Mystérieuse et charmante Dame Blanche à l'Opéra de Rennes pour une ouverture de saison très réussie !

La Dame Blanche


François-Adrien Boieldieu

Opéra comique en trois actes sur un livret d’Eugène Scribe, d’après Walter Scott.

Créé le 10 décembre 1825 à l'Opéra Comique à Paris.

 

Opéra de Rennes, 28 décembre 2021 au 1er Janvier 2022.

 

Nicolas Simon : Direction musicale (28 et 29 décembre)

Nicolas Chesneau : Direction musicale (31 décembre et 1er janvier)

Louise Vignaud : Mise en scène

Sarah Kristian : Assistante mise en scène

Pauline Noblecourt : Dialogues parlés

Irène Vignaud : Scénographie

Cindy Lombardi : Costumes

Luc Michel : Lumières

Nicolas Chesneau : Chef de chant

Robin Melchior : Transcription

Christelle Paillard : Maquillages et coiffures 

Orchestre Les Siècles

Chœur Le Cortège d’Orphée

Avec 

Sahy Ratia : Georges

Fabien Hyon : Dikson

Sandrine Buendia : Jenny

Marc Scoffoni : Gaveston

Caroline Jestaedt : Anna

Majdouline Zerari : Marguerite

Ronan Airault : Mac-Irton, juge de paix

 

Costumes réalisés par l’atelier de l’Opéra de Rennes

Décor réalisé par l’atelier des 2 Scènes - Scène nationale de Besançon

 

Tournée :

Besançon, Compiègne, Dunkerque, Quimper et Tourcoing

 

La Dame Blanche avait été donnée il y a pile un an dans ce même opéra de Rennes, mais sans public, avec retransmission par FR3 Bretagne.

C'était l'occasion de le voir "en vrai" dans cette salle idéale pour les voix et tout à fait charmante de tous les points de vue.

 

 

Retour sur la soirée du 29 décembre 2021

1669 représentations de la Dame Blanche ont eu lieu à l'Opéra Comique entre sa création en 1825 et 1925. Autant dire que l'oeuvre de Boieldieu, à la fois légère et romantique, aura connu un succès retentissant durant des décennies. 

Ce conte écossais puise dans la veine comique mais aussi dans le fantastique, et le nostalgique, très "Restauration" quand il raconte l'histoire de vaillants Ecossais unis derrière leur aristocrate seigneur exilé en France et qui conservent son patrimoine en attendant son retour (forcément, c'est "l"ordre des choses"). L'histoire du château et du fantôme comprend sa part de romantisme mystérieux même si l'histoire est cousue de fil blanc et son apparente légèreté n'empêche pas une description assez forte des personnages et de leur évolution. Elle s'inspire de deux romans de Walter Scott : Guy Mannering (1815) et Le Monastère (1820).

Une des raisons du relatif oubli dans lequel tombe l'oeuvre au 20ème siècle, était sans doute le caractère très daté des dialogues parlés fort nombreux dans le genre choisi par Boieldieu et son librettiste Eugène Scribe.

La dramaturge Pauline Noblecourt les a donc réécrits dans un langage actuel, parfois trop familier à mon goût mais qui a l'avantage de "parler" rapidement au public pour lui faire saisir sans effort tous les aléas de l'intrigue experte en rebondissements divers. Elle écrit d'ailleurs "C’était, aussi, faire en sorte que les parties dialoguées ne soient pas un frein à l’appréciation de la superbe musique de Boieldieu. Enfin, plutôt que de laisser les personnages aux types théâtraux qui sont les leurs, et qui peuvent paraître aujourd’hui vieillis, nous avons fait le choix de leur insuffler un regard sur la vie qui permette de les comprendre, et de les défendre.

Nous espérons que Scribe, toujours si en phase avec les goûts et les idées de son temps, aurait compris ces choix mais surtout, nous souhaitons qu’ils permettent à des spectateurs d’aujourd’hui de se plonger avec délice dans ce chef-d’œuvre musical par trop méconnu.»"

