Elektra - Richard Strauss - Version concertante du 15 décembre 2017 - Philharmonie de Paris
Elektra
Opéra en un acte de Richard Strauss
(1864-1949) sur un livret en allemand de Hugo von Hofmannsthal (1874-1929).
Création le 25 janvier 1909 au Hofoper de
Dresde.
Production de Radio France hors les murs,
en version concertante, donnée à la Philharmonie de Paris, le 15 décembre 2017
Orchestre Philharmonique de Radio France
▪ Mikko
Franck | Direction
Chœur
de Radio France
▪
Victor Jacob | Chef de chœur
▪ Nina
Stemme | Elektra
▪
Waltraud Meier | Klytämnestra
▪
Gun-Brit Barkmin | Chrysothemis
▪
Norbert Ernst | Aegisth
▪
Matthias Goerne | Orest
▪
Bonita Hyman | Die Erste Magd
▪ Yaël
Raanan Vandoor | Die Zweite Magd / Die Schleppträgerin
▪
Valentine Lemercier | Die Dritte Magd
▪
Lauren Michelle | Die Vierte Magd
▪ Kirsi
Tiihonen | Die Fünfte Magd
▪
Amélie Robins | Die Aufseherin / Die Vertraute
▪
Christophe Poncet de Solages | Ein junger Diener
▪ Ugo
Rabec | Der Pfleger des Orest
▪
Patrick Ivorra | Ein alter Diener
**************************
Gun-Brit Barkmin remplace Emily Magee
initialement prévue.
Ayant été un peu déçue voire ayant ressenti
une légère frustration du fait d’une acoustique où l’orchestre “noyait” les
voix, et face à un concert d’éloges généralisé des “critiques” officiels
toujours installés aux meilleures places, celles où l’on entend tout le monde,
j’ai hésité à rendre compte de cette version-concert, pourtant prestigieuse
“sur le papier”.
Mais les fêtes étant passé, la fièvre étant
retombé, le petit monde lyrique ayant trouvé d’autres sujets d’emballement
microcosmique, je reviens, avec le recul sur la performance des artistes lors
de cet Elektra.
Comme je rentrais au moment de cet Elektra,
d'une dizaine de jours en Allemagne où je n'avais jamais constaté le moindre
problème d'acoustique dans l'équilibre voix - orchestre (et pourtant Wagner,
Meyerbeer ou Giordano c'est pas de la petite bière), je me suis dit : me voilà
de retour à Paris où on ne compte plus les discussions sur l'acoustique, sur
les voix couvertes ou qui ne "sonnent" pas suffisamment librement
face à un orchestre déchainé, de la salle de Bastille au TCE en passant par...
la Philharmonie de Paris.
Autant, en effet, l'orchestre sonnait
magnifiquement de tout là-haut surtout les cuivres et les percussions, les
cordes en clé de fa également, autant les violons et surtout les voix
arrivaient "lourdement accompagnées", en quelque sorte.
Avant de revenir sur les problèmes
d’acoustique qui auraient pu être résolu par une autre disposition des
instruments et des voix, parlons d’abord des prestations des chanteurs.
Malgré mon inconditionnelle admiration, je ne suis pas entièrement convaincue par
l’Elektra de Nina Stemme. Autant sa Brünnhilde ou son Isolde sont ce qu’on fait
de mieux aujourd’hui (et j’espère bien réussir à avoir des places au Ring de
Munich cet été...), autant Strauss est moins dans ses cordes. Evidemment, il
s’agit là de donner un avis sur l’une des plus grandes sopranos dramatiques
actuelles, ce qui autorise à apporter des nuances à l’enthousiasme général.
Dans Wagner, son art du legato et de la
longue ligne de chant qui ne faiblit pas et peut nuancer sans difficulté, fait
merveille et de ce point de vue, toutes les parties d’Elektra qui renvoient à
ce style, sont parfaitement maitrisées par la soprano Suédoise qui module
merveilleusement bien ses airs donnant alors une interprétation intelligente,
sensible et belle. Mais dans Strauss il y a aussi du chant “heurté”, “mordant”,
où la voix peut se faire moins belle parce qu’il s’agit d’exprimer des
sentiments “nus” (la haine incommensurable en particulier), qu’il faut risquer
“de se perdre” et dans ces passages, malgré une voix évidemment moins ronde et
moins riche, je préfère Evelyn Herlitzius, Elektra de référence depuis la mise
en scène de Patrice Chéreau à Aix. Nina Stemme a pour elle de tenir la ligne d’un bout
à l’autre sans faiblir et c’est une performance face à un orchestre d’une
ampleur rarement égalée à l’opéra (Strauss y a mis à peu près toutes les
sonorités les plus percutantes en même temps pour renforcer les effets de la
tragédie).
