Il Signor Bruschino façon film muet, irrésistible représentation de l'Opéra de Munich !

l Signor Bruschino



Gioachino Rossini

Livret de Giuseppe Maria Foppa 

Opéra en un acte 

La première le 27 janvier 1813 au Teatro San Moisè à Venise

 

Mise en scène : Marcus H.Rosenmüller 

Direction musicale : Antonio Fogliani. 

Avec

Bayerisches Staatsorchester

Hammerklavier / Pianoforte : Alessandro Stefanelli

Gaudenzio : Misha Kiria 

Sofia : Emily Pogorelc 

Bruschino, padre : Paolo Bordogna 

Bruschino, figlio : Andres Agudelo 

Florville : Josh Lovell 

Un delegato di Polizia : Andrew Hamilton 

Filiberto : Edwin Crossley-Mercer 

Marianna : Eliza Boom

 

Dans cette œuvre très légère et très enlevée, l’influence de la Commedia dell'arte est perceptible à chaque « épisode » : personnages typés, jeunes cherchant leur place dans une société assez boufonne dominée par les vieux trop gourmands, airs solos, duos, trios, ensemble, déjà remplis d’une virtuosité rossininenne pyrotechnique et époustouflante, ouverture de grande classe avec la successions de tous ces thèmes  et les variations de style orchestral (et les fameux passages qui firent scandale où les archets doivent frapper les cordes créant un effet de percussion), comédie qui ne se prend pas au sérieux et qui se termine bien, évidemment.

Une légende (vraie ou fausse ?) veut que le directeur du Teatro San Moise, imposa à Rossini le texte infernal de longueur du librettiste, pour se venger du fait que Rossini était soupçonné d’écrire aussi pour la Fenice, théâtre rival de Venise. Rossini aurait fait contre fortune bon cœur et aurait décidé d’écrire une partition tout aussi « folle » pour coller à ce texte. Le fait est que certains passages sont carrément à vous couper le souffle et demandent aux interprètes une grande agilité qui ne fait pas défaut à la petite équipe survoltée de Munich.

Et ma foi, le choix de Marcus H. Rosenmüller comme « metteur en scène » est tout simplement une merveilleuse idée. Son expérience dans le cinéma et les contraintes du COVID lui permettent d’oser, pour une représentation unique qui est offerte par l’opéra de Munich comme substitut à la fermeture des salles, la réalisation d’un petit film façon « muet » en noir et blanc du début du siècle, tournée en quelque sorte en direct sur la scène, avec effets spéciaux donnant l’impression de voir une véritable pellicule en celulloid (avec l’image qui scintille) projetée sur un écran d’autrefois.

Evidemment tous les personnages ont ces allures des acteurs du muet, leurs costumes, leurs postures exagérées, et virevoltent sur le « plateau » dans un tourbillon fidèle à la prouesse de Rossini. Décor fixe dans le fond, puis orchestre et artistes devant l’orchestre pour une vraie représentation qui mêle coulisses, accessoires, et acteurs, chaque gros plan étant cinématographiquement choisi. Machine à coudre pour Sofia qui confectionne les costumes, rideau qui la cache puis se tire en permanence quand elle doit chanter, Filiberto transformé en drag queen, et plein de trouvailles divertissantes que je n’ai pas eu le temps de noter !

Côté chant, on frise la perfection. 



La jeune Emily Pogorelc (23 ans) joue et chante avec un tel talent qu’on reste ébahi devant sa performance style comédie musicale parfaitement en phase tout à la fois avec la mise en scène et avec le difficile rôle que lui a écrit Rossini, avec son côté ingénu style « Mary Pickford », elle mène résolument sa « partie » (et son destin) sans se laisser (ni nous laisser) le temps de souffler. Son « grand » air « Ah, donate il caro sposo », ce magnifique air que la soprano chante à son tuteur tout en pensant clairement à son amant, déborde de virtuosité et de joie de vivre communicative. Elle emmène tous les duos de sa gouaille juvénile et ses partenaires sont littéralement entrainés dans le tourbillon (rossinien) des performances vocales et scénique de la jeune femme.

Il faut tous les citer au tableau d’honneur, le tuteur Gaudenzio de Misha Kiria, le père de Paolo Bordogna (vu quelques jours avant en direct du San Carlo dans Il Turco in Italia), le Filiberto d’Edwin Crossley-Mercer (quelle allure !), le Florville de Josh Lovell, la Marianna d’Eliza Boom et même le rôle plus en retrait du fils assuré par Andres Agudelo.

Notons un très beau duo « Io danari vi darò! » en début d’opéra entre Florville et Filiberto (on est vraiment très loin des versions concerts figées ou des mauvaises mises en scène qui ne permettent pas aux artistes de s’éclater sur scène), et un final renversant le « Finale Ebben, ragion, dovere » chantés ensemble par Gaudenzio, Bruschino, Florville, Sofia, Marianna, Filiberto et Bruschino fils.

Cette représentation réjouissante est encore visible pendant un petit mois sur le site du BSO en VOD, disponible pour la modique somme de 9,90 euros.


retransmission

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