Un soir à la Philharmonie de Paris avec les belles voix de Bartoli, Osborn, Desandre et les autres dans Mozart

La clemenza di Tito (la Clémence de Titus)



Mozart

Livret de Metastase

1791

Soirée du 25 novembre à la Philharmonie de Paris

version concertante

 

Les Musiciens du Prince-Monaco

Il Canto di Orfeo

Gianluca Capuano , direction

John Osborn , Tito

Cecilia Bartoli , Sesto

Alexandra Marcellier , Vitellia

Mélissa Petit , Servilia

Lea Desandre , Annio

Peter Kalman , Publio

 

 

Un événement à Paris peut en cacher un autre ! 

Il y avait le rare Herodiade de Massenet au théâtre des Champs-Élysées mais aussi la clémence de Titus à la Philharmonie de Paris. Deux opéras en version concert avec des distributions passionnantes. 

J’avais « choisi » Cecilia Bartoli qui se fait rare dans la capitale, séduite par son retour dans le rôle de Sesto qu’elle avait enregistré pour la première fois avec un Mozart sur instruments d’époque sous la direction de Christopher Hogwood en 1995. Cecilia Bartoli, virtuose des vocalises et des arias de l’ère baroque, a appris à chanter Mozart avec ces chefs d’orchestre qui se sont battus pour recréer des conditions musicales conformes à l’époque où ces chef-d’œuvre ont été composés : outre Hogwood, elle a beaucoup travaillé à ses débuts avec Harnoncourt à l’Opéra de Zurich à la fin des années quatre-vingt-dix et au début des années deux mille. Ce souci d’authenticité, elle l’a conservé tout au long de sa longue carrière, s’accompagnant des multiples formations sur instruments anciens, avant de finalement contribuer à créer ces « Musiciens du Prince-Monaco » à Monte Carlo, dans l’Opéra dont elle vient de prendre la direction à la suite de Jean-Louis Grinda. Et c’est donc en famille en quelque sorte, que Cecilia Bartoli prête sa voix et son immense talent à cette mini-tournée qui conduisait toute la troupe à Paris ce vendredi soir.

La grande salle de la Philharmonie était archi-comble, le public plutôt jeune et très enthousiaste, l'orchestre, les chœurs et les solistes nous ont offert un "bis" époustouflant du final de la Clémence avec un John Osborn déchainé (comme s'il était "libéré" de l'exercice).

Il s'agissait bien sûr d'une version concert où les chanteurs "jouaient" un minimum leur rôle, avec quelques mouvements devant l’orchestre, des costumes adéquats et des regards voire des étreintes, une dynamique vivante pour cet opéra séria, sorte de retour en arrière pour Mozart qui avec la trilogie composée sur les livrets de Da Ponte, était déjà passé à autre chose. Dernière œuvre du génial compositeur, hélas, que la mort a si prématurément fauché.

Retour à Sesto pour Bartoli, et retour gagnant dans ce rôle du faux traitre que tous vont s’employer à protéger de la colère de l’empereur Tito visé par un attentat auquel il échappe miraculeusement. Opéra seria donc, avec ses récitatifs accompagné d’un clavecin et ses arias somptueuses, ciselées, emplies de ces cascades de notes étourdissantes.

Cecilia Bartoli a été éblouissante exactement là où on l'attendait. Son talent ne s'amenuise pas avec le temps, même si la voix marque parfois un peu plus d'usure que par le passé, elle vocalise toujours aussi bien dans ses grands airs, Sesto est pour moi le plus beau rôle de l'oeuvre de Mozart et  son « Parto, parto » à l'acte 1 tout comme son « Deh per questo istante » à l'acte 2 sont des trésors de belle virtuosité au service d'un personnage parfaitement bien incarné par la mezzo-soprano super star de la soirée. 

Mais la vraie surprise (et l'immense ovation qui l'a accueillie aux saluts l'a prouvé) a été l'Annio de Lea Desandre. La jeune mezzo, entendue l'an dernier à Garnier dans un Cherubino plus vrai que nature, a une aisance confondante dans Mozart, une projection naturelle, une voix tout à la fois soyeuse et énergique, un côté androgyne qui sied particulièrement à ce rôle, et ma foi, un sacré charisme qui a conquis un public qui, a priori, ne la connaissait pas et venait surtout pour "la" Bartoli. Cela m'a fait un immense plaisir de la voir ainsi "reconnue", c'est incontestablement l'un des jeunes talents français qui explose actuellement (elle n'a que 29 ans...).

Autre très jeune talent français, Alexandra Marcellier (30 ans) campe une Vitellia, dont les aigus sont souverains et très bien négociés, mais qui a quelques difficultés dans les parties les plus graves de la partition, qu'elle doit négocier précautionneusement pour que le son soit émis sans saut de registre. Beaucoup de charme cela dit, dans un personnage très manipulateur et un peu venimeux qu'elle incarne à merveille.

Mélissa Petit (32 ans) est Servilia, rôle plus secondaire mais dont elle se tire très bien, notamment dans "son" air, le « S'altro che lagrime » à l'acte 2.

C'est toujours un plaisir (pour moi) d'entendre la voix, le style, la présence du ténor John Osborn. Hier soir en empereur, il était tout à la fois très présent et très intériorisé, (sauf lors du "bis"), rôle de souverain généreux qu'il a magnifiquement bien interprété. Il était le seul à regarder sa partition (sur une tablette qu'il tenait à la main, ce qui n'empêchait donc pas les mouvements sur scène), et si le chant était, comme toujours avec lui, très séduisant et résultat d'une belle technique, le personnage était également très caractérisé avec ses tourments de l'âme. Une très belle incarnation, noble et profonde, qui restera longtemps en mémoire.

Peter Kalman est un Publio puissant et bien chantant.

Le petit orchestre des Musiciens du Prince-Monaco (et les chœurs Orfeo) ont beaucoup de charme eux aussi, c'est du beau Mozart malgré une acoustique que j'ai trouvée parfois un peu sèche pour ce genre d'instruments mais la direction de Capuano est fluide et très musicale. L’un des airs de Vitellia est accompagné par un instrumentiste soliste magnifique, un cor de basset, et l’effet tout à la fois mélancolique et émouvant des aveux de celle par qui le malheur a failli arriver, est une des très grandes réussites du concert.

Très belle soirée pour ce dernier opéra de Mozart,  toujours très agréable à écouter surtout servi par d'aussi bons interprètes.


(Soit dit en passant : depuis les sommets extrêmes du deuxième balcon face, aucun problème d'acoustique pour les voix).

 

Commentaires

Les plus lus....

Magnifique « Turandot » à Vienne : le triomphe d’un couple, Asmik Grigorian et Jonas Kaufmann et d’un metteur en scène, Claus Guth

Salomé - Richard Strauss - Vienne le 20/09/2017

"Aida" mise en scène par Michieletto au festival de Munich : les horreurs de la guerre plutôt que le faste de la victoire