La jeune garde du chant italien au service d'un magnifique Cosi Fan Tutte à Berlin, direction Barenboim, mise en scène Huguet.

Cosi Fan Tutte



Wolfgang Amadeus Mozart

Livret de Lorenzo Da Ponte

Opera buffa en deux actes. Création en 1790.

 

Direction musicale: Daniel Barenboim

Mise en scène: Vincent Huguet

Décors: Aurelie Maestre

Costumes: Clémence Pernoud

Lumières: Irène Selka

 

 

Fiordiligi : Federica Lombardi

Dorabella : Marina Viotti

Guglielmo : Gyula Orendt

Ferrando : Paolo Fanale

Despina : Barbara Frittoli

Don Alfonso : Lucio Gallo

Orchestre de la Staatskapelle de Berlin

Staatsopernchor.

 

Nouvelle production qui était prévue en avril 2020 mais annulée au cours des répétitions cause covid.

Retransmission du 9 octobre sur Mezzo HD et Medici TV, qu’on peut donc revoir.

 

Quelques impressions rapides d'une soirée très satisfaisante pour moi à distance (!) puisque j’ai regardé la retransmission en direct proposée par Mezzo TV. Ceux qui auront la chance d’être présents dans la salle nous donneront leurs impressions qui peuvent être assez différentes, l'acoustique de l'Unter den Linden étant parfois déplorable surtout quand les chanteurs sont placés assez loin sur la scène et qu'il manque un "mur" de renvoi du son.

La retransmission à l'inverse, est particulièrement soignée du point de vue du son, avec une spatialisation idéale et un magnifique équilibre scène/fosse. A voir de voir des retransmissions en direct, je me rends de plus en plus compte, que le travail de ceux qui "captent" est de qualité très différenciée... Là on était dans le haut du panier !

On pourrait par contre se passer de la présentation très légère d'Antoine Pecqueur, qui ne parvient même pas à citer les chanteurs principaux et qui comble ses lacunes en citant à plusieurs reprises "la formidable distribution" dirigé par le "formidable" Daniel Barenboim avec la "formidable" mise en scène de Vincent Huguet, réintervenant, hélas, pendant les saluts nous privant du fait de profiter de l'accueil fait par le public berlinois aux jeunes chanteurs qui valait le déplacement pour le peu qu'on entendait et voyait.

On lui sera quand même reconnaissant d'avoir organisé des interviews à l'entracte et notamment celle de Barenboim en français.

Le maestro, directeur musical de l'Unter den Linden depuis 1992, nous a donné un Mozart très riche et très pétillant, en phase parfaite avec les performances des chanteurs. Il a insisté au cours de l'entretien sur le fait que les répétitions de ce Cosi Fan Tutte ont été formidables parce qu'il avait, pour la première fois, une équipe entièrement italienne, elles ont donc pu se dérouler en italien du début à la fin, sans la moindre nécessité de traduire les récitatifs, les artistes ayant immédiatement la compréhension de ce qu'ils chantaient.

Et c'est effectivement une très grande réussite et un vrai travail collectif comme il se doit avec l'oeuvre de Mozart qui met en scène à part presque égale, six artistes et leur a ménagé d'ailleurs quelques "ensemble" fameux particulièrement soignés hier soir.

Et puis on aime leur jeunesse, leur physique si adéquats aux rôles, le retour aux insouciantes seventies que Huguet choisit d'illustrer avec à peu près tous les symboles de l'époque. On est même surpris de la modernité de la musique de Mozart quand les images évoqueraient plutot Umaguma et les douces volutes de fumée parfumée qui se dégageaient des concerts de Pinkfloyd à l'époque de More.

Question décor, c'est sobre mais l'éclairage magnifique donne un air de comédie musicale très colorée à l'ensemble et même si l'histoire (par ailleurs abracadabrantesque) ne colle pas très bien à sa transposition, l'humour au rendez vous est assez plaisant : nos deux lurons partent à la guerre accompagnés par le chant des hippies (Peace and love revisité) et ils réapparaissent en "Albanais" transformés (déguisés) en... hippie. La métamorphose amusera tout particulièrement ma génération qui a vu de telles évolutions de notre belle jeunesse, passant en peu de temps de l'étudiant-e studieux-se, cheveux courts et bien habillés, au hippie échevelé en chemise colorée indienne, pétard à la main...

Côté chant c'est superlatif avec une mention spéciale à la magnifique Fiordiligi de Federica Lombardi (particulièrement applaudie d'ailleurs). Elle a l'ampleur de ces belles voix de soprano mozartienne qui permet toutes les audaces vocales, la profondeur et la richesse de son timbre en font une interprète de rêve. Je j'avais déjà entendue à Munich récemment dans ce rôle, aux côtés d'ailleurs du beau (dans tous les sens du terme) Ferrando de Paolo Fanale. Ce dernier a profité de la pause forcée pour embellir encore son très beau timbre et nous a procuré énormément de plaisir en campant très bien son personnage, mimiques faciales adéquates, sans surjouer, et avec des arias d'une belle maitrise, nuances, longues notes tenues, crescendo, legato, tout y était, mieux encore qu'à Munich. L'autre couple n'est pas en reste d'ailleurs. Jolie surprise avec la Dorabella de Marina Viotti, au timbre un peu moins fruité et rond que sa "soeur", et créant par son timbre légèrement plus sombre (et très corsé), un très joli contraste. Le baryton Gyula Orendt (le seul non italien mais il est roumain...), que j'avais découvert en Gaviston dans Lessons in love and violence de Georges Benjamin, confirme lui aussi de vraies qualités d'acteur et un chant mozartien impeccable. Les duos des deux complices sont parfaitement assortis.

Pas de problème non plus avec le troisième couple, plus mûr comme il se doit et qu'on a souvent vu : la Despina très en voix de Barbara Frittoli et l'étonnant (mais il l'est toujours, c'est un acteur prodigieux) Don Alfonso de Lucio Gallo.

Bref, une soirée de haut niveau, loin des Mozart chantés par des "soubrettes" (je parle de la qualification vocale...), nous avons là du beau chant puissant et profond au service d'une oeuvre très belle, qui garde sa jeunesse malicieuse (malgré l'indigence du propos) et prouve qu'elle peut être très bien servie par la jeune garde du chant italien !




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