Brillante distribution pour le Tolomeo de Haendel au Théâtre des Champs Elysées

Tolomeo, re d’Egitto



(Ptolémée, roi d'Egypte).

Opéra en trois actes de Georg Friedrich Haendel

Création le 30 avril 1728 au King's Theatre de Londres, et dernier opéra composé par Haendel pour la Royal Academy of Music de Londres.

 

Jakub Józef Orliński | Tolomeo

Giuseppina Bridelli | Elisa

Melissa Petit | Seleuce

Andrea Mastroni | Araspe

Paul-Antoine Bénos-Djian | Alessandro

 

Francesco Corti | direction et clavecin

Il Pomo d’Oro

 

Le 3 mai au Théâtre des Champs Élysées, opéra en version concert.

 

 

Plus difficile d'approche qu'Ariodante actuellement mis en scène à l'opéra Garnier, et bien moins spectaculaire que Jules César qui se situe dans les mêmes lieux, Tolomeo n'en recèle pas moins d'énormes richesses musicales dans sa deuxième partie, donnant tout son sens finalement, à cet ensemble d'arias virtuoses qui se succèdent lors de l'acte 1, où les personnages semblent ne jamais vraiment se rencontrer.

Les débuts de la dernière oeuvre créée par Haendel dans le cadre de sa Royal Academy of Music, ont été difficiles : une seule reprise en 1733 pour quelques représentations puis disparition durant deux siècles, on est loin du succès continu des chefs d'oeuvre du compositeur.

On a souvent incriminé le livret trop peu dramatique et la succession d'états d'âme plus que de tension dramatique, mais le fait est qu'une bonne distribution bien soutenue par un orchestre dynamique parvient incontestablement à éveiller peu à peu l'intérêt du spectateur pour finalement le transporter à Chypre et lui faire partager les sentiments des uns, des unes et des autres.

L'enregistrement d'Alan Curtis (en 2008), composé uniquement de voix féminines, reste sans doute une référence inégalée, mais le choix de deux contre-ténors de grande qualité dont l'incontournable et charismatique Orliński donne du piquant et suscite l'intérêt pour cette version concert partiellement mise en scène par les chanteurs eux-même.

Ce n'est pas une prise de rôle pour le très médiatique Jakub Józef Orliński, qui avait déjà incarné le fils déchu de Cléopâtre en 2020 au festival Haendel de Karlsruhe, mais c'est un rôle qui lui va comme un gant et dans lequel il s'investit totalement, avec énormément de talent. Le jeune prodige a mûri, la voix s'est affermie et totalement stabilisée dans les aigus, il est capable d'aborder le registre grave sans rupture de ligne de chant, le timbre est resté très personnel avec une signature vocale incontestablement excitante, et il incarne un Tolomeo (Ptolémée) juvénile et séduisant, avec finesse et élégance, roi de la vocalise et des trilles, avec une intensité soutenue tout au long de la soirée qui le voit logiquement triompher.

Il a incontestablement contribué à remplir la salle et il a tenu ses promesses de qualité. Son "Stille amare", est bouleversant de vérité, quand il incarne le jeune pharaon persuadé qu'il est mourant (Orliński est allongé sur le sol), alors qu'il s'endort, le poison n'étant pas mortel.

Mais ses comparses, comme ces équipes qui s'entrainent mutuellement, ne déméritent nullement. On notera une très belle incarnation d'une Elisa rageuse, cruelle et opiniâtre par Giuseppina Bridelli. La mezzo a parfois des vocalises aux notes un peu courtes, voire hachées, mais l'ensemble est de bonne tenue et surtout, le personnage est si bien interprété qu'elle soulève à plusieurs reprises des salves d'applaudissements parfaitement méritées. Le rôle est hérissé de difficultés incontestablement sur le plan vocal. La Seleuce de Melissa Petit est un peu moins virtuose et son chant est plus plat mais les échanges amoureux entre elle et Tolomeo sont d'une grande sensibilité et l'on adhère également à son personnage comme à l'Alessandro que chante très brillamment l'autre contre-ténor, Paul-Antoine Bénos-Djian qui déploie un timbre fruité moins personnel que celui de son "frère" de scène, mais tout à fait séduisant. La basse du quintette, l'Araspe d'Andrea Mastroni, complète parfaitement une très belle formation vocale pour la soirée même si parfois, son timbre se durcit un peu rendant moins souples ses vocalises.

Il Pomo d'Oro a pris beaucoup de dynamisme sans perdre la beauté de ses instruments, sous la direction de Francesco Corti, également au clavecin, et dès l'ouverture très enlevée, on sait que l'on aura à faire, par bonheur, à une très belle interprétation de Handel sur instruments d'époque, les quelques solos des cors, de la flûte ou du théorbe, résonnant magnifiquement dans la salle.

Une soirée très agréable incontestablement.

 

 

A noter : Pour cette version concertante du 3 mai, la salle était entièrement remplie et sauf à penser qu'il existe une part très importante de fans des Haendel peu connus parmi les spectateurs du théâtre, force est de constater que nous avons là l’effet « Orliński », le très médiatique contre-ténor chargé du rôle-titre.

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