Festival de voix magnifiques pour ces Puritani de Bellini à l'Opéra de Rome sous la direction de Roberto Abbado.

I Puritani 



Vincenzo Bellini

Opera seria en trois actes

Livret de" Carlo Pepoli

d'après le drame historique Têtes rondes et Cavaliers de Jacques-François Ancelot et Joseph Xavier Boniface

 

Roberto Abbado, direction musicale

Roberto Gabbiani, chef des choeurs 

 

Elvira Valton Jessica Pratt

Lord Arturo Talbo Lawrence Brownlee

Sir Riccardo Forth Franco Vassallo

Sir Giorgio Valton Nicola Ulivieri

Lord Gualtiero Valton Roberto Lorenzi

Sir Bruno Roberton Rodrigo Ortiz

Enrichetta di Francia Irene Savignano

 

Orchestre et choeurs du Teatro dell’Opera di Roma

 

Retransmission depuis la chaine Youtube de l’Opéra de Rome, enregistré du 15 au 18 janvier 2020

Ces Puritani donnés en version concert à l’Opéra de Rome, sans public mais avec génie, sont tout simplement excellents et finalement c'est assez rare de réunir autant de chanteurs de talents pour cette oeuvre de Bellini très exigeante sur le plan vocal et très excitante sur le plan des mélodies et des recherches orchestrales voix/instruments.

 

En tous cas, en ce qui me concerne, les derniers Puritani vus pêchaient toujours par un bout (parfois plusieurs) alors que là tout a l'air parfait : l'orchestre de l'opéra de Rome et la direction très inspirée et très énergique de Roberto Abbado, accentuant l'ensemble des contrastes d'une orchestration qui fait la part belle aux solistes ou aux duos/trios, instrumentaux comme vocaux, et respectant un équilibre général grâce à une très astucieuse mise en espace (tout à fois COVID et acoustique ce qui est, en soi, une performance). 

 

J'ai beaucoup aimé également cette utilisation optimale de l'espace du bel opéra de Rome, les choeurs, les cuivres parfois disséminés, le goût de la caméra pour les décorations durant les choeurs, cette impression que, malgré tout, le théâtre est habité malgré l'absence de spectateurs. Soulignons également le fait que le décor de la première production d'I Puritani, est reproduit en fond de scène (voir la photo). 

 

Ce savoir-faire spécial COVID pour valoriser le théâtre, lieu du spectacle vivant, était déjà une grande réussite pour le splendide Barbier qui ouvrait la saison juste après le début du deuxième confinement. 

 

Quant aux artistes, on ne sait par lequel commencer pour dresser des éloges appuyés à ce beau chant subtil, rempli de nuances, qui ne triche avec aucune difficulté (suraigus comme vocalises, trilles, notes piquées) et est le fait de chanteurs qui savent magnifiquement incarner leurs personnages malgré la version concert. Et puis, si on excepte la cabalette finale d'Elvira, souvent donnée mais qui ne figurait pas dans la première version, nous avons là une représentation complète, reprises comprises.

 

 

Dès le début les choeurs annoncent le drame avec un "Alerta" de très belle facture, et tandis que se succèdent les trois cavatines des héros, on sait qu'on tient une très belle distribution, d'une grand probité alliée à beaucoup de sensibilité et d'émotion. On pleure avec Georgio lors de sa romance (que je me suis repassée deux fois, privilège du streaming), on frémit avec le chant de la folie d'Elvira, et on se dit qu'on a rarement entendu d’aussi beaux duos avec l’air « Il rival salvar tu dei » et sa cabalette  "Suoni la tromba, e intrepido" (quelle page superbe quand les deux sont à la hauteur !). Les deux clé de fa, Franco Vassalo et Nicola Ulivieri, réalisent, une performance éblouissante dans ce double duo électrisant, très « bellinien », qui mériterait l'ovation qu'elle aurait sûrement récolté en séance « normale ». J’en ai vu des moins réussis, toujours très applaudi, cela tient au côté enlevé, un rien « martial » de ce fameux morceau. Leurs voix se répondent très bien et ensemble, ce sont deux styles tout à la fois différents et adéquats l'un à l'autre. Je crois que cela faisait longtemps que je n'avais pas entendu ce final de l'acte 2 aussi bien chanté... Une réussite totale.

 

Sans oublier naturellement le final et les prouesses du ténor qui réussit son contre-fa lors du dernier air, concluant magnifiquement un investissement impressionnant qui en fait un Arturo à la voix corsée, comme il se doit, excellent belcantiste, affrontant toutes les difficultés incroyables du rôle avec cette concentration qui lui est propre et nous réserve souvent, l’air de rien, modeste et discret, des surprises phénoménales.

 

Je connaissais tous les protagonistes pour les avoir entendus plusieurs fois dans divers rôles, notamment Lawrence Brownlee (La Cenerentola, le Barbier de Séville, Don Pasquale à l’Opéra de Paris) et Franco Vassalo (Paris et Munich). Ils se surpassent dans des conditions qui leur sont particulièrement favorables, l'acoustique de l'Opéra de Rome étant globalement confortable pour des voix qui excellent quand elles ne sont pas contraintes de "forcer" et là, le bonheur d'entendre deux chanteurs d'une grande subtilité, est totale. (je pense au Rigoletto et au Ford de Vassalo ou au Almaviva de Brownlee, un peu perdus dans le grand vaisseau de la Bastille quand on savait qu'un théâtre à l’italienne leur convenait tellement mieux...).

 

Je découvre petit à petit avec beaucoup de plaisir l'immense talent de Jessica Pratt qui a vraiment une très belle incarnation de ce rôle difficile qui demande tout à fois beaucoup de virtuosité et de naturel, celui d'une toute jeune fille à qui l'amour fait perdre la raison...Trilles et vocalises acrobatiques sont, chez cette magnifique artiste, tellement « faciles » qu’elles semblent être négociées sans effort, pour un résultat d’une beauté stupéfiante. Une gestion du souffle impressionnante place Jessica Pratt parmi les meilleures interprètes actuelles du rôle d’Elvira. Espérons qu’on pourra en profiter en avril, en direct, au Théâtre des Champs Elysées. En attendant, Jessica Pratt donnera salle Gaveau, un récital que l’on pourra voir en streaming ! (1)

 

Mon autre belle découverte c'est le super phrasé de Nicola Ulivieri, son splendide legato et l'émotion qu'il parvient à faire passer en permanence en Georgio (je l'ai dit, je me suis offert des "bis"...). Lui aussi a une présence phénoménale alliée à un style irréprochable qui nous fait oublier bien souvent, en vivant le drame avec les interprètes, le fait qu'il s'agit d'une version concert, où, COVID oblige, la distanciation est de rigueur. 

 

Le Valton de Roberto Lorenzi ne dépare pas non plus pour une distribution où même les rôles secondaires sont de belle facture. En témoigne également la très convaincante Enrichetta di Francia d’Irene Savignano.

 

 

 

Une belle réussite, qu'on peut encore voir et revoir ! 

Toujours visible ici

https://www.youtube.com/watch?v=5zJ_Iq102e0

 



(1)  – Récital Jessica Pratt, l’Instant Lyrique, salle Gaveau, retransmis en streaming, le 6 février

https://www.weezevent.com/jessica-pratt?fbclid=IwAR2UWaebbIVkOZgQJYMcCY3XJFnjzD7K_kcbkEyeVzNMEv4Hyb14jqm_t8U

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