Le Domino Noir - Auber - 28 mars 2018 - Opéra Comique
Le Domino noir
de Daniel-François-Esprit Auber
Opéra comique - 1837
Direction musicale Patrick Davin
Mise en scène Valérie Lesort, Christian
Hecq, sociétaire de la Comédie-Française
Chorégraphie Glyslein Lefever
Décors Laurent Peduzzi
Réalisation marionnettes Valérie Lesort et
Carole Allemand
Costumes Vanessa Sannino
Lumières Christian Pinaud
Avec
Angèle de Olivarès : Anne-Catherine Gillet
Horace de Massarena : Cyrille Dubois
Brigitte de San Lucar : Antoinette Dennefeld
Comte Juliano : François Rougier
Jacinthe : Marie Lenormand
Gil Perez : Laurent Kubla
Ursule : Sylvia Bergé, sociétaire de la
Comédie-Française
Lord Elfort : Laurent Montel
La Tourière : Valérie Rio
Melchior : Olivier Déjean
Danseurs :
Anna Beghelli, Sandrine Chapuis, Margaux Dufour, Mikaël Fau , Gaëtan
Lhirondelle, Guillaume Rabain
Choeur accentus
Orchestre Orchestre Philharmonique de Radio
France
Coproduction Opéra Comique, Opéra Royal de
Wallonie
Séance du 28 mars 2018, Opéra Comique,
salle Favart.
Les opéras d’Auber ont été très populaires
au XIXème siècle et ce “Domino noir” a été l’un des plus appréciés et joué à
cette époque.
De nos jours on connait surtout le nom
d’Auber au travers d’une rue et d’une station de métro à proximité de l’opéra
Garnier et c’est sans doute dommage car certaines de ses oeuvres sont
emblématiques de cette époque, qu’on les apprécie ou non.
Depuis quelques temps, Auber revient à la
mode et quelques unes de ses oeuvres sont reprises, intelligemment montées en
scène, bénéficiant de distributions de qualité.
De Paris, salle Favart, à Rome
on a pu voir ainsi l’une des plus belles partitions d’Auber, celle de “Fra
Diavolo” dont j’avais indiqué récemment le lien vers une retransmission romaine
avec l’excellent John Osborn.
Et bien que la critique presque unanime ait
salué avec enthousiasme, la reprise de ce Domino noir, je dois dire tout de
suite qu’à l’inverse de Fra Diavolo, l’oeuvre m’a paru dès les premières notes,
mineure sur le plan musical, orchestral comme lyrique, et légère sur le plan de
l’intrigue et du livret.
Sans doute est-ce une mauvaise idée de voir
ce spectacle juste après l’ébouriffant Benevenuto Cellini à la Bastille, mais
le fait est que l’on trouve rapidement la mise en scène assez pauvre en
comparaison, et la dominante burlesque choisie tombant assez à plat finalement.
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Horace et Angèle |
La mise en scène de Valérie Lesort et
Christian Hecq reflète les qualités et compétences de ces deux “touche à tout”
puisqu’elle est également plasticienne et lui comédien, sociétaire de la
Comédie Française. Du coup, ils proposent de traiter cet “opéra” qui ressemble
plus que jamais à une opérette entre leurs mains, comme un vaudeville comique
où se mélangerait du Feydeau, une parodie de “Au théâtre ce soir” et des
apparitions style “Muppet Show” rendant vivants les statues, les gargouilles,
les animaux, le tout au milieu de quelques danses échevelées et comiques avec
un décor de comédie musicale. Un mélange qui semble marcher dans la salle (et
chez les critiques unanimes) mais qui m’a laissée plutot agacée et très peu convaincue
par cette persistante impression de déjà vu qui ne m’a pas quittée de la
soirée. La transformation presque parodique de l'oeuvre m'a semblé une idée appauvrissant un opus déjà assez simpliste en lui retirant ses quelques prétentions sérieuses.
Car pour finir, il n’y a plus rien de mystérieux (le domino noir est
parfaitement identifiable sous ses multiples “déguisements” qui n’en sont pas),
rien de romantique (on rit toujours au mauvais moment du fait d’un gag visuel),
rien de transportant (l’humour est assez lourdingue pour nous faire sans cesse
redescendre sur terre).
Je le répète, ma non-adhésion vient d’abord
de l’oeuvre, la mise en scène n’arrange rien.
Le chef Belge Patrick Davin a démontré ces
dernières années, sa capacité à diriger avec inventivité toutes sortes
d’oeuvres très différentes telles que les opéras contemporains “Au Monde” de
Boesmans, à Bruxelles puis à l’Opéra Comique à Paris, plus récemment son “Pinocchio”
et “Docteur Atomic” de John Adams. Aujourd’hui, ce Domino Noir qu’il a dirigé à
Liège, à l’opéra Royal de Wallonie, avec l’orchestre de l’opéra, avant de venir
à Paris, cette fois avec l’orchestre de Radio France, lui réussit plutôt bien mais
il ne peut pas grand chose face à ce que j’appellerai un simplisme musical peu
exaltant.
