Retour gagnant de Sonya Yoncheva dans un concert Puccini.

Sonya Yoncheva chante Puccini

Concert du 14 novembre au Tchaikovsky Concert Hall de Moscou, retransmission sur Medici TV
Sonya Yoncheva rentre de congé de maternité, ces premiers concerts « Puccini » sont donc sa grande rentrée après son dernier gala de juin dernier à la Scala avec Juan Diego Florez et Jonas Kaufmann, lequel se terminait d’ailleurs par un « Libiamo » échevelé où même Placido Domingo, le chef, s’était mis à chanter ….
La soprano arbore une robe jaune de grande marque pour son premier air de la Bohême «Donde lieta uscì», air délicatement négocié qui permet d’être immédiatement rassuré : le timbre divin et le talent de Sonya Yoncheva nous reviennent intacts. Magnifiques même. D’ailleurs le public est aux anges immédiatement sans avoir besoin de se « chauffer ». Le « In quelle trine morbide » de Manon Lescaut exige des aigus plus « spinto » pour un rôle déjà plus dramatique où Sonya Yoncheva ne force jamais sa voix, faisant entendre un pur cristal délicat.
La suite nous laisse un peu sur notre faim tant Marin Yonchev, le petit frère de la chanteuse, peine à se hisser à son niveau d’excellence. Décidément cette manie « familiale » n’est pas de meilleur gout et lasse un peu le spectateur. Timbre quelconque, aigus tirés, voix très instable, Yonchev, malgré le regard bienveillant que Sonya pose sur lui, n’est pas un très bon ténor. Heureusement elle reprend la « main » après ce « Che gelida manina »  poliment applaudi, avec la réponse de Mimi, divine, superbe  «Sì, mi chiamano Mimi», ce rôle dans lequel nous l’avons entendue plusieurs fois, toujours avec bonheur, et qu’elle reprend à Londres début janvier avec Charles Castronovo (Retransmission cinéma le 29 janvier). 
Changement de robe pour le Villi (un opéra trop rarement donné hélas) où elle incarne « Anna » dans « Se come voi piccina io fossi » air de l’acte 1 quand la belle fiancée s’inquiète du départ de son amour qu’elle craint de ne jamais revoir. Sonya Yoncheva avait déjà enregistré cet air dans son CD « Paris mon amour ». Elle y est toujours aussi émouvante et bouleversante se mettant élégamment en scène en robe rouge, bouquet de roses dans les bras, distribuant ses fleurs une à une.
"Vissi d’arte" (Tosca) parfaitement maitrisé lui aussi, la voix est là, l’interprète aussi. Dommage que l’orchestre donne si peu de couleurs à l’accompagnement d’une si belle voix (même si certains aigus paraissent parfois sur le bord de la rupture mais je crois que c’est ainsi que l’on aime sa prestation.
L’air de Madame Butterfly, « Un bel dì vedremo », ne lui pose aucun problème mais le deuxième air de Manon Lescaut, celui du final « Sola, perduta, abbandonata », est beaucoup plus tendu et délicat pour la soprano dont les aigus sont un peu à la peine (avec un léger problème de gestion du souffle qui n’est pas nouveau) mais elle reste cependant souveraine dans le phrasé et les nuances tout en nous causant quelques frayeurs…mais le final sur un fil, dans un souffle est inoubliable et remporte aussitôt une solide ovation méritée.
Plus de légèreté et de détente et toujours ce timbre magique, ensuite avec le premier « Bis » que Sonya chante couverte de fleurs offertes lors des saluts « O mio babbino caro».
Toujours aussi merveilleuse et quittant Puccini, la soprano offre un deuxième bis que nous lui connaissons depuis longtemps puisqu’elle l’avait interprété lors d’un concert « intime » (mais riche de souvenirs) à Gaveau il y a quelques années déjà : « Ô Paris, gai séjour de plaisir ». Epoustouflante de virtuosité, elle prouve d’ailleurs qu’elle a gardé toute la souplesse de sa voix.
On regrettera les faiblesses d’un orchestre trop peu coloré qui ne donne pas toujours vraiment d’élan au chant et comme souvent dans ces récitals, trop d’intermèdes musicaux au sens où ils sont exécutés dans l’intention un peu trop visible de « meubler ».
Mais ce n’est pas l’essentiel dans ce retour gagnant de la grande soprano.
Et comme, jamais deux sans trois, le public très « chaud » aura son troisième « bis » après un petit discours en russe de la diva, présentant l’air de Massenet,  «Adieu, notre petite table» avant de l’entonner avec une grâce et une élégance parfaite. La voix est plus légère pour s’adapter à la jeune Manon et on admire le talent de ceux qui savent moduler ainsi leur instrument pour le mettre au service de l’interprétation.
Et puis c’est comme ça, c’est un timbre qui me bouleverse…

Sonya Yoncheva | Soprano
Marin Yonchev | Ténor
Orchestre Académique Symphonique d'État Evgeny Svetlanov (Svetlanov Symphony Orchestra)
Diego Matheuz | Chef d'orchestre


Giacomo Puccini, Madame Butterfly
I : Introduction
Giacomo Puccini, La Bohème
III : «Donde lieta uscì»
Giacomo Puccini, Manon Lescaut
II : « In quelle trine morbide »
Intermezzo
Giacomo Puccini, La Bohème
I : « Che gelida manina » (Rodolfo)
I : «Sì, mi chiamano Mimi» (Mimi)
Giacomo Puccini, Le Villi
II: Intermezzo "La Tragedia"
I : « Se come voi piccina io fossi » (Anna)
Giacomo Puccini, Tosca
II : «Vissi d'arte» (Tosca)
Giacomo Puccini, Suor Angelica
Intermezzo
Giacomo Puccini, Madame Butterfly
II : « Un bel dì vedremo »
Giacomo Puccini, Manon Lescaut
IV : « Sola, perduta, abbandonata »
Giacomo Puccini, Gianni Schicchi
«O mio babbino caro» (Lauretta)
Charles Lecocq, Les cent vierges
« Ô Paris, gai séjour de plaisir »
Jules Massenet, Manon
II : «Adieu, notre petite table» (Manon)

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