Der Ring des Nibelungen/Siegfried - Opéra de Munich - 24 juillet 2018

Siegfried

Der Ring des Nibelungen
Richard Wagner

Festival d'été de l'opéra de Munich - 20-22-24-27 juillet.
Deuxième jour du Ring - 24 juillet 2018 - Opéra de Munich.

Reprise de la production de Andreas Kriegenburg
Direction Musicale : Kiril Petrenko

Siegfried : Stefan Vinke
Mime : Wolfgang Ablinger-Sperrhacke
Der Wanderer : Wolfgang Koch
Alberich : John Lundgren
Fafner : Ain Anger
Erda : Okka von der Damerau
Brünnhilde : Nina Stemme
Stimme eines Waldvogels : Mirella Hagen

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Cette deuxième journée du Ring confirme l'immense intérêt musical et dramatique à voir cette oeuvre en enfilade dans les mêmes conditions.

Il y a bien sûr l'exceptionnel talent de Kiril Petrenko pour sculpter chaque leitmotiv, souligner son retour, faire entendre les différences et les obsessionnels thèmes récurrents, celui de l'orchestre qui sait lui aussi varier de la douceur infinie à l'infinie violence. Mais il y a aussi le talent des chanteurs qui sont les mêmes d'un bout à l'autre de ce Ring et peuvent ainsi construire leur personnage sur le long temps de l'action avec ses évolutions.

Et il y a enfin la fluidité et la lisibilité d'une mise en scène dont on comprend à chaque instant les repères, les très intelligentes et fidèles illustrations du livret et les formidables réussites de la plupart des scènes type de l'opéra.

J'en profite pour saluer la présence et l'utilisation de ce brillant corps de ballets comme éléments du décor qui constitue l'une des trouvailles géniales du metteur en scène.
Ils étaient jeunes gens se baignant insouciants, dans le Rhin pour le Prologue puis mineurs au royaume sombre des Nibelungen. Elles furent jeunes filles passant le verre d'eau une dizaine de fois de Sieglinde à Siegmund symbolisant leur amour naissant ou arbres abritant cet amour lors du Winterstürme. Ils installent les murs de la forge où Mime s'escrime à tenter de reconstruire Notung, et les défont aussi prestement à chaque récit de Mime révélant à Siegfried ses origines pour montrer la scène décrite. Ce ballet incessant est non seulement parfaitement huilé mais donne du sens à ce premier acte parfois un peu longuet (Ach ce crétin de Siegfried et son épée...) en soulignant à quel point il plonge dans les racines du passé, des événements tragiques de la Walküre quelques années auparavant.

Le corps de ballet entame d'ailleurs une singulière danse lors de la scène de la forge de Notung, soufflet géant actionné par des jeunes gens se balançant mais aussi mouvements pour représenter la confection de ses élixirs par Mime, tout le monde bouge dans une cadence infernale et si, à cet instant Stefan Vinke avait été moins sur la réserve, on aurait probablement atteint des sommets.
Mais le corps de ballet et les figurants nous offrent encore bien des surprises fantastiquement réussies : le géant Fafner juché dans une sorte d'énorme filet rempli de danseurs, violemment éclairé en rouge, deux yeux jaunes perçants, pour représenter le dragon, c'est tout simplement génial, esthétiquement, visuellement et ce que vous voulez. D'ailleurs la salle pousse un "ouf" d'étonnement et d'admiration.
Je passe l'élégant oiseau de Siegfried (une jeune ballerine tenant un oiseau au bout d'une perche accompagnée de la chanteuse de la "voix" les bras en aile d'oiseau) qui reviendra en fond de scène ou devant à chaque fois que revient le thème musical correspondant ou d'autres scènes comme la mort de Fafner ou l'arrivée de Siegfried au pied du rocher avec Erda n'avançant qu'au milieu de corps qui l'enserrent et l'enfouissent à plusieurs reprises.
Les braises qui entourent le rocher sont aussi des danseurs illuminés de rouge qui vont rouler sur eux-même pour s'éloigner et libérer Brünnhilde. Enfin le réveil de la Walküre est d'une beauté à vous couper le souffle tout comme d'ailleurs cet immense drap rouge qui entoure le lit lors des échanges finaux entre elle et lui.

