Benvenuto Cellini - Berlioz - Opéra de Paris - 20&26 mars 2018

Benvenuto Cellini

Hector Berlioz
Livret de Léon de Wailly et Auguste Barbier

1835




Première à l'opéra de Paris, le 20 mars 2018 puis séance du 26 mars 2018

Chef d'orchestre Philippe Jordan
Metteur en scène Terry Gilliam, Leah Hausman
Décors Terry Gilliam, Aaron Marsden
Costumes Katrina Lindsay
video Finn Ross
Lumières Paul Constable
Chef de choeur José Luis Basso
~
Benvenuto Cellini John Osborn
Giacomo Balducci Maurizio Muraro
Fieramosca Audun Iversen
Le Pape Clément VII Marco Spotti
Francesco Vincent Delhoume
Bernardino Luc Bertin-Hugault
Pompeo Rodolphe Briand
Cabaretier Se-Jin Hwang
Teresa Pretty Yende
Ascanio Michèle Losier

Production invitée à l’opéra de Paris, créée à English National Opera (ENO), London.

Benvenuto Cellini, opéra en deux actes et quatre tableaux, a été présenté pour la première fois le 10 septembre 1838 et fut un échec total. Berlioz retira son opéra du répertoire après seulement trois séances. L’oeuvre visionnaire et précurseur avait totalement dérouté un public encore habitué à des structures plus classiques (nous sommes à une époque où ni Verdi ni Wagner n’ont encore écrit le moindre opéra). Les chanteurs eux-même avaient trouvé la partition difficile à interpréter.
Même le thème, l’histoire de ce scupteur-fondeur célèbre de la renaissance, aux prises avec le Pape, n’est pas de ces thèmes faciles à traiter.
L’histoire se déroule en effet à Rome en 1532 pendant les trois jours du carnaval.
Litzt la remania avec l’accord de Berlioz pour en présenter une version en 1852 à Weimar. Elle fut cependant globalemen très peu donnée, y compris en France.
C’est donc une oeuvre à découvrir ou à re-découvrir et le spectacle proposé par l’Opéra de Paris est une  excellente entrée en matière.


Une chose est sûre : ce fut une grande réussite et le public, (toujours un peu spécial les soirs de première avec dîner de gala) a manifestement apprécié une oeuvre qu'il ne semblait pas vraiment connaitre mais que les interprètes pris dans le maelström d'une mise en scène (en espace, en images et en décors) absolument fabuleuse.
Terry Gillian et ses assistant-e-s ont d'ailleurs été les plus applaudis, ce qui un soir de Première est une gageure à Bastille.
C'est tout simplement un festival de sensations, des scènes de foules phénoménales, des ensemble réglés au cordeau dans une joyeuse pagaie apparente, des chanteurs, des danseurs, des figurants qui se bousculent dans un harmonieux carnaval permanent, jusque lors des saluts où les gracieux acrobates-clown façon commedia del Arte, vont se jucher au sommet des décors après être venus sur le devant de la scène, saluer.

L'Opéra de Paris a eu à coeur, en reprenant cette production créée à l'ENO, de l'adapter au gigantesque plateau de Bastille où elle prend une ampleur carrément fantastique. La scène finale où Cellini désespéré pense qu'il a perdu son challenge et qu'il ne parviendra pas à "fondre" son Persée géant en or massif, et où les artisans s'affairent autour d'un creuset géant tandis que la forge rougeoie en fond de scène, atteint une dimension dantesque qui aurait comblé Berlioz.
Car c'est un peu la revanche de cet opéra méprisé à sa sortie, tombé dans les oubliettes, et qui pourtant recèle des trésors sur le plan musical, scénique et historique.

Ce qu'en a fait Gillian en révèle les immenses trésors musicaux.
Et ce, dès l'ouverture, où le spectateur halluciné (ça commence bien) se voit entouré d'une véritable armada façon gay pride qui descends les couloirs de la salle de Bastille pour converger vers la scène au milieu des confettis et jeu de lumière.
Et jusqu'au final où Jordan donne le signal pour qu'une pluie de confettis brillants tombent sur les spectateurs.

