Création mondiale à Munich : les Sept morts de Maria Callas.

7 Deaths of Maria Callas 



Création mondiale d'un "projet d'opéra" de Marina Abramović 

Musique de Marko Nikodijević, et scènes d'oeuvres de Vincenzo Bellini, Georges Bizet, Gaetano Donizetti, Giacomo Puccini et Giuseppe Verdi.

 Mise en scène et décors : Marina Abramović 

Direction musicale : Yoel Gamzou 

Avec

Rôle de Maria Callas sur scène et dans les vidéos (actrice) : Marina Abramović 

Acteur des vidéos dans le rôle du "tueur" évoquant "Ari" Onassis : Willem Dafoe

Violetta Valéry : Hera Hyesang Park 

Floria Tosca : Selene Zanetti 

Desdemona : Leah Hawkins 

Cio-Cio-San : Kiandra Howarth 

Carmen : Nadezhda Karyazina 

Lucia Ashton : Adela Zaharia 

Norma : Lauren Fagan

Bayerisches Staatsorchester

Durée : 1h30 sans entracte.

 

Retransmission en livestream le 5 septembre en direct du BSO et sur ARTE concert.

Disponible un mois.


Gros succès en salle (où je n'étais pas, hélas, n'ayant pas eu de places) pour une "oeuvre" un peu déconcertante et que j'ai trouvée inaboutie mais qui produisait manifestement un effet "choc" beaucoup plus impressionnant en salle qu'en retransmission au vu de la chaleur des applaudissements.

Cette oeuvre aurait du être créée en avril à Munich et reprise en septembre à l'OnP Garnier... ce sera pour la prochaine saison, en principe...


Impressions sur ces 7 morts de Maria Callas 

L'oeuvre de Marina Abramovic, pour frustrante qu'elle ait été, ne laisse pas indifférent loin de là.

L'actrice, fascinée depuis son plus jeune âge tout à la fois par la voix hors norme et le destin tragique de Maria Callas, a préparé son projet depuis de très longues années, pour se retrouver confrontée à la dernière minute à la crise du coronavirus, annulant toutes les représentations alors prévues à l'opéra de Munich.

Mais, comme elle l'explique elle-même, elle n'est pas femme à renoncer à un projet qui lui tenait tant à coeur et elle a tout fait pour lui donner vie, dans une salle du BSO transformée dès juin dernier pour s'adapter aux normes sanitaires en vigueur, orchestre avec distanciation des instrumentistes installés sur les premiers rangs du parterre et dans les loges de côté, scène surélevée mais n'ayant rien perdu de ses capacités : écran avec vidéo géante pour toute la première partie, scènes filmées projetées évoquant les 7 "morts" sur scène de 7 des rôles emblématiques de Maria Callas, disparaissant pour s'ouvrir sur un décor de chambre à coucher évoquant l'appartement parisien des dernières années de la Callas, où elle trouva la mort.

Les exigences du coronavirus ont été cependant draconiennes pour les répétitions comme pour les représentations. Ce n'est qu'à la dernière minute que la "jauge" est passée... à 500 spectateurs. Et Marina Abramovic raconte comme elle et les artistes ont répété à distance, avec masque et ont dû se faire tester chaque semaine. Le savoir-faire allemand concernant les tests permet des résultats très rapides (quelques heures) ce qui a garanti une absolue sécurité aux 600 membres de la maison bavaroise.

 

Marina Abramovic incarne Maria Callas tout à la fois dans les vidéos qui accompagnent les interprètes des différents airs, et dans la dernière partie, sorte de théâtre silencieux qui met en scène sa mort, avec voix off où elle déclame une longue tirade sur l'angoisse de la fin, où elle rappelle ses souvenirs, évoque son amour, "Ari" Onassis qui l'a trahie et brisée, et sa "bonne" française Bruna, restée à ses côtés durant toutes ces dernières années. C'est d'ailleurs en costumes de "bonnes" française que les 7 interprètes sopranos reviendront à l'ultime dernière minute du spectacle, masques Corona sur le visage et désinfectant divers dans les mains, pour nettoyer la chambre. Alors apparait à nouveau en magnifique fourreau doré, Maria Callas tandis que s'élève son inoubliable et poignant "Casta Diva"... inachevé.

On pourra parfois avoir l'impression d'un véritable show préenregistré, préfilmé, où elle n'apparait en chair et en os pour évoquer la diva que durant les dernières minutes de l'opéra, quand l'écran se lève, tout en étant omniprésente au cinéma, en voix off, écrasant un peu tous les autres protagonistes.

Le spectacle "vivant", le chant, l'orchestre, sont, à mon goût (et la retransmission accentue cet effet), trop souvent relégués au second plan, tant la caméra de retransmission se fixe sur les gros plans des vidéos montrant Marina/Maria en costume de scène aux prises avec Willem Dafoe/Onassis en Otello, en Don José, en assassin.

Les silhouettes de nos vaillantes (et brillantes) sopranos apparaissent alors toutes menues, immobiles sur le devant de la scène, avec l'orchestre au premier plan.

Le choix des sept airs est judicieux, logique et attendu et tandis que la musique composée par Nikodijevic, est essentiellement une traduction "moderne" des thèmes des opéras qui vont suivre, l'orchestre sous la direction de Yoel Gazmou passe sans accrocs vers Puccini, Bellini, Verdi, Bizet, le tout se mariant harmonieusement durant la première partie. La deuxième partie, à l'inverse, m'a semblé accuser une certaine faiblesse de composition musicale distillant un léger ennui sur la tirade de Maria Callas/Marina Abramovic, sauvé par les dernières minutes très émouvantes. Ah ce timbre... ah ce Casta diva...


Chacune des sopranos défend fort bien son "air", voix pure, qualité technique irréprochable, beauté de l'interprétation. Mais en Lucia, l'étonnante Adela Zaharia, domine le plateau vocal ce que le public a salué par une ovation après sa prestation. La Scène de la folie, hélas non accompagnée par le fameux Glass Harmonica, est absolument sidérante de beauté vocale et l'émotion est alors à son comble alors que l'écran derrière la sublime soprano, nous montre le portrait d'une Marina/Maria couverte de sang dans sa robe blanche. J'ai retrouvée cette splendide jeune soprano avec émotion. Elle nous avait rempli de joie il y a deux hivers à Munich, en remplaçant Diana Damrau souffrante, dans un Lucia resté gravés dans nos mémoire, tant elle explosait littéralement dans ce difficile rôle (avec pour partenaires, Piotr Beczala et Ludovic Tézier...).

La Violetta de Hera Hyesang Park négocie bien le délicat suraigu de l'Addio del Passato et sans esbroufe nous donne une jolie prestation toute en délicatesse. A l'inverse la Tosca de Selene Zanetti est toute en force dramatique pour un Vissi d'Arte désespéré, la Desdemona de Leah Hawkins émeut aux larmes dans son Ave Maria, la Cio-Cio-San de Kiandra Howarth et la Carmen de Nadezhda Karyazina, sans démériter, sont un peu en dessous en qualité vocale et la Norma de Lauren Fagan a la difficile tâche d'interpréter l'une des plus belles incarnations de la Callas, le légendaire Casta Diva


Oeuvre très (trop?) personnel, ces "Sept morts" se regardent avec plaisir et émotion sans pour autant parvenir à se hisser au niveau très exigeant de l'hommage à la plus grande légende de l'art lyrique. Une voix qu'on n'oublie jamais... et qui n'a jamais encore été égalée dans l'impression fulgurante qu'elle laissait au spectateur médusé...


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