Un Macbeth passionnant à Londres, Simon Keenlyside halluciné dans une très belle mise en scène, et la direction de Daniele Rustioni

Macbeth



Giuseppe Verdi

 

Royal Opera House – Novembre/décembre 2021

 

Direction Musicale : Daniele Rustioni

Mise en scène : Phyllis Lloyd

 

Macbeth: Simon Keenlyside

Lady Macbeth: Anna Pirozzi

Banquo: Günther Groissböck

Macduff: David Junghoon Kim

Lady-in-waiting: April Koyejo-Audiger

Malcolm: Egor Zhuravskii

Doctor: Blaise Malaba

Chorus: Royal Opera Chorus

 

Gros succès pour ce Macbeth à Londres magnifiquement distribué, dont la représentation du 26 novembre 2021 a été retransmise en livestream, payant, valable un mois.

https://stream.roh.org.uk/products/macb ... 1539098795

 

Les contraintes sanitaires sévères du Royaume Uni, limitent les possibilités de se rendre sur place. Nous avons du nous contenter de cette belle retransmission, fort bien filmée, et qui permet quand même de se féliciter d’une aussi belle réalisation. 

Macbeth fait partie de mes trois œuvres préférées de Verdi avec Don Carlos et Otello. Mais ces trois œuvres sont exigeantes : elles nécessitent à chaque fois des artistes exceptionnels capables de chanter une partition souvent difficile tout en incarnant des personnages complexes qui évoluent durant la représentation. 

Et j’ai vraiment quant à moi, apprécié le Macbeth halluciné de Simon Keenlyside, qui m'a paru revenu à ses meilleurs jours sur le plan vocal, dressant un portrait saisissant du général devenu roi, et qui n'assume pas les crimes qu'il commet pour assouvir son destin. Et que la voix soit parfois un peu rauque n'enlève rien, au contraire, à la crédibilité du personnage fascinant de contradictions qu'il incarne. Son "Perchè mi sfuggi" de l'acte 2 résume bien toutes ses incertitudes. On retiendra aussi un fulgurant "Perfidi ! All'anglo contro me v'unite !", colère du roi contre ses ennemis suivi d'un fataliste "La vita... che importa ?..." magistralement incarné là aussi, comme rarement vu et entendu ces dernières années dans ce rôle.

Mais Anna Pirozzi se montre à la hauteur du personnage de Lady, négociant sans difficulté toutes les parties, aigus lumineux compris, avec une facilité évidente, comme elle le fait d'ailleurs pour Abigaile dont elle est la spécialiste actuelle. Elle a l'ambition, la noirceur, la volonté de la femme de Macbeth, et son "Vieni t'affretta", elle campe son personnage avec conviction et talent.

On retiendra aussi bien sûr la qualité du Banquo de Günther Groissböck, prestance magnifique sur scène et très belle voix de basse au service d'un rôle qu'on trouve trop court et superbe "legato" verdien. 

Le Macduff de David Junghoon Kim est un peu "léger" (vocalement ), j'aurais savoir ce qu'il donnait en salle, car même en retransmission, la voix parait bien peu sonore et l'interprétation un peu "primaire".

On remarque par contre le Malcolm de Egor Zhuravskii, belle prestance sur scène (et bel homme).

La mise en scène de Phyllis Lloyd (que l'on entend en interview avant le début de la retransmission) est d'une beauté plastique très réussie malgré (ou à cause ?) de sa simplicité. Le décor est presque unique, panneaux de bois se resserrant ou s'écartant selon les scènes, cage dorée qui "joue" le rôle de la prison des esprits sans cesse renouvelée au fur et à mesure que la folie sanguinaire s'empare des êtres. Les costumes alternent entre le blanc (taché de sang), le doré (de la gloire éphémère), le rouge (des crimes) et les éclairages donnent à l'ensemble les couleurs d'un tableau de Caravage, figures éclairées, aplats lumineux des vêtements sur un fond noir et sombre. Beaucoup de scène de foule sont traitées comme des ballets et les mouvements du choeur se mêlent à ceux des danseurs. Très beau...

Enfin on apprécie une fois encore, la direction musicale inspirée de Daniele Rustioni, un Verdi qui vit, qui vibre tout en respectant scrupuleusement les chanteurs, un Verdi contrasté et coloré, tragique et épique tout à la fois.

Une réalisation à la hauteur de l'oeuvre sublime de Verdi. En attendant le Macbeth qui doit ouvrir la saison de la Scala de Milan et qui proposera à l'inverse, une mise en scène très modernisée (à suivre !)

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