Don Pasquale à Garnier, pour le couple merveilleux Camarena/Yende !

Don Pasquale 

Pretty Yende et Javier Camarena
Gaetano Donizetti - 1843
Livret de Giovanni Ruffini

Direction musicale : Michele Mariotti
Mise en scène : Damiano Michieletto
Don Pasquale : Michele Pertusi
Dottor Malatesta : Christian Senn
Ernesto : Javier Camarena
Norina : Pretty Yende
Un notario : Frédéric Guieu
 Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris


Opéra Garnier, séance du 25 mars 2019
J'avais bien aimé la mise en scène de Damiano Michieletto, déjà lors de la création à Garnier l'an dernier, la trouvant adéquate à l'oeuvre avec la quantité d'humour et de légèreté qui convient à cette sorte de farce.
Elle n'avait pas fait l'unanimité, souvent critiquée pour son trop-plein de bouffonnerie et sa « chute » discutable, mais je maintiens mon appréciation positive à l'issue de cette reprise qui, me semble-t-il, a allégé certains aspects de la mise en scène (et changé les couleurs du costume d'Ernesto rendant l'amoureux transi un peu plus discret). Pour l'essentiel Michieletto traduit joliment cette insondable légèreté de l'oeuvre, servi par des interprètes excellents.

C'était déjà Michele Pertusi qui incarnait Don Pasquale et il avait déjà fait son petit effet dans une interprétation très loufoque qui lui convient parfaitement y compris le clin d'oeil teinté d'humour noir de la "chute". Tout juste peut-on noter un certain engorgement lors de l'acte 1 avant que sa voix ne s'éclaircisse par la suite non sans que l’artiste n’éprouve parfois quelques difficultés vocales qu’on lui pardonne aisément. 
Malatesta était chanté par un Florian Sempey plus sonore, mieux chantant et plus truculent que le baryton Christian Senn mais ce dernier, sans avoir son talent, possède un joli phrasé et un jeu parfait. Magnifique duo en staccato (Cheti, cheti) des deux artistes et belle prestation globale. 
Pretty Yende et Michele Pertusi
Mais le meilleur de la soirée, la raison pour laquelle j’’y retournais, résidait dans l'interprétation d'Ernesto par Javier Camarena et de Norina par Pretty Yende. L'an dernier nous étions déjà gâtés avec Nadine Sierra et Lawrence Bronwlee mais le couple magique Camarena/Yende les surpasse incontestablement, ne serait-ce que par la puissance de leurs voix. Pour les avoir vus en retransmission en direct du MET au cinéma récemment dans un autre couple donizettien, celui de « La fille du régiment », j’avais pu vérifier que leur belle entente crevait l’écran, tandis que leur technique vocale alliée à un jeu superlatif, faisait merveille.
Javier Camarena a la plus belle voix actuelle de ténor belcantiste, très claire et égale sur toute la tessiture ce qui donne l'impression qu'il chante tout sans effort y compris les aigus et suraigus. Et comme il a également un immense talent pour l'interprétation qui donne un sens à tout ce qu'il chante et fait merveille dans un rôle qui comporte peu d'exercices de virtuose mais beaucoup de grands airs (magnifiques Povero Ernesto... Cercherò lontana terra à l’acte II et  Com'è gentil à l'acte III) qui oscillent entre le tragique et le comique. Cette aisance à chanter les suraigus, les rend très beaux, sans l’impression de donner dans l’exploit, mais juste de déployer une ligne de chant logique et émouvante, avec une expressivité à fleur de peau que traduit la grande sensibilité du chanteur dans cet art. Ne ratez pas Camarena à Paris, il y est rare et précieux. 
Quant à Pretty Yende, sa voix s'élargit de plus en plus, donnant une profondeur inhabituelle et très réussie à sa Norina  (Quel guardo il cavaliere et La moral di tutto questo) Comme elle a des aigus magnifiques et des vocalises soignées sans oublier une seule note qu'elle assène avec un naturel confondant, la prestation est vraiment une des meilleures vues ces dernières années dans ce rôle. Energique, crédible et décidé. C'est en plus, très, très bien joué, mais tous ceux qui l'ont déjà vue dans toute sorte de rôles, connaissent son immense présence sur scène et son talent de comédienne... et son charme.
Belle direction de Michele Mariotti, très colorée et très enjouée, bien plus adaptée à Donizetti que celle de Pido l'an dernier.
Pretty Yende, Christian Senn, Michele Pertuis, Javier Camarena
Ne pas rater cette reprise de l’opéra buffa que Donizetti écrivit non sans reprendres thèmes et airs de ses opéras précédents (L’elisir d’amore et l’Ange de Nisida, devenu plus tard « la Favorite) et à s’adapter aux demandes de ses interprètes.

Pour les amoureux de Donizetti, à noter :
Programme 2019 (novembre) du festival Donizetti à Bergamo (Italie)
Par ce lien :

Commentaires

Les plus lus....

Magnifique « Turandot » à Vienne : le triomphe d’un couple, Asmik Grigorian et Jonas Kaufmann et d’un metteur en scène, Claus Guth

Salomé - Richard Strauss - Vienne le 20/09/2017

"Aida" mise en scène par Michieletto au festival de Munich : les horreurs de la guerre plutôt que le faste de la victoire