Joyeux, pétillant, émouvant, belle réussite pour ce Rosenkavalier à Munich, Jurowski et Kosky en parfaite harmonie, plateau vocal excellent !
Der Rosenkavalier
Opéra en trois actes de Richard Strauss, sur un livret de Hugo von Hofmannsthal,
Transcription pour Solistes, Choeur et Orchestre de taille moyenne op. 90 de Eberhard Kloke
Représentation du Bayerische Staatsoper de Munich, 21 mars 2021, retransmission en direct le 21 à 15h30 sur le site du BSO, et sur ARTE concert, le soir à 22h sur ARTE TV.
Toujours disponible.
Direction musicale : Vladimir Jurowski
Mise en scène : Barrie Kosky
Décor : Rufus Didwiszus
Costumes: Victoria Behr
Lumière: Alessandro Carletti
Choeurs: Stellario Fagone
Dramaturgie: Nikolaus Stenitzer
avec
Die Feldmarschallin ... Marlis Petersen
Der Baron Ochs auf Lerchenau ... Christof Fischesser
Octavian ... Samantha Hankey
Herr von Faninal ... Johannes Martin Kränzle
Sophie ... Katharina Konradi
Jungfer Marianne Leitmetzerin ... Daniela Köhler
Valzacchi ... Wolfgang Ablinger-Sperrhacke
Annina ... Ursula Hesse von den Steinen
Ein Polizeikommissar ... Martin Snell
Der Haushofmeister bei der Feldmarschallin ... Manuel Günther
Der Haushofmeister bei Faninal ... Caspar Singh
Ein Notar ... Christian Rieger
Ein Wirt ... Manuel Günther
Ein Sänger ... Galeano Salas
Evénement que cette nouvelle mise en scène du célébrissime « Rosenkavalier » à Munich, succédant aux décennies de la délicieuse vision d’Otto Schenk, encore donnée récemment en livestream (représentation sans public) à l’Opéra de Vienne.
Evénement aussi car la pandémie a finalement privé cette « Première » de tout public alors que, de toute évidence, la mise en scène avec ses mises en abymes, ses panneaux coulissants et son théâtre dans le théâtre avait bien été conçue pour une vision globale de la scène et pas tronquée par les choix d’une caméra.
Evénement enfin parce, toujours pour des raisons de restrictions sanitaires, le nouveau directeur musical de Munich, Vladimir Jurowski avait choisi la version « de chambre » orchestrée par le compositeur Eberhard Kloke, très allégée et l’où ne reconnait pas toujours un Rosenkavalier assez luxuriant sur le plan musical quand il est donné en formation normale.
Avec une quarantaine de musiciens seulement dans la fosse, un piano et un harmonium, on avait parfois l’impression d’une lecture presque baroque des thèmes viennois de Richard Strauss, un air d’Ariadne plutôt que d’Elektra, et un peu de frustration à l’écoute, au début, gêne qui passe rapidement grâce au talent assez minutieux, à la Petrenko, de Jurowski qui nous donne un très joli son, et apporte un grand soin à ce qui apparait du coup comme une fantaisie viennoise, sucrée, drôle, enjouée et parfois douce amère, à la dimension des numéros qui se succèdent dans la chambre de la Maréchale à l’acte 1.
Barrie Kosky en multipliant les clins d’œil, les changements de décor, les mises en situation, colle au plus près à cette lecture, transformant l’ensemble en un époustouflant carnaval très joyeux et entrainant, malgré tout dominé par l’omniprésence du symbole du temps qui passe inexorablement : horloge qui monte et qui descend avec aiguilles des heures et minutes inversées, montres à gousset, réveil suisse, et présence permanente d’un vieil homme, valet puis cochet, souffleur de théâtre puis spectateur de l’histoire qui rappelle que la vieillesse guette chacun des protagonistes et en premier lieu la Maréchale qui saura s’effacer devant la jeunesse à l’issue de ces quatre heures de cavalcade.
