Pour la découverte d'une oeuvre rare "La Dame Blanche" à l'Opéra Comique

La Dame blanche

De François-Adrien Boieldieu
Opéra-comique en trois actes, sur un livret d’Eugène Scribe d’après Walter Scott.
Créé à l’Opéra Comique en 1825.

Direction musicale Julien Leroy
Mise en scène Pauline Bureau
Décors Emmanuelle Roy

Georges Brown Philippe Talbot
Anna Elsa Benoit
Jenny Sophie Marin-Degor
Gaveston Jérôme Boutillier
Marguerite Aude Extrémo
Dickson Yann Beuron
Mac-Irton Yoann Dubruque
 Chœur Les éléments
Orchestre Orchestre National d’Île-de-France

Non seulement je n'avais jamais vu cette oeuvre mais je n'avais même pas écouté l'excellent enregistrement de 1997 de Marc Minkowski.
Boieldieu était célèbre quand il composé cette histoire écossaise, la Dame Blanche dut battre quelques records de présentations à l'époque. Il était contemporain et voisin de Rossini et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'une certaine parenté est évidente sur le plan musical.
Si on excepte une ouverture (d’Adolphe Adam, son élève à l’époque) que j'ai trouvée personnellement assez "pompier" et sans l'intelligence mélodique de Rossini, le reste est musicalement relativement inventif et, comme le maitre italien, ménage de beaux airs pour tout le monde, des duos enlevés, des trios et des ensemble bien scandés avec départ en canon sur des phrases musicales différentes qui évoque assez irrésistiblement la Cenerentola ou le Voyage à Reims.
Le thème, lui, est une de ses histoires dont raffolaient les spectateurs du 19ème siècle (tiré de deux romans de Walter Scott), d'injuste ruine de nobles écossais soutenus par leurs paysans, d'enfant héritier disparu, d'amours enfantines qui resurgissent, de fantômes et de revanche. Les dialogues parlés sont assez longs mais magnifiquement fondus dans l'ensemble qui ne lésine pas dans les explications détaillées permettant de suivre 'intrigue somme toute assez simple pourtant.
La mise en scène de Pauline Bureau est assez primaire et la direction d'acteurs un peu "outrée" accentuant le style comique et gommant un peu trop la part de mystère. Le choix des décors et surtout des effets spéciaux, assurés par une équipe de techniciens remarquables, font apparaitre des fantômes traversant la scène, des feux follets s'allumant un peu partout, des tableaux s'animant (non sans évoquer Harry Potter...) et faisant vivre le passé, bref autant d'aspects réjouissants.
Dans la fosse l'ONDIF aura quelques difficultés au démarrage accompagne très bien ces rebondissements musicaux et cette variété "d'exercices" avec talent sous la baguette du jeune chef Julien Leroy. Les choeurs "Les éléments", très sollicités dans l'oeuvre, font comme d'habitude du très bon travail qu'on a plaisir à voir et à entendre, une très belle ovation les a d'ailleurs accueillis à juste titre.
La distribution est très agréable globalement avec des artistes de grande qualité, à l'aise vocalement dans le petit espace de l'Opéra Comique, qui ne forcent jamais et nous donnent du beau son.
J'ai particulièrement apprécié les interprétations de Yan Beuron (beau timbre clair et corsé, superbe projection, belle prononciation et chant -et parler- très engagé pour ce Dickson très écossais, en kilt, plus vrai que nature), de Aude Extrémo  impressionnante Marguerite au rouet avec son impressionnante allure altière et sa voix de contralto belle et pure.
Le choix de Philippe Talbot pour interpréter Georges Brown, rôle de ténor "di Grazia" typique, me parait un tout petit peu plus discutable. Le ténor a de très beaux accents dans certains de ses airs les plus "romantiques" mais les vocalises ne sont pas toujours très nettes et certains aigus sont parfois un peu tendus. Il lui manque par moment, l’allant, une certaine virtuosité et la vaillance qu’on attend de « Viens gentille dame ! » ou de « Ah! quel plaisir d'être soldat ! », quelques tubes souvent entendus notamment interprétés par l’exceptionnel Rockwell Blake.
Même remarque d'ailleurs pour Elsa Benoit en Anna, un beau jeu et un chant souvent éclatant mais parfois quelques difficultés dans les acrobaties vocales et des aigus systématiquement rétrécis.
Ils forment cependant un très beau couple jeune et dynamique, très convainquant scéniquement, qui, avec celui de Dickson (Yann Beuron) et Jenny (Sophie Marin-Degor) et le menaçant puissant et bien chantant (mais volontairement dans le choix burlesque de la mise en scène, plus ridicule qu'effrayant) Gaveston de Jérôme Boutillier, forme une équipe d'une grande fraicheur.
Bref, c'est plaisant, distrayant, facile d'accès avec des artistes qui se donnent à fond et valorisent incontestablement l'oeuvre par la qualité de leurs prestations (il faut chanter, jouer et... déclamer !).
L’œuvre est rare et c’est tout le mérite de l’Opéra Comique que de donner à nouveau à voir ces petits joyaux de l’opéra français du début du XIXème siècle.

PS : les artistes et techniciens sont venus devant la fosse d'orchestre avant le début de la séance, lire un texte contestant la réforme des retraites et affirmant leur solidarité avec tous les corps de métier engagés dans la même contestation. Applaudissements de la salle (et quelques protestations très isolées).


Commentaires

  1. Les photos, et ton commentaire me font regretter d'être passée à côté de ce spectacle, donné...place Boieldieu,...

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