Gala sans public mais avec artistes de talent, au Teatro San Carlo de Naples, Mozart, Donizetti, Bellini, Rossini.

Gala Mozart e Belcanto au Teatro San Carlo

Wolfgang A. Mozart, Gioachino Rossini, Gaetano Donizetti, Vincenzo Bellini

 

Direttore | Giacomo Sagripanti

Maestro del Coro | Gea Garatti Ansini

 

Maria Agresta 

Ildar Abdrazakov

Nadine Sierra

Francesco Demuro

Pretty Yende

Orchestra e Coro del Teatro di San Carlo

 

Concert enregistré le 3 décembre 2020 et disponible en ligne entre le 10.12.2020 at 20h00 CET et le 13.12.2021 at 20h00 CET

 Voilà un gala qui se regarde et s'écoute avec plaisir du double point de vue de la qualité du programme et de celle des artistes invités.

Le Teatro San Carlo a clairement décidé de montrer que le spectacle vivant perdurait malgré l'absence du public et que cette absence était pesante, tronquant en quelque sorte le plaisir du spectateur à distance.

Dans le théâtre vide que la caméra parcourt régulièrement, les voix résonnent différemment, il manque le souffle du public (même quand il le retient… ) et surtout les applaudissements/ovations qu'auraient inévitablement recueilli nombre des prestations de la soirée.

L'ensemble des instrumentistes, choeurs et solistes, se soumet à la stricte discipline de la distance physique et du port du masque que les solistes n'enlèvent qu'une fois en place et remettent en repartant. La plupart des "cordes" portent un masque en permanence et une partie du choeur. 

Ce sont les dures conditions imposées par les mesures sanitaires liées à la pandémie. Et dans un tel cadre contraint, c'est un pur bonheur que de voir l'entrain, la mobilisation et le "métier" de tous ces musiciens.

Comme pour la retransmission à succès de l'ouverture de la saison (Cavalleria Rusticana), ce deuxième "événement" était retransmis via le compte Facebook du San Carlo et l'accès obtenu par le paiement de la modique somme d'1,09 euros.

Mais contrairement à la première diffusion du Cavalleria, cette fois pas de problème technique et une belle réalisation à saluer pour le travail des techniciens à tous les niveaux de réalisation.

La superstar et qui mérite son titre d'ailleurs, c'est bien sûr Ildar Abdrazakov qui n'a pas seulement une technique vocale à toute épreuve (son répertoire est de plus en plus étendu...) mais aussi un sens de la scène, de la petite histoire racontée en quelques minutes, du personnage campé avec une grande crédibilité immédiate, bref une présence phénoménale. Il s'amuse sur scène et nous séduit en passant du Catalogue à la Calomnie de Mozart à Rossini, sans la moindre difficulté. Quand on pense qu'il peut être également un Attila qui décoiffe, un Boris Godounov exceptionnel et un Filippo (ou Philippe d'ailleurs) de grand luxe, cela donne un peu quand même, la définition des artistes qui sortent de l'ordinaire.

Mais ces dames avaient, elles aussi bien des atouts dans leur jeu et c'est finalement assez rare de pouvoir voire chanter ensemble deux sopranos de la qualité de Pretty Yende et de Nadine Sierra dans les Noces de Mozart. Là aussi un choix intelligent du programme, qui fait sens et permet de constater à quel point la délicieuse Nadine Sierra a gardé ce beau timbre fruité et délicat qui lui confère un charme en Suzanna tandis que Pretty Yende à la voix plus corsée mais parfois moins précise, incarne la comtesse après nous avoir proposé un air de Rosina, qui fut l'un de ses rôles phares notamment à l'Opéra de Paris.

On retrouve un peu plus tard Pretty Yende dans l'Elisir d'amore, dans un duo avec Demuro, sans doute un peu moins convainquant mais l'on reviendra sur le ténor, maillon faible de cette distribution.

Nadine Sierra nous offre par contre un air de la Folie dans Lucia, bien maitrisé et très prometteur (je ne sais pas si elle a déjà tenu le rôle entier), avec ce petit quelque chose de fragile dont elle rend si bien compte au travers de ses vocalises. Beaucoup d'émotions, en ce qui me concerne, en l'écoutant et en la voyant, c'est une soprano que j'ai appréciée dès ses débuts.

les "saluts"...

Et le duo avec Abradzakov qui ouvre le récital, a un petit côté innovant, sa Zerlina paraissant particulièrement fragile et menacée face au Don Giovanni d'une basse russe qui peut parfois prendre des accents "ours". Assez jubilatoire globalement pour une belle entrée en matière.