Et il faut bien le dire : les interprètes sont totalement investis dans leur rôle qu'ils subliment.



A commencer par le Cellini magnifique de John Osborn qui nous livre une incarnation extrêmement émouvante sur le plan scénique et irréprochable sur le plan musical, du sculpteur romain amoureux d'une femme, du bon vin, de la vie, artiste de génie mais hommes aussi, qui rêverait à l'instant le plus crucial, avoir été un simple berger...
On le sait ici, j'adore John Osborn et je dois dire que chacune de ses apparitions me confirme son immense talent : tout y est, les accents héroïques, les aigus glorieux, l'investissement scénique parfait, les diminuendo et les crescendo et l'interprétation d'un personnage qu'il connait bien pour l'avoir interprété de multiples fois, sur de multiples scènes dans cette production.
Et il faut saluer son Français impeccable, non seulement dans la prononciation, la diction, sans le moindre accent, mais aussi dans le rythme de la phrase et des mots, dans cet art qu'ont beaucoup de chanteurs américains de dire et de chanter notre langue

J'ai plus de réserves (comme lors de la retransmission vue depuis Amsterdam il y a deux ou trois ans) sur le Giacomo Balducci de Maurizio Muraro, plus en délicatesse avec la langue de Molière et qui n'a pas toujours la truculence nécessaire au personnage.

Belle découverte par contre pour le Fieramosca du baryton norvégien Audun Iversen, que je ne connaissais pas et qui occupe la scène avec beaucoup de talent vocal et scénique.

Très gros succès pour le Le Pape Clément VII de Marco Spotti, caricature du pouvoir absolu, très bien chanté par la basse qui a d'énormes qualités de comédien.


La Teresa de est très bien jouée, un peu moins bien chantée, la voix ne m'a paru toujours très stable même si elle a de grands moments, j'ai eu des doutes sur l'adéquation de ce répertoire à la voix et à la technique de la soprano. A vérifier sur d'autres séances.




Par contre l'Ascanio de Michèle Losier est incroyablement juste et convainquant, drôle et humain tout à la fois, une sorte de muse à la manière de celle d'Hoffman dans les Contes.


Très bons Francesco de Vincent Delhoume, Bernardino de Luc Bertin-Hugault et Pompeo de Rodolphe Briand qui complète une distribution homogène dominée par John Osborn.
Même le Cabaretier de Se-Jin Hwang est amusant et bien joué pour sa toute petite apparition.

Il faut saluer aussi les choeurs qui ont rude tâche et s'en tirent avec brio, diction impeccable et très beaux mouvements de foule.


Pour finir par Jordan et l'orchestre, c'est un peu sans surprise et c'est dommage : c'est bien mené, bien joué, musicalement correct mais il manque, à mon avis, le grain de folie qu'il y a sur la scène....


Ne ratez pas cette oeuvre rare, magnifiquement servie....j'y suis retournée le 26 mars pour toujours autant de plaisir et la découverte d'autres aspects de la mise en scène qui m'avaient échappé la première fois notamment l'utilisation de l'espace et des figurants pour toutes les scènes de foule où Berlioz met en scène les ciseleurs notamment et plus largement tout le petit peuple de Rome soudé autour du projet de Cellini mais qui, face à adversité, doute parfois...
Nouveaux compliments pour les choeurs qui se surpassent et chantent brillamment à pleine voix, des ensembles très importants dans le cadre de l'oeuvre.
Jon Osborn toujours absolument incontournable dans son interprétation : difficile d'imaginer Cellini autrement que sous ses traits et avec sa voix. C'est sans doute la plus belle réussite pour un interprète.


A noter : on pourra réentendre John Osborn à Paris l'an prochain, cette fois dans la Damnation de Faust de Berlioz, le 3 février 2019, à la Philharmonie de Paris.







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