Der Ring des Nibelungen/ Die Walküre - Opéra de Munich - 22 juillet 2018
Die Walküre
Richard Wagner
Direction musicale : Kiril Petrenko
Siegmund : Jonas Kaufmann
Hunding : Ain Anger
Wotan : Wolfgang Koch
Sieglinde : Anja Kampe
Brünnhilde : Nina Stemme
Fricka : Ekaterina Gubanova
Helmwige : Daniela Köhler
Gerhilde : Karen Foster
Ortlinde : Anna Gabler
Waltraute : Heike Grötzinger
Siegrune : Helena Zubanovich
Roßweiße : Jennifer Johnston
Grimgerde : Okka von der Damerau
Schwertleite : Rachael Wilson
Le premier jour du Ring, cette Walküre, est
l'histoire des jumeaux maudits. Wotan et Brünnhilde occupent dans leur
affrontement les deux derniers actes tandis que Siegmund et Sieglinde nous
content une histoire émouvante et profondément touchante, d'amour fou,
d'inceste et de destin tragique à l'acte 1 qui se dénoue par la mort de Siegmund à l'acte 2.
Hier à Munich, c'est l'acte 1 qui a dominé tous les
autres, sans doute parce que la fusion entre Kaufmann-Kampe et Petrenko
atteignait des sommets d'expressivité, de beauté des scènes et du chant, de
touchantes relations entre les jumeaux qui s'attirent, se cherchent, se font
des cadeaux sans pouvoir encore s'approcher l'un de l'autre pour finalement se
découvrir, se comprendre, s'aimer, trouver leur destin commun. Ainsi sont-ils séparés par une immense table de festin. Sieglinde propose un verre d'eau à Siegmund et cette scène du verre se poursuit à l'infini, une dizaines d'élégantes figurantes passant et repassant le verre, symbolisant alors le fluide qui s'écoule entre les deux héros révélant l'un à l'autre leur amour réciproque.
Le fait est que le public était
littéralement scotché à cet ensemble presque miraculeux et que l'explosion de
joie et d'émotion était à son comble à la fin de ce premier acte.
Jonas Kaufmann n'avait pas chanté Siegmund
en version scénique depuis le MET, c'est néanmoins un rôle qu'il maitrise
parfaitement (plusieurs concerts donnés avec au moins l'acte 1, ou l'ensemble)
et où il démontre à quel point il est capable de changer de registre au cours
de la même phrase musicale pour exprimer la colère, la tristesse, la
mélancolie, l'héroïsme ou l'amour. A ce point de perfection faisant sens, c'est
assez unique à l'heure actuelle. Ses "Wälse" ont été tous les deux
très longs et très émouvants, son "Nothung" héroïque à souhait et son
Winterstürme chanté façon Lied ne pouvait que faire fondre Sieglinde.
Mais Anja Kampe n'est pas en reste.
Magnifique Sieglinde, un timbre de toute beauté dans un chant tout en
demi-teintes, elle démontrait ce qu'elle sait faire sous la baguette
délicate(et amoureuse) de Petrenko loin des brutalités musicales d'un Jordan
qui, la comparaison est cruelle, force vraiment les chanteurs à sortir de leur
zone de confort question décibel, sortant par la même occasion de toute
possibilité de ménager les nuances nécessaires au sens du chant.
Car Petrenko, là encore, est un magicien
qui sait presque éteindre son orchestre pour laisser la place aux chanteurs
tout en remontant le son extrêmement rapidement avec des effets chantants,
dramatiques, légers, ménageant les solistes de l'orchestre, tour à tour, avec
un talent incroyable.
Moi cela me touche et même me bouleverse en
permanence.
Alors après un premier acte si génial, il
est vrai que la tension retombe un peu dans l'affrontement Wotan/Fricka que je
trouve le point faible de la représentation d'hier. Koch semble avoir du mal à
trouver ses marques (il chante même assez bizarrement ses premières phrases),
puis il se reprend et conclut avec brio le duo. Gubanova n'est pas suffisamment
autoritaire et terrifiante. Avec l'arrivée de Nina Stemme, l'élan repart,
l'affrontement père-fille est de haute volée, Koch va bien, elle est géniale,
on y croit.
La scène de la mort de Siegmund est
artistiquement particulièrement réussie, puisque le plateau est légèrement en
pente et à mi-hauteur, jonché de cadavres au milieu desquels Siegmund dresse
amoureusement la couche de Sieglinde pour qu'elle se repose. Ils sont seuls
éclairés, ils sont beaux, il faut bien le dire, l'ensemble du tableau est
parfait pour dessiner le monde de ce couple maudit qui va disparaitre et
l'arrivée silencieuse de Brünnhilde porteuse de mauvaises nouvelles est
également fascinantes.
Kaufmann et Stemme ne se rejoignent pas
mais se regardent, et il y a des talents d'acteurs qui font que les regards de
deux chanteurs sur une scène vous touchent au coeur. Leurs échanges sont
empreints tout à la fois de cette colère rentrée de ceux qui refusent les
obligations du destin et de cette tendresse qui font qu'ils se comprennent.
Siegmund ne veut, ne peut pas accepter le marché. Brünnhilde ne peut pas
obliger un si noble coeur à cette mort qui abandonne sa soeur-femme.
J'ai trouvé le combat remarquablement mis
en scène, cascades parfaites des trois artistes (Anger et Kaufmann puis Koch), fuite des deux femmes, colère
de Wotan, tout va très vite, est très bien orchestré et ma foi, si les ovations
ont été moins fortes que pour le premier acte, le public n'a quand même pas
ménagé sa joie et sa satisfaction.
Le troisième acte commence un peu mal à
cause de ce ballet extérieur à l'oeuvre montrant les walkyries se préparant au
combat. Ce n'est pas tant le ballet qui posait problème que les réactions d'un
public huant et couvrant (un comble !) les débuts de la chevauchée pris
pianissimo par le maestro.
Superbe chevauchée, des Walküre de très
haut niveau et une Nina Stemme fantastique.
Alors Koch ? Bon c'était inégal je l'ai dit
: son ambition claire est de camper un Wotan humain,trop humain (ah le papa
pliant délicatement la cape de sa fille endormie sur son rocher pour la glisser
sous sa tête..) qui correspond à la mise en scène et à l'interprétation très
humaniste que fait Petrenko de la musique de Wagner. Mais il faut pour cela
être quand même capable de ses coups de colère où la voix s'enfle et s'élargit
et là, plusieurs fois, Koch a manqué de moyens vers la toute fin de l’acte (méforme passagère sans aucun doute).
Il n'en reste pas moins, le plus souvent en
dehors de ce final, un chanteur d'une grande finesse, exprimant magnifiquement
son personnage et nous touchant droit au coeur.
Le final, quand il appelle Loge pour
entourer le rocher de feu (magnifique visuel dans la mise en scène) l'a trouvé presque
soulagé d'en avoir fini. Oui le rôle est vocalement très difficile.
Alors conclusion générale ?
Ravie d'avoir vu cette Walküre, la
meilleure depuis très longtemps pour moi. Beaucoup de souvenirs émus et un
passage de relais naturel de par la fluidité et la lisibilité de la mise en
scène comme de la direction musicale, vers Siegfried, très attendu. Ce sera la
première fois que je verrais sur scène Stéphan Vinke.
A suivre....
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