On était gâtés en soprano, et c'est Maria Agresta qui se taille la part du lion en interprétant "Roberto Devereux" (Elisabeth) et surtout "Casta diva", deux grands airs du répertoire. Maria Agresta, que nous avons déjà vue dans un Norma mémorable au TCE qui avait vu le ténor se faire huer, est une bonne Norma et son célèbre air est fort bien négocié notamment dans les aigus, avec ce qu'il faut de retenue et d'émotion dans la solennité requise pour cette prière de la druidesse. Elle n'a sans doute pas l'éclat de certaines de ses consoeurs mais elle a l'énorme avantage de chanter avec beaucoup de justesse et de probité. Il lui manque ce petit rien qui la rendrait "exceptionnelle" mais elle est très agréable à écouter et permet au récital de prendre une autre dimension dans le choix du répertoire.

De Bellini on aura d'ailleurs également l'ouverture de Norma et la Sinfonia de  I Capuleti e i Montecchi. Deux magnifiques morceaux où la beauté de l'orchestration bellinienne fait merveille, surtout interprétée par un orchestre fort bien dirigé par Sagripanti qui aime visiblement ce compositeur de génie mort vraiment trop tôt.

Les choeurs auront aussi leur morceau de bravoure avec “Che interminabile andirivieni" (Don Pasquale) fort bien exécuté. Saluons le courage des choristes qui se produisent avec un masque. J'ai déjà du mal en parlant donc...

J'ai gardé l'affable Francesco Demuro pour la fin, car ce style de ténor, qui plaira aux amoureux des voix latines, n'est pas ma tasse de thé. Certes, il sait sortir ses huit contre ut de suite, et son sens des nuances est rarement pris en défaut mais il manque décidément du sens de l'incarnation. C'est résolument un ténor à l'ancienne, qui déclame au lieu d'interpréter. Son timbre n'est pas très séduisant et ma foi, c'est un peu dommage de ne pas avoir pu proposer un ténor d'une autre trempe sur ce répertoire, comme Javier Camarena par exemple. 

Ne boudons pas notre plaisir pour autant, et remercions les théâtres qui parviennent encore à nous offrir les spectacles qui se rapprochent le plus de l'art vivant bien mis à mal par les temps qui courent....


Le lien

https://www.facebook.com/events/710839476203148/

 

Programme

1) Wolfgang Amadeus Mozart: Le nozze di Figaro (1786), Ouverture

 

2) Wolfgang Amadeus Mozart: Don Giovanni (1756-1791)

“La ci darem la mano” duettino - Atto I

Don Giovanni, Ildar Abdrazakov

Zerlina, Nadine Sierra

 

3) Giochino Rossini: Il barbiere di Siviglia (1816)

“Una voce poco fa” - Atto I

Rosina, Pretty Yende

 

4) Gaetano Donizetti: La Fille du régiment (1839-1840)

“Ah! mes amis, quel jour de fete” - Atto I

Tonio, Francesco Demuro

 

5) Wolfgang Amadeus Mozart: Le nozze di Figaro (1786)

“Canzonetta sull’aria”, duettino – Atto III

La contessa d’Almaviva, Pretty Yende

Susanna, Nadine Sierra

 

6) Gaetano Donizetti: Roberto Devereux (1837)

“E Sara in questi orribili momenti….Vivi, ingrato, a lei d'accanto - Atto III

Elisabetta, Maria Agresta

 

7) Vincenzo Bellini: Norma (1831), Ouverture

 

8) Vincenzo Bellini: Norma (1831)

“Casta Diva” – Atto I

Norma, Maria Agresta

 

9) Wolfgang Amadeus Mozart: Don Giovanni (1756-1791)

“Madamina, il catalogo è questo” - Atto I

Leporello, Ildar Abdrazakov

 

10) Vincenzo Bellini: I Puritani (1834-1835)

“A te, o cara, amor talora” - Atto I

Arturo, Francesco Demuro

 

11) Vicenzo Bellini: I Capuleti e i Montecchi (1830), Sinfonia

 

12) Gaetano Donizetti: L’elisir d’amore (1832)

“Esulti pur la barbara”, duetto - Atto I

Nemorino, Francesco Demuro

Adina, Pretty Yende

 

13) Gaetano Donizetti: Don Pasquale (1842)

“Che interminabile andirivieni”, coro - Atto II

Coro del Teatro San Carlo

 

14) Gioachino Rossini: Il barbiere di Siviglia (1816)

“La calunnia è un venticello”

Don Basilio, Ildar Abdrazakov

 

15) Gaetano Donizetti: Lucia di Lammermoor (1835)

“Ardon gl’incensi … Spargi d’amaro pianto”, scena della pazzia - Parte Seconda Atto II

Lucia, Nadine Sierra

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