Tempête et légende au rendez-vous pour un Vaisseau Fantôme de très bonne tenue à l'Opéra de Paris

Der Fliegende Hollander (Le Vaisseau Fantôme)


Richard Wagner

 

Opéra National de Paris, du 7 octobre au 6 novembre 2021

Première du 7 octobre 2021.

 

Direction musicale : Hannu Lintu

Mise en scène : Willy Decker (reprise, production créée en 2000)

Décors : Wolfgang Gussmann

Costumes : Wolfgang Gussmann

Lumières : Hans Toelstede

Cheffe des Chœurs : Ching-Lien Wu

Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris


Daland : Günther Groissböck

Senta : Ricarda Merbeth

Mary : Agnes Zwierko

Erik : Michael Weinius

Der Steuermann (Le Pilote) : Thomas Atkins

Der Holländer (Le Hollandais) : Tomasz Konieczny


J'ai vu pas mal de Hollandais depuis celui-ci, mis en scène par Willy Decker que j'ai découvert il y a un peu plus de 10 ans dans cette salle aux allures d'immense vaisseau. J'avais quelques souvenirs de la mise en scène, qui avaient tendance à se mélanger avec d'autres Hollandais vus à Londres ou à Munich notamment. En fait celle-ci est très sobre, sans changement de décor, et pourtant produit un incontestable impact de par la qualité des tableaux dont l'évolution joue sur deux aspects  l'immense porte qui s'ouvre, se ferme, sur l'océan déchainé à droite et l'embrasure qui dévoile une grande toile marine à gauche. Un jeu de lumière et de projection (des voiles rouges du navire maudit en particulier), de courants d'air et de mouvements de foule autour d'immenses cordages complète astucieusement le tout. Les changements de lieu sont davantage suggérés par quelques détails que montrés. Pas de temps mort pour une oeuvre qui doit se jouer ainsi, une montée des tensions autour de l'orchestration phénoménale de Wagner que rien ne vient interrompre ou ralentir. Evidemment on est très éloigné du très spécial dernier Hollandais vu en retransmission de Bayreuth (mise en scène Tcherniakov) ou de celui que j'ai revu début juillet à Munich. Decker n'interprète pas, il illustre intelligemment. On regrettera un certain statisme dans les scènes entre Senta et Erik, essentiellement dues aux limites du jeu d'acteur de  Michael Weinius, très empoté sur scène, et qui les font paraitre un peu longuettes. A l'opposé la rencontre entre le Hollandais maudit et Daland, sont des moments très forts, dominés toutefois par une présence globale des choeurs d'une incroyable qualité musicale et scénique.

La nouvelle chef des choeurs semble faire des miracles, en tous cas, chacun, chacune hier soir, avait à coeur de jouer et chanter son rôle dans un ensemble bien rythmé : on entendait la mer, les flots déchainés, les hommes se battant contre les éléments... le tout dans un ensemble parfait, presque un ballet très bien réglé par la mise en images de Decker. Et c'est faire justice à l'oeuvre que de ne pas se substituer à ce que dit si bien la musique elle-même...

Côté orchestre on est allé crescendo dans la qualité. Les premières mesures de l'ouverture m'ont fait frémir avec quelques légers décalages des cuivres (forcément très bruyants dans l'oeuvre...), et une difficulté que semblait avoir le chef finnois à diriger le vaisseau. Mais très rapidement, il a repris les rênes pour amener tout le monde à bon port et je dois dire que j'ai été séduite à plusieurs reprises, notamment dans tous les moments climax que Wagner a su ménager et qui plongeait la salle dans un véritable bonheur perceptible par la tension des spectateurs rivés sur la scène. Belle prestation globale de l'orchestre et chef intéressant dans sa montée en puissance et en précision, qui sait jouer des contrastes entre pupitres et créer une véritable atmosphère qui emporte l'adhésion.


Et quelle chance d'avoir le magnifique Günther Groissböck en Daland : il domine le plateau parce que, outre son timbre vraiment magnifique et sa capacité à assurer les parties "legato" de son rôle (son leitmotiv est le plus chantant), il en impose sur scène et sa voix traverse toutes les rangées sans difficulté tandis que les autres seront parfois victimes de l'acoustique très spéciale de Bastille qui fait qu'on a l'impression que le son reste confiné sur la scène.

J'avais entendu Tomasz Konieczny en Hollandais début juillet à Munich, sa voix un peu sèche à mon goût, ressortait nettement mieux dans le théâtre bavarois à l'italienne que sur l'immense scène de Paris où elle devient parfois un peu confidentielle. Mais dans l'ensemble il assure bien son rôle sans avoir la classe et le moelleux de son compère, il a le sens du tragique et du drame et joue très bien son personnage.

Ricarda Merbeth est une belle Senta, aux aigus malheureusement parfois un peu criards (usure de la voix) mais dont l'engagement scénique et l'expressivité vocale ont remporté les suffrages d'un public qui a été touché par son drame personnel.

On descend d'un cran avec l'Erik de Michael Weinius, dont la voix peine à passer la rampe et qui se montre très inégal dans un rôle souvent mal servi hélas, et qui semble presque anecdotique dans les équilibres d'hier notamment dans le final où on l'entend vraiment mal....

Le pilote de Thomas Atkins est lui aussi parfois victime des problèmes d'acoustique mais sa prestation est plutot belle (il a en fait l'un des plus beaux airs composés par Wagner dans cette oeuvre....)

La salle presque pleine (seuls les habitués ont pu se replacer) a fait un très bon accueil à cette Première, l'ovation fusant sans même attendre tout à fait les dernières notes (que ça m'agace...) et se maintenant durant les saluts à un bon niveau.

Belle soirée, Wagner était partout dans Paris et Wagner a son public (assez jeune d'ailleurs en moyenne...).

A voir ! 

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