Pretty Yende, merveilleuse Adina dans l'Elisir d'amore à Munich, standing ovation pour un soir de fête

L'Elisir d'amore 


Gaetano Donizetti

Livret en italien de Felice Romani d'après le livret d'Eugène Scribe, écrit pour l'opéra "Le Philtre" de Daniel François Esprit Aubert 

Soirée du 30 juillet 2019 à l'opéra de Munich   
Direction musicale : Joana Mallwitz 
Mise en scène : David Bösch

Adina : Pretty Yende 
Nemorino : Pavol Breslik 
Belcore : Mattia Olivieri 
Dulcamara : Ambrogio Maestri 
Giannetta : Selene Zanetti

Bayerisches Staatsorchester
Chor der Bayerischen Staatsoper

Reprise de cette production qui ne se démode pas et est l'un des fleurons de l'opéra de Munich.
Je l'ai vue l'an dernier avec Vittorio Grigolo, cette année ce sera Pavel Breslik. C'est assez différent...
Avant-dernier jour d’un festival qui devait se terminer par la reprise d’une autre production de Bösch, les Meistersinger, avec retransmission en livestream et apothéose finale. 
Le retrait de Jonas Kaufmann de la distribution, atténue d’emblée la portée de cet événement final. Hier soir, par contre, la défection d’un rôle principal, celui du baryton polonais Mariusz Kwiecień en Belcore, a conduit à un remplacement exceptionnel, la prestation de Mattia Olivieri étant sans doute l’une des plus remarquables du plateau. Le timbre est absolument magnifique et la maitrise des accélérations « syllabiques », des vocalises et de l’opposition entre staccato et legato, force vraiment l’admiration. Un des meilleurs Belcore entendu depuis longtemps. La mise en scène en fait un soldat à la tenue très négligée (pour un artiste très sexy par ailleurs), qui rivalise sérieusement avec Nemorino du coup (ce qui, finalement, est assez rarement le cas) et dont l’aisance scénique est impressionnante. C’est surprenant de constater qu’il n’a pas fait jusqu’à présent, de carrière plus prestigieuse, jouant souvent les rôles secondaires voire les remplaçants.
L’an dernier c’était le meilleur Nemorino actuel, Vittorio Grigolo qui menait la danse alors que son Adina prévue, Pretty Yende, avait annulé. 
Cette année, Pretty Yende nous a littéralement éblouis par la magnificience de ses vocalises, notes, piquées, suraigus et autres beautés vocales belcantistes, sa grâce infinie dans l’incarnation d’un personnage qu’elle habite merveilleusement, risquant tout vocalement (un suraigu très impressionnant au final), avec la sureté d’un timbre de très grande beauté. Son "Prendi, per me sei libero" est renversant et conclut une prestation en tous points remarquables. Dans ce répertoire Pretty Yende est une valeur sûre...! On la verra avec curiosité et intérêt en Violetta puis en Manon à l'Opéra de Paris l'an prochain.
On ne saurait en dire autant malheureusement de Pavol Breslik à la voix grise, sans doute assez fatigué par plusieurs rôles tenus ici même en juillet et notamment un très brillant Naraboth de Salomé qui ne fait pas du tout appel aux mêmes caractéristiques vocales. Mais au delà de cette probable méforme, je pense qu'il n’a pas franchement ni l’italiannité, ni la technique belcantiste de ses collègues ce qui le conduit à devoir esquiver certaines difficultés et souligne parfois cruellement, la différence entre sa prestation et celles, virevoltante et magnifique, des trois autres protagonistes.
Scéniquement, par contre, le ténor est à son affaire dans cette mise en scène assez déjantée mais fort sympathique, qu’il a beaucoup fréquentée ici à Munich. Il chante son « Una furtiva Lacrima »  perché acrobatiquement au haut d’un lampadaire et ne se ménage pas pour donner vie et humour à son personnage, sans doute le meilleur acteur du lot, qui rien que pour cela, mérite les ovations qu'il a eues hier soir.

Le Dulcamara d’Ambrogio Maestri est, comme l’an dernier, absolument décoiffant, clamant son boniment avec une drôlerie et un abattage phénoménal, il nous offre en particulier un duo avec Pretty Yende, d’un niveau de maitrise et de perfection rarement atteint dans cette œuvre où l’on attend surtout ces fameux grandes envolées « belcantistes », l’histoire ne présentant que peu d’intérêt même si la mise en scène lui offre un décalage comique assez agréable.
La jeune cheffe Joana Mallwitz est vraiment à son affaire dans ce répertoire (c’est aussi le grand avantage du festival de Munich que cette possibilité de découvrir de nouveaux talents), attentive à tous les chanteurs, les accompagnant au millimètre et donnant beaucoup de vie à l’ensemble.
Standing ovation de la salle à son arrivée sur le plateau lors des saluts.

Ma précédente critique (comprenant une analyse de la mise en scène).

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