Concert Russe - orchestre de la Scala de Milan, direction Chailly - 26 janvier 2018 - Philharmonie de Paris
Concert Russe, scala de Milan sous la direction de Riccardo Chailly.
Orchestra Filarmonica della Scala - Milan
Riccardo Chailly, direction
Piotr Ilitch Tchaïkovski
Symphonie n° 2
Entracte
Dmitri Chostakovitch
Lady Macbeth du district de Mtsensk, suite
op. 29a
Igor Stravinski
Petrouchka
Bis
Ouverture de la Gazza Ladra, Rossini
Vendredi 26 janvier 2018 - Philharmonie de Paris
Magnifique programme, l’orchestre de la
Scala de Milan qui brille de mille couleurs avec son maestro, dans le cadre de
ces prestigieuses invitations que réussit la Philharmonie de Paris pour des
prix tout à fait raisonnables.
Le public est connaisseur d’ailleurs, en
moyenne plutôt jeune, il n’applaudit pas de manière intempestive, respecte le
silence qui doit suivre la fin d’une oeuvre pour laisser l’émotion intacte au
lieu d’interrompre les dernières notes par des hurlements et il évite de
tousser pendant les morceaux. Bref il est très différent de celui de l’opéra de
Paris....
Mais je voudrais également souligner
l’intelligence des choix de programmes de ces concerts qui proposent des
oeuvres sur un thème –la Russie en l’occurrence- tout en sachant éviter les
airs les plus connus. Quitte à offrir un vrai “tube” du classique en bis pour
la plus grande joie des spectateurs.
Ainsi en est-il de la deuxième symphonie de
Tchaikovsky. C’est une oeuvre assez courte, qui a donné lieu à deux versions
(1873 et 1881). Les reconstitutions de la première version permettent de suivre
les affres de la création du compositeur torturé qu’était Piotr Illitch, tant
il a remanié les principaux mouvements entre ses deux versions.
Ainsi reconstruite, peaufinée, allégée, la
deuxième symphonie, sans être une oeuvre majeure du compositeur russe à mon
sens, a beaucoup de charme : elle a un grand équilibre de thèmes, un final
extrêmement séduisant et une foule de références aux thèmes folkloriques russes
très plaisante. Ces mélodies sont parfois soulignées par un solo de cor (dans
l’introduction assez lente, c’est du plus bel effet), parfois par un jeu subtil
de cordes, ou un ensemble de bois. Subtile et remplie de finesses, l’oeuvre se
laisse écouter sans brutalité, tout doucement, avec quelques passages très
lyriques, d’autres plus menaçants, des changements de tonalité et beaucoup de
richesses harmoniques. Final grandiose.
Belle ovation pour les musiciens et le
maestro.
Suivait la suite que Chostakovitch a tiré
de son opéra Lady Macbeth du district de Mtsensk. L’opéra est une oeuvre
monumentale que je trouve personnellement terriblement émouvante et forte. Nous
sommes en 1936 quand Chostakovitch alors compositeur officiel du régime
soviétique, présente cet opéra de bruits et de fureurs, où Chostakovitch veut
dénoncer la mentalité réactionnaire des riches marchand russes et met en scène
l’assassinat par son héroine Katerina Ismaïlova, de ses “abjects oppresseurs”.
Alors que l’opéra connaissait un vive
succès en URSS, Staline le condamna immédiatement, au nom du fait que la
musique était inaudible, un véritable “chaos”. En réalité c’est l’amoralité du
thème qui choqua les censeurs staliniens : une femme qui revendiquait sa
liberté, se débarrassait d’un beau-père abusif et poussait son amant à tuer son
mari.
Le terme de “chaos” symbolise par ailleurs
très bien une oeuvre très audacieuse sur le plan des choix d’instrumentation et
d’orchestration mais c’est justement ce qui en fait une composition magistrale
qui vous bouleverse immédiatement.
Pour sa suite, Chostakovitch, réutilisa des
interludes musicaux qui séparent chaque scène de l’opéra: les scènes 2 et 3, 7
et 8, puis 6 et 7. Il avait choisi les plus puissamment dramatiques et
violents, donnant une oeuvre symphoniques qui se suffit à elle-même (un peu
comme la géniale suite tirée par Strauss de son opéra Rosenkavalier).
Inutile de dire que Chailly aime ces
oeuvres puissamment contrastées et qu’il sait jouer de toutes les couleurs et
de toutes les sonorités de son orchestre pour valoriser une composition
complexe et pénétrante.
Après la pause, le Petrouchka de
Stravinski, avec piano, clavecin, xylophone, celesta et autres instruments “ludiques”,
est si bien interprété qu’on verrait presque le pantin s’agiter devant nos
yeux. C’est burlesque et joyeux comme il se doit, tout le monde s’amuse, c’est
enlevé, très peu académique, très vivant. Du grand art tout simple et magique.
Le public déchainé accumule les rappels et
le maestro finit par nous accorder un bis, la jubilatoire ouverture de la Gazza
Ladra de Rossini, qui ne peut que mettre de bonne humeur une salle philharmonique qui
baigne alors dans une sorte de bonheur suprême.
Quels tempi délicieux, quel talent
magnifique, quelle précision des vocalises instrumentales, quels échos des
cordes aux bois, des vents aux percussions... Bref, à génial compositeur,
répond un génial chef sur sa petite estrade rouge, venu tout droit de la Scala
pour notre plus grande joie.
Les petits plus du blog
-J'en profite pour signaler que l'opéra Lady Macbeth du district de Mtsensk de Chostakovitch est au programme de la nouvelle saison 18-19 de l'opéra de Paris, désormais en ligne, et pour laquelle on peut s'abonner depuis aujourd'hui. Les séances auront lieu en avril 1919.
Petrouchka, direction Andris Nelsons
Ouvertures de Rossini par Claudio Abbado
Commentaires
Enregistrer un commentaire