Falstaff - Verdi - ONP Bastille - 26 octobre 2017
Falstaff
Commedia lirica en trois actes
de Giuseppe Verdi
Livret : Arrigo Boito
D’après William Shakespeare “les trois
commères de Windsor”
En langue italienne
Première du 26 octobre 2017
Direction musicale : Fabio Luisi
Mise en scène : Dominique
Pitoiset
Sir John Falstaff : Bryn Terfel
Ford : Franco
Vassallo
Fenton : Francesco
Demuro
Dottore Cajus : Graham Clark
Bardolfo :Rodolphe
Briand
Pistola : Thomas Dear
Mrs Alice Ford : Aleksandra
Kurzak
Nannetta : Julie Fuchs
Mrs Quickly : Varduhi
Abrahamyan
Mrs Meg Page : Julie
Pasturaud
Chef des Choeurs
Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de
Paris
Ce n’était sans doute pas une bonne idée
d’aller voir ce Falstaff le lendemain d’un Don Carlos éblouissant, éclatant de
beauté vocale, déchirant grâce au sens de la dramaturgie exceptionnelle des
chanteurs. Le 25 octobre je ressortais bouleversée de mon quatrième Don Carlos,
sans doute encore plus abouti que les précédents, avec ces artistes capables de
sortir d’eux même, et même de leur art difficile du chant, pour se livrer sur
scène et donner une noire et désespérante vision de l’opéra de tous les rêves
brisés avec ces images qu’on garde longtemps en tête et ces phrases si bien
chantées...
Le lendemain, le dernier opéra de Verdi,
Falstaff, deux fois plus court pourtant, distillait un léger ennui dont je n’ai
pas réussi à sortir malgré les incontestables qualités des interprètes. Mais l’émotion
ne se commande pas et je n’étais pas la seule dans la salle (ni sur les forums
de discussion) à avouer ma petite déception.
Bryn Terfel est pourtant l’un des meilleurs
titulaires du rôle. L’ensemble des chanteurs (que je connais tous et toutes) est
un bon cru d’artistes à la belle technique et qui sont excellents comédiens, le
chef est plutôt dans la bonne moyenne verdienne et la mise en scène, si elle
est terriblement banale, ne devrait pas être gênante.
La mise en scène est assez banale et la
farce est bien jouée par l'ensemble des artistes qui le vivent de manière
drôle, comique qui se propage aux spectateurs mais sans créer beaucoup
d'interaction. C’est bien mais c’est un peu fade. Décor unique qui glisse pour faire évoluer les représentations de devantures de la ville, quelques accessoires dans ce grand plateau d'allure loft, pour les différents lieux de l'action (bistro, salon, chambre etc), plongeon spectaculaire de la panière où Sir John est caché, mais l'émotion tarde à se manifester...dans cette interprétation sans la moindre imagination. Tout est (trop) traité exclusivement en grosse farce sans finesse, proche du burlesque alors que l'opéra est beaucoup plus complexe.
Difficile parfois de dire pourquoi l’alchimie
ne s’opère pas mais bon, ce fut le cas.
Je pense que l’une des raisons principales
tient au caractère par trop atténué de l’ensemble des voix (mise à part celle
de Clark), qui donnait l’impression de ne pas parvenir jusqu’aux spectateurs
(du 25ème rang en l’occurrence, mais c’est une place que j’occupe souvent). Des voix jolies mais trop petites pour la salle (quel contraste avec celles de Don Carlos la veille, qui avaient pourtant à passer le mur sonore de l'orchestre survitaminé dirigé par Jordan).
J’ai d’abord été un peu déçue par Bryn Terfel dont la voix était, pour le moins, assez confidentielle avec peu des éclats nécessaires au rôle. Mais si les autres rôles sont plutôt tenus de manière sympathique, globalement les voix restent un peu confinées sur la scène, toutes assez homogènes, jolies mais un peu trop discrètes.