Comme je l’ai dit, un mauvais équilibre
voix-orchestre, fait que, de plus, depuis le deuxième balcon, les voix ne
flambaient pas comme elles auraient dû et celle de Nina Stemme, aussi puissante
soit-elle, souffrait aussi d’être parfois accompagnée d’un torrent de cuivres
et de percussions la mettant à la peine. Comment assurer les nuances
nécessaires à l’interprétation du rôle si l’orchestre ne vous en laisse pas le
loisir ?
La voix qui perçait le plus était celle de
Gun-Brit Barkmin, au timbre très percutant sans être plus puissant pour autant.
“Marie” très intéressante dans Wozzek à Bastille l’an dernier, Gun-Brit Barkmin
est une Chrisotémis qui ne laisse pas indifférent. C’est son engagement qui est
le plus remarquable, elle interprète une soeur d’Elektra qui n’est pas la
sainte nitouche habituelle mais qui lui dispute presque la vedette dans la
hargne, la haine et le désespoir, la colère et les reproches. Dommage que son
timbre soit par trop criard à plusieurs reprises et qu’elle ne retienne pas
suffisamment sa voix pour donner aussi de la douceur à son personnage... qui
n’est pas une harpie.
Waltraud Meier peinait en permanence à se
faire entendre et ce côté "haché" de la prestation (un coup on
l'entend, un coup on ne l'entend presque plus) gâche beaucoup le plaisir de ce
superbe opéra "de femmes". La voix a beaucoup perdu de sa richesse,
elle n’est plus que l’ombre d’elle-même et, comme son jeu de grande classe ne
colle pas vraiment au personnage complexe de Clytemnestre, l’affrontement entre
elle et sa fille, manque de crédibilité et de mordant.
Côté “garçons” dans cet opéra de femmes,
c’est l’Eghiste de Norbert Ernst qui retient l’attention : très belle
prestation du ténor dans un court rôle qu’il assure magnifiquement et pour le
coup, on l’entend parfaitement bien.
Par contre l’Oreste de Matthias Goerne est
quasi inaudible de là haut. Engoncé dans un rôle qu’il ne parvient jamais à
“habiter” le baryton, roi du Lied, confirme qu’il n’est pas vraiment adéquat à
l’opéra, en tous cas à Wagner et Strauss. Alors que dans leur rencontre, Nina
Stemme est particulièrement brillante, il est totalement terne et sans relief.
Les cinq servantes sont également victimes
(depuis ma place) des effets de l’acoustique et c’est bien dommage car ce qu’on
perçoit de leur prestation est vive, enjouée et magnifique.
Quant aux choeurs, hélas, je ne les ai pas
entendus du tout : ils étaient placés sous le deuxième balcon latéral ce qui
les rendait, par définition inaudibles depuis celui-ci...
Mikko Franck, qui avait su disposer son
orchestre en tenant compte de toutes les places de la Philharmonie de Paris
pour la symphonie Résurrection de Mahler (voir mes impressions sur ce concert sur ce blog), a décidé cette fois d’une
formation classique avec voix devant la scène. Projetant pour les 10 ou 20
premiers rangs du parterre, les chanteurs ne pouvaient pas être bien entendus dans
l’ensemble de la salle... Pourtant la prestation du chef et de son orchestre
étaient magnifiques même si on peut discuter le choix d’un crescendo phénoménal
final, il était parfaitement maitrisé et réussi. Je salue aussi l’implication
de Franck qui descend sans cesse de son siège pour aller carrément diriger ses
instrumentistes à la hauteur des premiers violons avec beaucoup d’intelligence
musicale. Sa direction ne vaut quand même pas celle de Salonen, entendue à Aix puis à Verbier cet été.
Globalement réussi, ce concert comportait
quelques limites à mes oreilles.
Je réécouterai avec plaisir la
retransmission prévue par France Musique à partir du 11 février. Les
déséquilibres acoustiques seront alors corrigés par la radio....
Concert diffusé le dimanche 11 février 2018 à 20h sur France Musique.
Les petits plus du blog
Elektra, mise en scène de Chéreau.
Le décor unique

Les petits plus du blog
Elektra, mise en scène de Chéreau.
Le décor unique

Commentaires
Enregistrer un commentaire