Concert du 30 Juillet 2021 : nos années Munich en une soirée, talent et émotion pour une magnifique réalisation.

Concert "der Wendende Punkt" 

Les adieux de Nikolaus Bachler à l'Opéra de Munich 



Bayerische Staatsoper 30 Juillet 2021 

Le concert que nous ont donnés "ceux de Munich" sans effets spéciaux, loin de certains show superficiels ou accrocheurs, était un vibrant témoignage de tous et toutes à une maison d'Opéra et à son directeur, son "deus ex machina" qui s'en va après 13 années de bons et loyaux services. Nikolaus Bachler a toujours présenté lui-même ses nouvelles productions, chaque saison, lors d'une matinée spéciale un peu avant la "Première" où il invitait les metteurs en scène, les chefs d'orchestre, les principaux artistes et où il parlait longuement et passionnément de l'oeuvre et de sa réalisation à Munich. Il connait parfaitement la littérature, l'opéra, la musique, les arts et ...les "affaires". Il a démontré un formidable souci d'innovation faisant de l'Opéra d'Etat de Bavière et de ses trois salles, une absolue référence des mélomanes à tel point que, songeant aux dix dernières années dans l'art lyrique, on aura très souvent pensé à Munich, ses belles salles et ses souvenirs inoubliables. 
Et c'est à sa manière et à son image que le spectacle commence. Une vidéo montre en noir et blanc les artistes en train de se préparer, rejoindre la fosse ou leurs loges, sur fond du Vorspiel du Rheingold. Là où tout commence.

Puis il est sur scène, le surintendant que tout le monde connait, et il présente avec émotion ses adieux en lisant de superbes textes ce qu'il fera à nouveau à plusieurs reprises, laissant alors la scène dans l'iombre pour accrocher furtivement une lumière "de bougie" modeste et parfois blafarde. Assis sur des cubes derrière lui, dans la pénombre, on reconnait cependant ses fidèles soutiens, Jonas Kaufmann au premier plan. Il a fait venir ses artistes, ses amis. Et ils sont tous là (ou presque...). 

Que le spectacle commence. 
Et c'est à un véritable retour en arrière où déferlent les souvenirs que nous invite alors l'Opéra de Munich, chaque air interprété évoquant un de ces événements lyriques qui ont ponctué l'histoire récente de la maison. Les costumes, les postures, les accessoires, rappellent quelle était la mise en scène et à notre tour, les émotions d'un soir de rêve, affluent désordonnées dans nos mémoires. Ainsi citera-t-on notamment Georg Zeppenfeld campant quelques minutes un Sir Morosus (Die Schweigsame Frau) mélancolique qui s'allonge sur la dernière phrase comme dans la mise en scène de Barrie Kosky, Christian Gerhaher qui voit arriver un petit orchestre baroque sur une passerelle pour son Orféo, les "cages" qui descendent des cintres avec les instrumentistes du quatuor de Beethoven, l'une de ces géniales inventions de la mise en scène de Bieito pour Fidelio, l'aquarium de la Rusalka autour duquel Breslik puis Groissbock tourneront, plongeant parfois leurs mains vers la sirène représentée par un linge blanc, la fourgonnette Citroen des Meistersinger où se cache une Marlis Petersen qui sort à la fin de l'air de Wolfgang Koch et accepte la tête .. de Sachs avant d'entonner son air de Salomé et qui confiera la boite à son partenaire de Die Tote Stadt, Jonas Kaufmann, lequel en sortira les papiers qu'il brûle comme dans la mise en scène de Simon Stone et j'en oublie certainement. 
A petites touches hommage est rendu aux grandes mises en scène qui ont fait aussi l'histoire de la maison et sans doute, est-on d'autant plus ému qu'on a eu la chance de les voir au moment de leur création. Ce ne sont bien sûr que des extraits de ces "années Munich" choisis en fonction des artistes qui ont pu honorer cette formidable décennie, ce soir là à Munich. 
Et de la même manière, les "chefs" qui ont compté sont en grande partie réunis : de celui qui présidait les destinées musicales de Munich quand Bachler est arrivé, Kent Nagano à celui qui en fait les plus grandes heures musicales, Kiril Petrenko en passant par deux de ceux qu'on a beaucoup vus, Ascher Fisch et Ivan Bolton. Pour ceux qui en douterait d'ailleurs, l'orchestre semble carrément subir une métamorphose dès lors que Petrenko arrive en fosse et saisit sa baguette pour diriger les derniers morceaux, du Wagner, du Strauss, là où le maestro est insurpassable. Chaque instrument s'entend alors, les contrastes, les couleurs sont saisissantes, on a changé de dimension. 
Et bien sûr les artistes : l'émotion de voir Anne Sophie Von Otter accompagnée au piano pour ce beau Lied de Mozart, deux des plus beaux barytons wagnériens de l'heure, Zeppenfeld et Groissböck, l'enfant chéri du théâtre Jonas Kaufmann dans sa version extériorisée puis intériorisée, la majestueuse Nina Stemme ou l'émouvante Elina Garança qui ont fait le voyage pour rendre hommage à la belle et bonne musique de cette scène où elles ont brillé plus d'une fois, les habitués de Munich que sont Koch, Gerhaher, Breslik, Damrau, qu'on revoit toujours avec plaisir dans des extraits de leurs meilleurs rôles (la "qualité" Munich), l'engagement scénique intact d'Ermonella Jaho ou de Marlis Petersen dans des rôles où elles ont excellé. On regrettera bien sûr qu'à la veille d'un Tristan und Isolde, le dernier, celui de la retransmission, Anja Harteros ait jugé sage de s'abstenir, ce pilier historique de Munich qui manque évidemment au tableau de famille comme d'autres artistes retenus par les festivals, les arènes et autres manifestations dans cette période où les restrictions sanitaires rendent difficiles certains voyages mais les plus nombreux ont répondu présent. D'une manière générale la qualité du chant était, comme attendu, au sommet, il serait donc difficile d'entrer davantage dans les détails sauf pour souligner l'excellence de chacun le temps d'un air : l'improvizzo époustouflant de l'Andréa Chénier en colère de Jonas Kaufmann, puis son air mélancolique et triste du Paul de die Tote Stadt, signe d'un artiste immense que l'on connait bien dans ces murs et qui en a fait les grandes heures par un nombre impressionnant de prises de rôles, l'air de Leonore de la Favorite (malheureusement en italien) qui est l'une des plus belles incarnation vue sur scène à Munich d'Elina Garança, timbre incroyablement fluide et là aussi, interprétation hors paire, l'Isolde de Nina Stemme, sans doute indépassable aujourd'hui, en tous cas bouleversante, auront été mes préférés. Mais je ne saurais oublier l'émotion que dégageait le Wolfram de Simon Keenlyside qui a élu depuis quelques années domicile à Munich et y revient régulièrement nous offrir son singulier talent. 

Vous l'avez compris c'est très difficile de parler de tout le monde mais l'ensemble des artistes a été, pour ce soir, pour son directeur, hors du commun. Le public dans la salle et à l’extérieur n’en finissait pas de manifester sa joie d’appartenir finalement à cette grande famille… A revoir une dernière fois le 3 Août, sans faute par le lien du site du BSO.

Le concert était également retransmis en extérieur, sur grand écran, sur la Marstallplatz dans le cadre de l’événement munichois « Oper fûr alle » (l’Opéra pour tous) qui a lieu chaque année lors du festival d’été.


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