Pour détailler : le chef Fabio Luisi n'en fait
pas des tonnes et sait atténuer les ardeurs de l'orchestre (et des cuivres)
pour ne pas couvrir ses chanteurs, tout en donnant de la couleur à Verdi. Mais
cette Première n’était pas toujours au point pour autant : choeurs en constant
décalage, ensembles pas toujours à l’unisson, “fugue” assez “décalée”, loin des
règles de l’art en la matière.
Bryn Terfel habite totalement le personnage mais vocalement, il est très (trop) inégal, avec une voix qui semble avoir beaucoup perdu dans le médium. Peut être une méforme, je l'ai déjà entendu en retrait une séance puis bien meilleur la séance suivante (le Hollandais Volant il y a deux ou trois ans à Londres). J'avais déjà vu Terfel dans un Falstaff "mis en espace" autrement convaincant voire époustouflant et je ne m'étais pas ennuyée une seconde malgré l'absence de tout décor. Espérons que les séances suivantes le reverront dans cette belle forme qui en fait un Fastaff inoubliable. Mais le vaisseau de Bastille est parfois meurtrier...Pour le jeu, on peut lui faire confiance, il est Sir John sans aucun problème....
Franco Vassalo est un très beau baryton,
belle voix profonde sur toute la tessiture (contraste fort avec Terfel) avec un très grand investissement. Il nous a donné à son habitude une
très belle prestation malgré les limites sonores dont j’ai parlé au début. Il possède
un beau timbre et un sens du legato qui fait merveille dans Verdi. Je l’avais
déjà entendu à Bastille en Rigoletto où il avait malheureusement été victime
d’un problème de voix au milieu de la performance (et il avait été remplacé),
et surtout à Munich en Amonasro dans Aida, un très grand moment de musicalité
et d’émotion.
J'ai adoré Julie Fuchs en Nanetta, très jolie
voix menue mais adéquate au rôle de la toute jeune fille, gracieuse et très
convaincante, elle nous a offert les quelques très beaux morceaux de la soirée.
Aleksandra Kurzak a une très belle
technique de chant pour Alice Ford (c'est une constante d'ailleurs, sa ligne de
chant est très précise, elle ne savonne aucune note et c'est très agréable à
écouter) mais la voix manque d'ampleur pour le rôle ; elle a aussi un très joli jeu de scène et nous offre performance
réussie globalement mais sans éclat particulier non plus.
Très déçue aussi par Varduhi Abrahamyan, belle mezzo qu'on entend vraiment mal et dont la voix parait souvent étouffée, alors que son personnage de Mrs Quickly est savoureusement campé. Dommage. Il me semble qu'elle s'engage dans des rôles qui ne sont pas du tout pour elle surtout dans une salle aussi meurtrière.
(à noter que pour la deuxième, c'est Daniela Barcelona qui la remplace).
Francesco Demuro en Fenton assez
transparent comme toujours pour ce ténor.
Les trois compères : Dottore Cajus par
Graham Clark, Bardolfo par Rodolphe Briand et Pistola par Thomas Dear, sont les
plus éclatants dans le chant de manière assez surprenante....Clark évoque le Mime qu'il a si souvent été,
songe incongru mais inévitable. C'est, de loin celui qui chante le plus
fort....
Un spectacle qui scéniquement fonctionne
bien, les artistes jouent très bien cette comédie (dans une mise en scène sans
génie) mais qui vocalement est hautement perfectible.
Le petit plus du blog
Terfel en Falstaff dans la version concert à Verbier
Terfel en Falstaff à San Francisco
Graham Clark,interview, ses rôles
wagnériens
350 représentations d’opéras de Wagner dont
plus de 250 dans l’Or du Rhin, il a assuré 16 années de suite à Bayreuth, dans
les rôles de Loge, de Mime, de Steuerman et de Melot.
Il est né en 1941 et nous avons eu
également la chance de le voir dans un sémillant Monsieur Taupe à Garnier
récemment dans le Capriccio de Richard Strauss.
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