Hippolyte et Aricie, miracle des voix dans l'Opéra Comique sans public, une belle et audacieuse réussite !

Hippolyte et Aricie

Jean-Philippe Rameau

Tragédie lyrique en cinq actes, sur un livret de l’abbé Pellegrin. Troisième version créée à l’Académie royale de musique (Opéra) le 25 février 1757.

Direction musicale Raphaël Pichon 
Mise en scène Jeanne Candel 
Hippolyte Reinoud van Mechelen 
Aricie Elsa Benoit 
Phèdre Sylvie Brunet-Grupposo 
Thésée Stéphane Degout 
Neptune/Pluton Arnaud Richard Diane Eugénie Lefebvre Prêtresse de Diane, Chasseresse, Matelote, Bergère Lea Desandre 
Choeur et orchestre Pygmalion 
 

Dire que cette unique représentation, maintenue malgré le confinement en direct mais sans public, était attendue par les mélomanes, fans ou pas de baroque d'ailleurs, est un euphémisme. Et les quelques micro minutes de retard devant notre écran montrant la salle vide de notre cher Favart, devaient s'accompagner d'une fébrilité malheureusement imperceptible en direct où les artistes se préparaient pour cette expérience inédite pour eux et pour nous : un spectacle sans public mais retransmis en direct, avec les aléas du direct qui nous ont privé d'une petite dizaine de minutes de la scène aux enfers et c'est bien dommage (à rattraper ultérieurement grâce au replay).

Raphaël Pichon et son orchestre Pygmalion en forme olympique avaient choisi la dernière version de cet Hippolyte et Aricie, premier opéra de Rameau et coup de maître du compositeur français dont l'oeuvre reste d'une étincelante beauté orchestrale comme lyrique.

Pas de prologue de ce fait et une ouverture de toute beauté de l'orchestre seul, comme une sorte de "présentation" des instruments et de valorisation de leur art dans un baroque un peu revisité "classique", parfois un peu lent, mais toujours très expressif.

Je ne dirai pas grand chose de la mise en scène de Jeanne Candel qui parie sur l'effet "moderniste" des clins d'oeil à Niki de Saint Phalle, transforme les scène de chasse en "painting" généralisé sur grande toile blanche, et décide de mélanger époques et costumes, ce qu'on a déjà vu mille fois avec plus de réussite et surtout moins de grand guignol.

L'avantage de ce choix est sans doute de nous offrir pas mal d'actions sur scène grâce à un expressionnisme dominant qui conduit membres du choeur et artistes solistes à se donner à fond bien au delà de leur chant pour faire vivre cette histoire et la rendre captivante. Ce n'est pas forcément secondaire, on ne s'ennuie pas et la musique de Rameau une fois encore, apparait dans son modernisme surprenant.

J'ai dit d'entrée de jeu "mention spéciale" à Reinoud van Mechelen et son étrange et superbe voix de Haute-contre (qui évoque d'ailleurs souvent Mathias Vidal...), très à l'aise dans ce répertoire qui lui sied à merveille, charmant et distingué dans son approche du personnage comme dans sa performance vocale et remarquable de tous les points de vue.

Mais j'ai été également profondément séduite par la Phèdre charismatique à la présence presque charnelle (malgré la distance...) de Sylvie Brunet-Grupposo, dominant totalement un rôle où elle excelle. Familière de Favart, Brunet-Grupposo y est manifestement "chez elle" et ce n'est pas la première fois que je remarque ses immenses qualités dès lors qu'elle a tout loisir de les révéler (salle ne l'obligeant pas à forcer sa voix, tessiture qui lui convient et disparition de quelques sauts de registre parfois observés dans d'autres rôles).

Bien évidemment Stéphane Degout (autre habitué de Favart) fait le job avec son talent habituel. La voix s'assombrit légèrement mais reste celle d'un baryton où la clarté des aigus domine, rendant finalement le personnage de Thèsée particulièrement poignant et dramatique. 

Elsa Benoit fait merveille également en Aricie, ouvrant le bal avec brio et les duos qu'elle nous offre par la suite avec Hyppolite sont une véritable merveille. 

Globalement, si on ajoute de bons rôles secondaires, et la redoutable-irrésistible-magnifique chasseresse de Lea Dessandre, on a un plateau vocal brillant, solide, homogène, qui donne aux personnages un relief particulier, très convainquant et très entrainant.

Un petit échange SMS avec un ami présent dans la salle, me confirmait l'infinie tristesse d'une salle vide... sans visibilité même sur le nombre de téléspectateurs qui profitaient de ce direct derrière leurs écrans.

C'était magnifique mais c'est aussi toute la limite de l'exercice : celle de devoir imaginer ce que donnaient les voix en direct et celle de ne pas pouvoir applaudir ces exploits....



Retransmission en direct
Disponible en replay sur ARTE Concert.
Programme par ce lien
https://www.opera-comique.com/sites/TNO ... mmeweb.pdf


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