Le décor à dominante argentée comme le carosse et la rose qu’amènent un Octavian en costume Louis XV, coulisse en permanence lors de l’acte 1, tandis que des figurants amènent ou ramènent les accessoires, chaises, lit, table, candélabres, plantes vertes. A l’acte 2 d’immenses panneaux ensèrent la scène couverts de tableaux de famille comme dans les grandes demeures aristocratiques de la Vienne du temps de sa splendeur, à l’acte 3, nouveau rebondissement, un petit théâtre est sur la scène avec ses spectateurs et son souffleur. Mais pour le trio final, tout s’éteint, ne restent que l’éclairage de chacun des protagonistes, figés dans leur pensées qu’ils nous livrent, c’est terriblement efficace, émouvant, convainquant et presque surnaturel. Surtout qu’Octavian et Sophie s’envolent finalement dans les airs tandis que la Maréchale demeure prisonnière de la grande horloge où les heures sont inverses des minutes.
On oublie forcément une somme de petits détails qui font de la mise en scène de Kosky une lecture très en osmose avec les thèmes et la musique, comme le baron s’enfonçant littéralement dans son lit (de douleur) à l’acte 2 quand le chanteur doit exécuter la note la plus grave (et elle l’est !) de son air ou la fameuse scène du chanteur italien à l’acte 1, prestation du ténor de style Louis XIV, du plus haut comique.
Plus que jamais c’est la lecture de l’éphémère, des moments si courts à saisir car ils ne durent pas, et la légèreté de l’ensemble ne cache pas cette course de vitesse un peu mélancolique.
Costumes élégants et sobres, complètent un ensemble visuellement agréable.
Quant à la direction d’acteurs, elle est impressionnante de précisions et de perfection, comme toujours avec le directeur du Komische Oper de Berlin.
Le plateau vocal est à la hauteur de la qualité d’ensemble avec une Maréchale que l’on connait bien à Munich, Marlis Petersen, excellente actrice, voix menue mais percutante, et très belle incarnation du rôle, davantage dans la lignée de Renée Fleming que celle de Nina Stemme, campe une femme qui sait qu’il lui faut prendre très vite tout ce qu’elle peut maintenant parce que demain sera trop tard. Beaucoup de classe, d’entregent, de personnalité pour une Maréchale toujours d’une grande justesse, très authentique et qui ne recule devant aucune difficulté vocale à son habitude.
Peu de différence de timbre et d’ampleur de voix, avec la Sophie de Katharina Konradi que je découvrais mais dont j’ai soigneusement noté le nom dans mes tablettes tant elle surprend dans son interprétation de la jeune fiancée, véritable double de la Maréchale dans sa jeunesse, aussi décidée, intelligente et brillante que son ainée, juste un petit « rien » de volontarisme manifeste et efficace dans son jeu comme dans son chant, là où la Maréchale trahit une certaine résignation dès le début. Subtil et très plaisant. L’Octavian de Samantha Hankey, autre découverte, est également parfait, voix puissante et passions perceptibles dans ses déclarations de séducteur, très belle évolution du personnage et chapeau pour les déguisements divers que l’histoire lui offre (quel rôle pour une mezzo !), il-elle est aussi crédible en soubrette qu’en amant en titre de la belle Maréchale, qu’en amoureux transi et charmant et j’en passe.
Christof Fischesser est un Lerchenau plutôt sympathique (et un rien nonchalant) malgré ses obsessions sexuelles et sa drague impénitente, le baryton-basse domine son rôle sans difficulté, beau timbre et bel engagement, tout comme d’ailleurs le brillant Johannes Martin Kränzle, magistral Faninal.
Belle distribution des rôles secondaires comme toujours à Munich (dont l'excellent chanteur italien de Galeano Salas), avec un sentiment d’amour de la perfection que chaque artiste donne en jouant ou chantant, qui est une marque de fabrique à laquelle la maison bavaroise ne renonce pas même en ces temps difficiles.
Bravo et merci !
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