Un Simon Boccanegra inégal avec de belles prestations, à Salzbourg pour le festival

Simon Boccanegra


Giuseppe Verdi
Livret de Francesco Maria Piave, revu par Arrigo Boito
Création deuxième version : Scala de Milan le 24 mars 1881.
Festival de Salzbourg 2019 - représentation retransmise en direct du Mardi 20 août 2019

Andreas Kriegenburg | Mise en scène
Harald B. Thor | Décors
Tanja Hofmann | Costumes
Andreas Grüter | Création lumières
Julia Weinreich | Dramaturgie
Peter Venus | Conception vidéo
 Luca Salsi | Simon Boccanegra
Marina Rebeka | Amelia Grimaldi
René Pape | Jacopo Fiesco
Charles Castronovo | Gabriele Adorno
André Heyboer | Paolo Albiani
Antonio Di Matteo | Pietro
Long Long | Capitaine
Concert Association of the Vienna State Opera Chorus
Ernst Raffelsberger | Chef de chœur
Wiener Philharmoniker
Valery Gergiev | Chef d'orchestre
Simon Boccanegra est un opéra pour “clé de fa”, qui distribue quatre rôles importants dans des tessitures graves (deux barytons, deux basses), dont le rôle titre. Il faut y ajouter un ténor qui doit à la fois être lyrique et savoir forcer un peu sur sa voix pour quelques passages plus héroïques, et une soprano pas mal sollicitée également. 
Verdi a ménagé dans cet opéra très politique, un rôle pour les chœurs et quelques duos, trios, ensembles, tous de très belle facture musicale.
Histoire de guerre de pouvoir dans la Gênes du XIVème siècle entre patriciens et plébéiens, Simon Boccanegra est composé d’un prologue et de trois actes qui se déroulent vingt-cinq ans après le drame exposé dans le Prologue : mort de Maria la fille du doge Fiesco qui a donné naissance, contre l’avis de son père, à une fille conçue avec le marin Simon Boccanegra qui devient doge suite à la révolte des plébéiens.
Comme souvent l’histoire qui se déroule durant les trois actes est rocambolesque et invraisemblable mais bon, cela n’a pas beaucoup d’importances, c’est le propre de la plupart des opéras de Verdi.
La mise en scène d’ Andreas Kriegenburg dont on a vu récemment les Huguenots à Bastille et le Ring à Munich, a les qualités de ses défauts : elle est sobre et esthétiquement très réussie avec un décor évoquant clairement un palais où Simon Boccanegra semble comme enfermé, juste éclairé par deux pans de verrière sur le pan incliné du toit qui abrite une sorte de serre remplie de végétation. Cet éclairage évolue au cours de différentes scènes pour finir par ressembler au vaste hublot d’un paquebot par lequel on voit la mer et le ciel. La partie gauche du décor tourne sur elle-même, montrant soit une paroi lisse et ronde (avec bar aménagé, on pense au décor du Crépuscule de son Ring), soit un intérieur de palais plus vaste et très blanc.
Mais le parti pris de modernisation du propos de Kriegenburg est lui, par contre, très discutable (même si on s’en détache assez rapidement) puisque le parallèle est établi entre les luttes d’influences de la Renaissance italienne dans les Cités florissantes (que Verdi avait lui-même utilisé pour développer son propos politique libérateur du 19èmesiècle) et le pouvoir des hommes d’affaires, traider et financiers divers qu’on voit se presser devant le décor « fermé » durant le prologue en échangeant des SMS en permanence, qui s’affichent sur le mur. L’utilisation des smartphones et autres tablettes (dessinant le portrait façon « puzzle » de Amelia avant qu’elle n’apparaisse sur scène en chair et en os) est assez habile mais n’apporte pas grand-chose à la compréhension de l’œuvre. 
La direction d’acteurs n’est pas très élaborée mais elle existe et dans l’ensemble, nos artistes s’y soumettent bien volontiers pour un ensemble assez théâtralement enlevé.
C’est musicalement que l’ensemble est un peu décevant malgré de très belles performances. 
Gergiev, toujours pas monts et par vaux, court de son festival d’extrême-orient à Vladivostok à Bayreuth puis à Salzbourg après un passage à Verbier, bref, on sent l’homme pressé et le chef inégalement inspiré par une partition très verdienne et où le dialogue voix/orchestre a toute son importance. C’est globalement assez lourd et surtout assez monolithique, le festival nous a habitué à de bien meilleures directions, Gergiev aussi d’ailleurs.

Luca Salsi est un Simon Boccanegra très séduisant, assez peu vaindicatif, presque romantique et très humain, au beau chant rempli de nuances et de longues notes tenues mais qui n’a pas tout à fait, à mon goût, le legato verdien que possède par exemple, dans ce rôle, Ludovic Tézier. J’ai toujours trouvé Salsi plus à son affaire dans le vérisme que dans Verdi ce qui ne retire rien au fait que sa prestation est globalement convaincante et artistiquement très travaillée.
Marina Rebeka est une Amelia Grimaldi qui assume parfaitement et avec une grande technique, les difficultés de son rôle d'une voix qui éclate au dessus de celles de ses partenaires masculins. Tout juste émettra-t-on une réserve concernant un timbre parfois métallique dans les aigus mais sa vaillance et la beauté de son chant, l’emporte largement sur cet aspect. 
Très belle prestation, très noble, entièrement sur la réserve aristocratique que son rôle requiert, René Pape est un Jacopo Fiesco de luxe, qu’on regrette vraiment de voir si rarement, dont le timbre est superbe jusque dans les ultra-graves (très difficiles) de sa partie. Chapeau l’artiste, il est sans doute celui qui marque le plus la soirée.
Je suis beaucoup plus réservée concernant Charles Castronovo en Gabriele Adorno. Des soucis de justesse ont émaillé l’ensemble de la soirée, flagrants dans les duos et ensembles, ses aigus sont jetés et habilement raccourcis, les legatos sont généralement absents, ce qui nous prive du lyrisme de ce rôle et de toute morbidezza propre au chant verdien. Le timbre s’est beaucoup assombri ce qui lui donne le caractère sombre et viril du personnage (qu’il incarne plutôt bien par ailleurs) mais, du coup, a perdu de sa beauté d’antan, peut-être du fait de rôle un peu trop lourds ? 
J’ai bien aimé le Paolo Albiani de André Heyboer, baryton français qui joue et chante les traitres de service à merveille tout comme d’ailleurs le Pietro de la basse italienne Antonio Di Matteo, beau « second » rôle là aussi. Chœurs et orchestre de belle sonorité comme toujours mais sans le petit grain de génie qui fait les soirées exceptionnelles. 


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