C’est même tout à son honneur d’essayer
d’en faire quelque chose d’un peu complexe quand il doit arrêter la musique
régulièrement pour de longs échanges purement théatraux, voire laisser une
version enregistrée de l’orchestration prendre le pas sur la musique “live”
quand les choix de la mise en scène prévoit une intermittence des sons (porte
qui s’ouvre et se referme pendant le bal de l’acte 1). Toutes nos félicitations
donc à un chef qui valorise les échanges orchestre, voix et reste toujours dans
le ton à la fois léger et dansant de cette comédie très, très légère.
Une grande partie de la soirée est
également sauvée de l’ennui par la pétillante interprétation des chanteurs, des
danseurs et des acteurs. Car il y a de tout sur le plateau et il faut être
souvent tout autant comédien que chanteur (longues séquences parlées purement
théatrales magistralement exécutées par tous les artistes du plateau).
Le jeune couple formé par Cyrille Dubois et
Anne-Catherine Gillet est totalement crédible et chacune de leurs répliques
parlée comme chantée, fait mouche dans ce vaudeville où personne ne reste en
place plus de quelques secondes, en respect d’un genre où chaque situation en
amène une autre. Notons qu’on les retrouvera tous les deux, cet été à
Montpellier, au festival de radio France, dans l’opéra inachevé de Leo Delibes
“Kassya” (achevé par Massenet), en compagnie de Véronique Gens et Alexandre
Duhamel autres talents français.
Je voudrais souligner ici, d’abord, la
beauté et l’élégance du chant du jeune ténor Français Cyrille Dubois. Outre son
jeu parfait (qui n’est pas forcément toujours très simple à réaliser), il nous
offre un chant subtil de jeune amoureux
obsédé par une femme mystérieuse et sait rendre romantique et tendre, ce
sentiment malgré l’aspect outré de certaines situations qu’il négocie avec
classe et talent. Il a été, ce soir là, le plus applaudi et c’est sans nul
doute celui qui a démontré une fois encore, l’étendue de son talent dans des
répertoires différents de ténor lyrique. Il m’avait beaucoup impressionnée dans
le petit rôle du laboureur du Roi Arthus, dans l’immense vaisseau de la
Bastille, où sa jeune voix traversait les rangs avec clarté et émotion, puis un
Marzio remarqué dans Mitridate au TCE, il avait été ensuite un Lucien rempli
d’humanité et d’innocence juvénile enthousiaste dans “Trompe la mort” l’an
dernier à Garnier, un Nadir des “Pêcheurs de perles” rempli de grâce et de
jeunesse encore, au théâtre des champs Elysées et enfin, un Ferrando délicieux
dans Cosi Fan Tutte toujours à Garnier. Il a triomphé également à Lyon
récemment dans la Cenerentola.
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Horace |
Bref, il accumule les belles performances,
ses aigus sont magnifiques et chantés sans effort, il sait moduler, nuancer,
exprimer les sentiments de son personnage dans son chant.
La jeune génération des ténors français est
très prometteuse et on ne peut que lui souhaiter une belle carrière à suivre.
Nous l’entendrons deux fois l’an prochain à l’opéra de Paris, dans les
Huguenots (Tavanne) et dans les Troyens (Iopas).
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Les danseurs |
La
soprano belge Anne-Catherine Gillet a une beaucoup plus longue carrière à son
actif mais elle chante souvent à Liège et à Bruxelles, mais également en
France. Pour moi, elle restera la petite Sophie du Werther inoubliable de
Bastille en 2010. “Tout le monde est heureux !”.
Elle campe bien la mystérieuse Angèle et
son chant est soigné, malgré le peu de vocalises ou autres envolées lyriques
qui rendent un peu sèche son interprétation vocale. Son grand air de l’acte 3,
“Je suis sauvée enfin” est brillamment interprété et lui vaut une belle ovation
mais globalement, tout ceci est corseté par une partition très monocolore et
une mise en scène qui en fait surtout une petite fofolle, malicieuse et
séduisante, mais sans guère de dimension romantique.
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Brigitte et Julianno |
Antoinette Dennefeld interprète une
Brigitte, la bonne copine, avec entrain et talent tout comme François Rougier dans son comte Julianno. Ils sont
les deux comparses “classiques” du vaudeville, figures valorisantes des rôles
principaux, en ayant eux même leurs propres qualités bien défendues par les
interprètes.
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Jacynthe et Angèle |
Félicitations aussi à la mezzo Marie
Lenormand, très drôle dans le rôle de Jacinthe, à l’accent anglais irrésistible
du Lord Elfort, coléreux et hystérique de Laurent Montel et à la soeur dont les
dents rayent le plancher l’Ursule de la brillante et célèbre comédienne de la
Comédie-Française, Sylvia Bergé.
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Lord Elfort |
Une soirée qui me restera donc en mémoire
essentiellement grâce aux interprétes mais qui ne me conduit pas forcément à
souhaiter qu’on exhume toutes les oeuvres d’Auber, tant il m’a paru évident que
certaines n’étaient pas tombé dans l’oubli par hasard...Merci quand même à l'Opéra Comique pour sa programmation originale et son opiniâtreté à offrir à son public talents et originalité. Le Comte Ory était une grande réussite. Je suis moins convaincue par ce Domino mais j'attends avec impatience la suite de la programmation de cette saison salle Favart !
Le petit plus du blog :
La présentation de l'oeuvre
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