L’élisir d’amore - Donizetti - Opéra de Paris - 25 octobre 2018

L’élisir d’amore

Gaetano Donizetti

Livret Felice Romani lui-même tiré du livret écrit par Eugène Scribe pour Le Philtre (1831) de Daniel François Esprit Auber.

 Direction musicale : Giacomo Sagripanti
Mise en scène : Laurent Pelly
Costumes : Laurent Pelly
Décors : Chantal Thomas
Lumières : Joël Adam
Dramaturgie : Agathe Mélinand
Chef des Choeurs : Alessandro Di Stefano


Adina : Lisette Oropesa 
Nemorino : Vittorio Grigolo 
Belcore : Étienne Dupuis
Il Dottore Dulcamara : Gabriele Viviani
Giannetta : Adriana Gonzalez

Opéra en deux actes, l’Elixir d’amour est basé sur un livret comique mettant en scène des personnages de la commedia dell’arte. Le propos est simple : Adina jeune fille de la campagne, instruite et jolie, repousse l’amour que lui porte Nemorino, brave jeune paysan naïf. Comme elle lit beaucoup et raconte aux jeunes gens qui l’entourent l’histoire de Tristan et Yseult et de leur filtre d’amour, Nemorino rêve de trouver ce breuvage magique qui changerait son destin. Mais pour l’heure c’est le soldat Belcore qui fait une cour assidue à la jeune fille et parvient à la séduire. Nemorino voudrait mourir… Arrive un charlatan bonimenteur, qui prétend vendre au jeune homme un filtre d’amour (qui est en réalité du vin). 
Le village apprend alors que le vieil oncle riche de Nemorino est mort et que le jeune paysan en hérite. Les jeunes filles se jettent alors sur lui, il croit à la vertu du filtre…
Gai et enjoué cet opéra regorge de grands airs sympathiques, apparemment sans prétention, mais assez difficile à réussir malgré tout. Le plus célèbre est la romance de Nemorino « Una furtiva lacrima ». 


Je ne tiens pas cette oeuvre de Donizetti comme primordiale et à la longue on se lasse un peu des airs aussi beaux soient-ils mais il faut reconnaître à Laurent Pelly le talent immense de rendre incroyablement vif, enjoué, drôle, sarcastique et émouvant cet Elisir grâce à sa mise en scène. Bien que l'ayant vue désormais quatre fois (deux à Londres et deux à Paris), j'ai été surprise de m'apercevoir hier que je découvrais encore des détails cocasses, subtils, amusants voire touchants. Laurent Pelly était présent aux répétitions et, pour avoir vu une séance de travail du dernier acte, je peux vous dire qu'il était en permanence sur le plateau, prodiguant conseils et suggestions à ses artistes, adaptant quelques détails de mouvements à la jeunesse et à la souplesse de ses interprètes, surveillant tout déplacement et tout geste au millimètre.
Costumes, décors, accessoires, tout est merveilleusement bien pensé pour suggérer l'Italie d'autrefois. Les couleurs même épousent le style des affiches publicitaires de l'époque, les militaires font le pas de l'oie, le village est écrasé sous le soleil, on paresse au milieu des meules de foin etc etc


Pelly choisit le cliché sympathique pour une histoire parfois un peu grivoise, qui manque de tourner au tragique pour finalement se terminer en apothéose.
La deuxième excellente raison de ne pas se lasser de cet Elisir c'est l'interprète de Nemorino, Vittorio Grigolo. J'ai vu le ténor italien il y a quelques années déjà dans cette mise en scène qui semble écrite pour lui (elle date de 2006 en réalité), puis, toujours dans Nemorino mais dans d'autres mises en scène, et honnêtement, quelles que soient les idées du metteur en scène, Grigolo impose son personnage, avec sa naïveté, sa gouaille, son côté ragazzo un peu canaille, ses touchantes mimiques quand il croit séduire toutes les filles du village et son sens de la scène.
Ne serait-ce que pour avoir vu et entendu le beau Vittorio en Nemorino, il ne faut pas rater cette reprise. Quand, en plus, il évolue avec son T-shirt rayé un tantinet débraillé, sous la direction de Pelly, on ne peut pas, aujourd'hui espérer meilleure interprétation. Le chant reste glorieux, la voix saine quoique plus lourde qu'il y a quelques années dans le même répertoire, les airs sont très bien menés, et les duos avec ses partenaires (notamment avec le Belcore de Dupuy) parmi les plus brillants entendus et vus ces dernières années dans cet opéra.
Ce n'était donc pas facile a priori pour son Adina d'exister à côté d'un aussi charismatique Nemorino.
Mais entretemps, la belle et brillante Lisette Oropesa avait démontré sur cette même scène, son immense talent en Marguerite dans les Huguenots. En confiance face à un public qui l'adore manifestement dès qu'elle apparait allongée sur sa meule de paille, elle domine le rôle d'un bout à l'autre, jeu vif et déluré, voix superbe dans le médium, un peu plus pincé dans les aigus, répliques cinglantes à ses partenaires, tout y est. Le couple qu'elle forme avec Grigolo n'est pas loin de l'idéal vocal et scénique pour cet opéra.
Si on ajoute, ce qui est rare, un très brillant Belcore (Etienne Dupuy), un peu moins sonore que Grigolo mais modulant magnifiquement ses airs, possédant une belle voix claire et jouant parfaitement son personnage, suivi d'un Dulcamara (Gabriele Viviani) truculent à souhait (et même à la limite du politiquement correct quand il cherche à lutiner la belle Adina), juste un peu en retrait lors de sa tonitruante arrivée qui n'est pas suffisamment enlevée, mais parfait ensuite durant tout le dernier acte, on a le plaisir de pouvoir dire que la distribution était globalement de très hait niveau.

Et il ne faut oublier dans les éloges, ni la sympathique Giannetta d' Adriana Gonzalez, ni les choeurs très en place et brillants.
J'ai beaucoup aimé également la baguette de Giacomo Sagripanti, qui dirige aussi la Traviata en parallèle. Ce n'est pas un chef envahissant, il ne dirige pas l'orchestre pour lui même, c'est un vrai chef d'opéra, respectueux du rôle de chacun, soutenant les artistes de scène depuis la fosse, et finalement, c'est déjà beaucoup...Ovation générale lors des saluts, très grand enthousiasme du public (et des personnalités présentes dont le ministre de la culture tout nouvellement nommé et l'inévitable Roselyne Bachelot).

Comme d'habitude Grigolo en fait des tonnes aux saluts mais c'est sa marque de fabrique et on s'y attend (amusée...). Je me disais, hier soir, qu'il était pourtant très discret en dehors de la scène et que c'était probablement l'un des artistes qui étalait le moins sa vie privée..., curieux contraste avec l'extravagance de sa présence sur un plateau...

Une reprise à ne pas rater !

















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