Tristan und Isolde - Bayreuth - 26 Juillet 2017

Tristan und Isolde


Richard Wagner

Festival de Bayreuth, 26 juillet 2017




Direction musicale : Christian Thielemann

Mise en scène : Katharina Wagner


Tristan : Stephen Gould
Marke : René Pape
Isolde : Petra Lang
Kurwenal : Iain Paterson (*)
Melot : Raimund Nolte
Brangäne : Christa Mayer

Choeur et orchestre du  Festival de Bayreuth

Chef des Choeurs: Eberhard Friedrich

Je n’ai malheureusement pas pu voir la moindre retransmission vidéo mais j’avais vu la retransmission vidéo de la séance du 7 Août en 2015 de cette même mise en scène de Katharina Wagner qui est presque un classique de la Colline désormais.
Voilà ce que j’en avais écrit à l’époque

Impressions du 7 Août 2015
(même distribution sauf Isolde, Evelyn Herlitzius et Marke, Georg Zeppenfeld)

Je précise d'emblée que j'ai été séduite par la mise en scène mais qu'elle donne une interprétation "limite" (donc contestable) de l'opéra de Wagner.
J'ajoute également qu'il ne s'agit que d'une retransmission télévisuelle (via BR Klassik) et que, s'il faut saluer les superbes prises de vue et le bon rendu du "son", ce n'est pas la même chose que d'être en salle...

Il s'agit en effet d'une vision totalement noire d'enfermement des personnages dans leurs propres fantasmes, leurs propres mythes, leurs propres préjugés.

Dès le début K.Wagner prend le parti d'un décor de cauchemar pour représenter le navire où Tristan amène Isolde au Roi Marke et où leurs destins se scellent l'un à l'autre. Echafaudages à la Olivier Py en plus oppressant encore, escaliers qui ne se rejoignent jamais, passerelles qui descendent et montent comme pour éviter aux héros de se rencontrer.
Isolde veut séduire Tristan. Lui se laissera convaincre. Ils ne boivent pas le philtre, le répandent au sol dès qu'ils se sont "touchés" et que leur amour réciproque leur a été révélé (ou confirmé). Ils n'ont besoin d'aucun artifice. Ils s'aiment (première "trahison" du livret mais magnifiquement mise en scène et qui crée la surprise et l'accroche du spectateur). Leur passion s'exprime dans la violence de leurs étreintes, de la destruction par leurs mains fébriles du voile blanc de la mariée. Non Isolde n'épousera pas Marke...
L'acte 2 représentent une sorte de machinerie infernale où les amants s'écorchent, s'enferment, s'adorent, se jurent fidélité. Ils sont en permanence surveillés par (?) les gardes de Melot et du roi, d'emblée marqués par le jaune de leurs costumes, un jaune moutarde qui évoque la trahison, la méchanceté, le côté obscur de la force. Tristan et Isolde sont en bleu, d'un joli bleu, qui évoque la mer, la liberté, le ciel d'été.
Cette interprétation noire du roi est confirmée ensuite par la fin de l'acte, Tristan les yeux bandés, Isolde trainée à terre par le roi, Kurwenal piétiné. La violence est à son paroxysme là où j'ai vu des Marke bouleversants et tristes dans leur colère, celui-ci est cruel, sa déception le rend méchant.
Le dernier acte m'a paru sublime. Eclairages diffus orientés sur le corps de Tristan mourant, bougies rouges, visions d'Isolde démultipliées, puis disparaissant comme poupée de chiffon...
Et trahison ultime du livret, après un Liebestod déchirant, Isolde s'écroule sur le corps de Tristan mais sur les dernières notes, Marke attrape Isolde par la main et la traîne, vivante, vers les coulisses.
Point de vue iconoclaste qui me laisse dubitative...
Noir, noir, noir.
Et sublime, parfaitement accordé à la musique grandiose, à mon avis.
La beauté du texte (en rimes) de Wagner est tout particulièrement mise en valeur dans le duo de la fin de l'acte 1, dans les actes 2 et surtout le final du 3.
Le succès (phénoménal visiblement) de ce Tristan et Isolde tient beaucoup à l'interprétation de Evelyn Herlitzius, au charisme qu'elle a sur scène, elle vous scotche à son personnage et vous ne la quittez plus des yeux ni des oreilles. Sa voix négocie parfois difficilement certains aigus, elle commence parfois sa note avec un peu d'hésitation avant de l'enfler superbement mais elle tient globalement formidablement son rôle d'un bout à l'autre.
Mes réserves concernant le Tristan de Stephen Gould viennent d'un jeu d'acteur largement en dessous de celui de sa partenaire (il est un peu lent, souvent peu expressif et lourdaud). Pour le reste on peut également saluer son formidable exploit (quel rôle quand même) en regrettant qu'il paraisse moins investis que lors de ses performances avec Nina Stemme.
Très bon Kurnewal de Iain Paterson, clair, agréable, sincère, belle voix, bel avenir dans Wagner.
Très satisfaisante Brangäne de Christa Mayer, notamment à l'acte 1 où ses duos avec Herlitzius sont vifs et crédibles.
Coup de coeur pour le le Marke de Georg Zeppenfeld, incroyablement efficace, beau phrasé, voix magnifique, émotion à revendre, belle prestance, bravo, bravo, bravo.
Direction de Thielemann plutôt discrète, dialoguant bien avec les chanteurs, beau final, du bon Wagner. Il faut juste mieux éviter d'avoir entendu le Sigefried dirigé par Petrenko juste avant. La différence entre un bon chef d'orchestre et le génie. A mon avis.


Mes impressions suite à l’écoute de la retransmission de la Première du 26 juillet 2017
Mon coup de coeur ira cette fois plutôt à la direction de Christian Thielemann que j’ai trouvé très inspiré notamment pour traduire le magnifique troisième acte.
J’ai été moins convaincue par les voix et surtout par l’interprétation de Petra Lang. Il est évident qu’elle trouve les limites de sa voix dans ce rôle très exigeant surtout dans une mise en scène qui donne la vision d’une Isolde qui n’aime pas vraiment Tristan (comment pourrait-elle aimer l’assassin de son amant?). La voix est souvent criarde, avec assez peu d’expressivité et une vraie difficulté à traduire les évolutions de la princesse Isolde vers l’extase finale... Herlitzius avait des problèmes de voix mais son interprétation touchait au génie. Là il n’en est rien. J’ai pourtant été plusieurs fois émue par la Brünnhilde de Petra Lang mais elle me semble moins adéquate en Isolde et surtout, je crois que sa voix s’use sur ces rôles trop exigeants.
Stephen Gould m’a paru un peu inégal, en difficulté dans l’acte 1 mais royal dans l’acte 3 (alors que c’est l’acte de l’épuisement absolu du ténor normalement) comme s’il avait été prudent pour “tenir” et nous donner un très, très beau final.
Les interprètes de Kurwenal (Iain Paterson) et Brangäne (Christa Mayer) sont les mêmes que les deux autres années. J’avais souligné leur très grand talent (surtout le premier), ils se maintiennent à un très haut niveau.
René Pape remplace Georg Zeppenfeld pour le roi Marke. J’avais été éblouie par Zeppenfeld (comme toujours). Je trouve Pape plus uniforme, moins émouvant mais bien sûr musicalement de grande classe (comme toujours aussi).

Bilan un peu mitigé avec le sentiment que Bayreuth n’attire plus forcément les meilleurs chanteurs dans le rôle...ce qui n’est pas nouveau.



(*) A noter : Iain Paterson chante également Wotan dans Das Rheingold (Ring) de ce même festival de Bayreuth

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