’amour à lui tout seul. « Sois heureuse Lucie, je meurs pour toi. »

Peut-être un peu moins connu mais non moins réussi son extrait de Dom Sébastien (roi du Portugal) montre d’autres facettes de son talent avec ce “Seul sur la terre” d’un roi désespéré qui a tout perdu.

Et quelle beau choix que cet extrait de Guillaume Tell de Rossini, cet “asile héréditaire” où Arnold chante devant la demeure de son père le vieux Melchthal
Ne m'abandonne pas, espoir de la vengeance !
Guillaume est dans les fers, et mon impatience
Presse le moment des combats
Dans cette enceinte quel silence !
C’est un rôle où je l’ai également entendu sur scène et vu, car Osborn est une "bête" de scène qui vit ses rôles avec intensité et sans ménager sa peine.

Vous l’avez compris, c’est un CD à ne pas rater dans les multiples sorties de la rentrée.

Le programme du CD
Giuseppe Verdi
Jérusalem — Je veux encore entendre ta voix
Jérusalem — Ô mes amis, mes frères d’armes

Gaetano Donizetti
La favorite — Ange si pur
Les martyrs — Oui, j’irai dans leur temple

Hector Berlioz
Benvenuto Cellini — La gloire était ma seule idole
Benvenuto Cellini — Sur les monts, les plus sauvages

Gaetano Donizetti
Lucie de Lammermoor — Bientôt l’herbe des champs croîtra
Dom Sébastien — Seul sur la terre

Gioachino Rossini
Guillaume Tell — Asile héréditaire

Orchestre et Choeurs de Kaunas (Lituanie)

Sous la direction de Constantine Orbelian


https://delosmusic.com/recording/john-osborn-tribute-gilbert-duprez/


Les petits plus du Blog


Asile héréditaire



Et pour avoir une idée de son talent sur scène, cette première partie de Norma (Bellini) avec Mariella Devia





Pour ceux qui n’ont pas encore eu la chance de découvrir le ténor John Osborn, il sera dans Benvenuto Cellini de Berlioz lors de la prochaine saison à l’opéra de Paris.

Ne le manquez pas : l’opéra est en plus mis en scène par Terry Gilliam ( les Monthy Python)


https://www.operadeparis.fr/saison-17-18/opera/benvenuto-cellini

Le reste de son programme pour la saison 17-18:
-       le rôle titre de “Fra Diavolo” (de Daniel-François-Esprit Auber),à l’opéra de Rome en octobre
-       le rôle de Tonio dans “la Fille du régiment” (de Donizetti ), à Séville en novembre-décembre
-       le rôle titre dans le “Faust” (de Gounod) à Genève en février
-       le rôle titre de Benvenuto Cellini (de Berlioz) à Paris Bastille en mars-avril

-       le rôle titre des Contes d’Hofmann (de Offenbach) à Amsterdam en juin-juillet.



Et le forum de débat sur l’opéra ODB (où j'écris de temps en temps....)

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