Sur le plan musical on ne peut que répéter à l'infini les éloges pour Petrenko et ce qu'il fait de ce Ring sur la durée.
Après la sombre tragédie de Walküre, Siegfried est une sorte de réveil ludique. Ce grand gosse assez primaire, qui ne connait que la force et voudrait bien user de la puissance qu'il possède, magnifiquement incarné par Stefan Vinke sur le plan scénique, connait toute sorte de sentiments, passe par toutes sortes de phases initiatrices et l'évolution vers l'accomplissement de son destin, est très bien rendu tout à la fois par l'interprète, par la mise en scène que par la musique que donne Petrenko qui sait se faire léger, voire primesautier pour mieux faire ressortir ensuite la tragédie.
Stefan Vinke est un Siegfried globalement séduisant avec quelques faiblesses notamment dans l'acte 1 où il manque de projection et de mordant et semble un peu à la peine. Sans doute est-ce l'effet d'une volonté de se réserver pour un rôle très éprouvant et l'acte 3 le montre davantage en possessions de ses moyens. C'est un Siegfried subtil musicalement, comme tous les interprètes de ce Ring (on n'est pas, je le répète, au règne des décibels, c'est un choix collectif et c'est super), meilleur dans les parties héroïques (les plus nombreuses) que dans les quelques moments lyriques mais globalement impressionnant par sa vaillance et le sens qu'il donne à son personnage.


Le Mime de Wolfgang Ablinger-Sperrhacke est par contre éblouissant d'un bout à l'autre du rôle, grinçant, émouvant même dans son récit à Siegfried, projection insolente et aisance dans les facéties du rôle étourdissante. Dommage qu'il ne soit pas revenu se faire applaudir en toute fin de l'opéra, car, franchement sa prestation valait une ovation d'importance.

Le Wanderer d'un Wolfgang Koch qui avait retrouvé tous ses moyens et se promenait littéralement dans le rôle, donne cette unité si impressionnante à la vision d'un Ring complet : on voit l'évolution du personnage de ce Wotan prétentieux, très hommes d'affaire (déjà déclinant, cheveux blancs...) de Rheingold, vers le Wotan contrarié et qui doit prendre de dramatiques décisions dans la Walküre, dont celles de tuer son fils et d'endormir sa fille, vers ce wanderer vagabond, longue cape et déclin inévitable. Le chanteur rend magnifiquement les effets de cette évolution. C'est tout à la fois très intériorisé, très émouvant et la colère s'exprime aussi avec force aux moments-clés.

L'Alberich de John Lundgren poursuit là aussi avec brio l'évolution de son sombre et maléfique personnage et  le Fafner d'Ain Anger (qui a été Hundig dans la Walküre également) est parfait.

L'Erda de Okka von der Damerau a de réelles qualités mais je crois que le rôle est décidément mal distribué : il faut une tessiture plus grave (contralto ?) tant les notes fortes à produire semblent se situer en dehors de la zone de confort d'une mezzo. Et cela s'en ressent.


Reste, cerise sur le gâteau, l'apparition miraculeuse de la Brünnhilde de Nina Stemme qui se promène dans le rôle, le maitrisant parfaitement, avec cette voix sublime qui ne se refuse aucun aigu glorieux, aucune mezzo voce délicieuse, aucun "forte" à déménager tout l'opéra.
On regrettera seulement qu'elle soit assez mal assortie à un Siegfried, on l'a dit, qui manque un peu d'éclat et se faire assez régulièrement submergé par le torrent musical complice entre Petrenko et Stemme.

A suivre...





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