Salomé - Richard Strauss - festival de Salzbourg - Août 2018

Salome

Richard Strauss


Festival de Salzbourg 2018.


Romeo Castellucci | Mise en scène, Stage sets and costumes, 
Création lumières Cindy Van Acker | 
John Daszak | Hérode
Anna Maria Chiuri | Hérodias
Asmik Grigorian | Salomé
Gábor Bretz | Iokanaan
Julian Prégardien | Narraboth
Wiener Philharmoniker | OrchestreFranz Welser-Möst | Chef d'orchestre

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Le problème de Castelluci à mes yeux, c'est que ses mises en scène sont esthétiquement fortes et séduisantes mais généralement difficiles à comprendre.

Ceux qui connaissent Salzbourg savent que le rocher de Mönchsberg traverse la ville en son centre. On peut le franchir en grimpant à son sommet (vue magnifique) ou bien en passant par le tunnel creusé en dessous, dont l'ouverture se situe tout près de l'allée du festival.
Au fronton de ce tunnel est écrit la phrase "Te saxa loquuntur" (les pierres parlent de toi). Castelluci, dont le "Salomé" est donné au Felsenreitschule, l'une des salles de concert du festival, manège de chevaux, creusé lui aussi dans le même rocher, a inscrit cette même phrase au fronton de son spectacle.

Il s'est servi des caractéristiques rocheuses de son espace ce qui fait qu'on a la forte impression (en retransmission) de pénétrer sans cesse dans la citerne où Jonachaan (sombre diable tout noir et tout poilu) est enfermé. La scène est généralement sombre, la seule tache claire est celle formée par la robe blanche de Salomé ou par la mare blanche de lait où elle trempe ses pieds. Que de pistes données ensuite par Castelluci : la pierre, le sang menstruel qui tache la longue chemise blanche de Salomé, le "diable" Jonachaan (qui se transforme en cheval noir, utilisation de la fonction "manège" de son espace et plus encore mais quoi ?), les querelles des juifs dont la bouche et le bas du visage est peint en rouge etc etc.


Pas de danse des sept voiles et peu de séduction venant de la toute jeune fille presque apeurée et désemparée au début, toute blanche et menue qui semble juste aller avec force et courage, au bout de ses fantasmes. Elle se montre sur un énorme bloc de rocher en position foetale, tandis qu'un autre bloc semble vouloir l'écraser. L'eau est également très présente. La scène la plus violente est évidemment la scène finale (mais c'est le cas quelle que soit la mise en scène) : c'est d'abord la tête du cheval noir qu'on amène à Salomé avant qu'elle ne voit assis sur un tabouret, le corps nu, glabre, blafard et sans tête du prophète.

Décryptage complexe mais images fortes incontestablement et surtout, scènes magnifiquement servies par le rôle principal, qui "chante" en permanence (d'une voix ferme et ronde au timbre magnifique) cette difficile partition, là où beaucoup d'interprètes "crient". Aucun écart brutal de note ou de style ne dérange la jeune soprano lituanienne, véritable soprano dramatique, tragédienne dans le physique comme dans le jeu. Il me semble que Castelluci en fait plus une Antigone qu'une Salomé mais je laisse les spécialistes es-Roméo, expliquer les desseins du maître. 

Asmik Grigorian marque de son empreinte cette Salomé et sans doute d'ailleurs, le rôle lui-même pour un moment, à mon avis. J'ai vu pas mal de Salomé ces dernières années, aucune aussi impressionnante et "habitée" par son rôle qu'elle. A suivre absolument.

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Les autres artistes sont d'un haut niveau également, ce qui ne gâche rien : Julian Prégardien, jeune ténor que j'ai déjà entendu dans le Lied (de Schubert notamment), est un magnifique Narraboth, tendre et presque juvénile, comme le rôle l'exige d'ailleurs, Anna Maria Chiuri est une Herodias remplie de colère et de soif de vengeance qui vocifère beaucoup avec une hargne très efficace, très bon Hérode de John Daszak. Quant à Gábor Bretz, il campe un Jonachaan dont la voix et le timbre sont d'une tendresse qui rompt avec son allure effrayante et le style un peu grandiloquent qui sied au Prophète.


Mais l'autre vedette est l'orchestre et son chef Franz Welser-Möst, qui réussit là un morceau époustouflant où tous les instruments semblent aller au bout de leurs possibilités dans un maelstrom étourdissant qui s'arrête brutalement d'ailleurs au final laissant le spectateur un peu sidéré par la luxuriante partition ainsi interprétée avec fougue et sans retenue.



Retransmission disponible sur Medici TVhttps://www.medici.tv/fr/operas/salome-strauss-opera/

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