Et il est incontestable que les airs, duos, trios et ensembles qui forment la partie lyrique de l'oeuvre, sont l'occasion de bien des exploits vocaux pour le plus grand plaisir de l'auditoire. Par son originalité d'alors, Boieldieu a sans nul doute inspiré la génération suivante de compositeurs français : d'Adolphe Adam jusqu’à Georges Bizet,  Léo Delibes ou Emmanuel Chabrier.

Louise Vigneau a, pour sa part, choisi une mise en scène filant la métaphore animalière, coiffant ses personnages de plumes, d'antennes ou les habillant de fourrures, de manière tout à la fois discrète et charmante, procédé qui permet tout à la fois d'évoquer la fable et de se libérer du carcan de l'époque précise où se déroule l'histoire en forme de légende atemporelle.

Jouant le jeu et soulignant l'esprit d'équipe, le jeune chef d'orchestre Nicolas Simon, assistant de François-Xavier Roth, à la tête de la formation musicale "les Siècles" que l'on retrouve avec plaisir, porte lui aussi des plumes sur la tête, faisant écho au côté Iroquois très seyant du magnifique ténor de la troupe qui incarne Georges/Julien, Sahy Ratia.

Globalement, et pour comparer à la version proposée par l'Opéra Comique lui-même début 2020 (dernier spectacle avant confinement !), le choix de l'Opéra de Rennes de s'adresser à un public rajeuni (et massivement présent d'ailleurs), tire davantage sur le côté ludique que sur le côté mystérieux, tragique et romantique de l'oeuvre. On s'amuse beaucoup et on prend beaucoup de plaisir à ces aventures rocambolesques où les chanteurs s'en donnent à coeur joie et "jouent" encore durant les saluts "envahissant" la scène dans le désordre dans une sorte de cavalcade où l'équipe se reforme juste au dessus de l'orchestre pour saluer rapidement avant de repartir.

En parfaite symbiose orchestre et solistes nous offrent une prestation de haut niveau dans une salle aux dimensions idéales pour ces belles et jeunes voix lyriques d'une fraicheur enviable. Nicolas Simon est à chaque instant, à chaque air virtuose, attentif à ses solistes qu'il prend soin de soutenir sans jamais risquer de les couvrir.

On soulignera d'abord l'énorme talent du jeune Sahy Ratia, adorable héros tout à la fois moderne et délicieusement antique, qui domine son rôle d'un bout à l'autre avec l'insolence et la sureté de sa belle technique. Il est doté d’un timbre magnifique, capable de très belles nuances, d’exprimer tout à la fois la naiveté du jeune soldat fier de l’être et les doutes qui le saisissent face aux sentiments nouveaux qui l’assaillent, la solide croyance inébranlable en la légende et le romantisme du jeune premier héros malgré lui. Vocalises soignées, aigus lumineux, incarnation solaire, on aime son personnage attachant et son charisme sur scène alliant un naturel confondant à un très beau savoir faire, fait le reste. Sa partenaire, Caroline Jestaedt, la jeune Anna, qui fait naitre les émois du jeune soldat, déguisée en Dame Blanche mystérieuse et rassurante, n’est pas en reste : elle allie une belle présence sur scène à une voix qui se déploie sans effort jusque dans les aigus, les vocalises sont correctes et le timbre joli, frais, avec une légère pointe d’acidité. 

Formidable Marc Scoffoni dans le rôle ingrat du « méchant » Gaveston, très beau baryton, expressif à la voix magnifique et impressionnante de profondeur et magistrale Majdouline Zerari dans celui de Marguerite, gardienne du château et de la légende, très belle voix de contralto. 

Fabien Hyon est un pleutre Dikson au cœur généreux et sa compagne, Sandrine Buendia, une belle Jenny courageuse et décidée dans cette œuvre où la mise en scène renforce plutôt le rôle central et décisif des femmes.

Enfin Ronan Airault est un juge de paix, drôle et bien chantant.

L’équipe a reçu une très belle ovation d’un public jeune et manifestement ravi du spectacle, un an après une première représentation qui avait du se tenir à huis-clos sans public mais avait pu heureusement être retransmise !

 

Et avec ces quelques photos de la salle de l’Opéra de Rennes et des projections de présentation des opéras sur la façade de l'Hôtel de Ville en face de l'Opéra, je souhaite une très bonne année à tous mes lecteurs !





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