Une Bohème magnifiquement incarnée dans une mise en scène efficace
La Bohème
Giacomo Puccini
Livret en italien de Giacosa et Illica,
d’après le roman d’Henri Murger, Scènes de la vie de bohème, et son adaptation théâtrale La Vie de bohème.
Lorenzo Passerini | direction
Eric Ruf | mise en scène et scénographie
Glysleïn Lefever | chorégraphie
Christian Lacroix | costumes
Bertrand Couderc | lumière
Selene Zanetti | Mimi
Pene Pati | Rodolfo
Alexandre Duhamel | Marcello
Francesco Salvadori | Schaunard
Guilhem Worms | Colline
Amina Edris | Musetta
Marc Labonnette | Alcindoro / Benoît
Rodolphe Briand | Parpignol
Orchestre National de France
Chœur Unikanti, Maîtrise des Hauts-de-Seine | direction Gaël Darchen
Théâtre des Champs-Élysées, le 15 juin 2023
La première était très bien remplie, ce qui n'arrive plus si souvent ces derniers temps au TCE, le public chaleureux et enthousiaste, sentiments que je partage entièrement et sans réserve à l’issue de cette soirée.
La mise en scène d'Eric Ruff est sympathique et efficace, à défaut d'être géniale, elle est très théâtrale au bon sens du terme puisqu'on est sur une scène de théâtre, et elle a manifestement été très très bien illustrée par la distribution qui lui donne vie et sens, alternant les moments drôles, enjoués, farceurs même, romantiques, plus graves, et enfin dramatiques.
Moi j'aime beaucoup ce genre d'incarnation de personnages que nombre d'entre nous ont vu des dizaines de fois, car il parvient à renouveler un genre si souvent joué qu'il pourrait en devenir lassant.
Le contraste entre le Rodolfo de Pene Pati, introverti et réservé avant que l'émotion ne le submerge au fur et à mesure du déroulé de la tragédie, et le Marcello d'Alexandre Duhamel, gouailleur, enjoué, volontiers extraverti, donne tout son sens à cette camaraderie contrastée et sympathique qui est le propre de la Bohème. Et installée au parterre très près de la scène, je n'ai pas vu ou entendu autre chose, qu'une grande maitrise du rôle de la part du ténor Samoan, qui allie l'intelligence des phrases musicales à la technique qui lui permet de chanter comme en confidence tout en étant parfaitement audible et de multiplier nuances et couleurs, comme seuls les grands interprètes savent le faire.
La voix a pris de l'ampleur et s'il est incontestablement parfois gêné par ce médium (sous le "mi") un peu plus confidentiel qu'il ne le voudrait, pour l'essentiel, il sait s'adapter à cette petite faiblesse, et nous offrir une interprétation que je considère comme exceptionnelle et qui m'a bouleversée. Le timbre est juste magnifique et son côté réellement solaire (adjectif un peu galvaudé, hélas) exprime une sorte de lumière intérieure qui sied parfaitement au jeune poète qu'il est.
Duhamel, en contrepoint en quelque sorte, maitrise un personnage inverse, coléreux et excessif, dont on devine au travers du chant, le caractère profondément humain, ciment de cette amitié à quatre qui nous offre quelques scènes très drôles dont Ruff (et ses chanteurs-acteurs) a su tirer l'essentiel pour souffler habilement le chaud et le froid sur nos propres émotions.
Selene Zanetti est plus en difficulté que je le l'aurais supposé, l'ayant entendu dans des rôles beaucoup plus acrobatiques, notamment durant l'acte 1 (avant que la voix ne se chauffe ?) où les aigus sont un tout petit peu raides avec un léger vibrato. Mais globalement, c'est une Mimi loin des mièvreries parfois imaginées sur scène, une fille décidée qui n'a beaucoup moins froid aux yeux qu'aux mains, et qui se perd, à l'instar de Violetta, malgré son amour pour Rodolfo. Ses deux duos successifs, avec chacun des deux garçons, à l'acte 3, la montrent à son plus grand avantage et elle recueille une belle ovation, tout à fait méritée. Amina Edris (que Pene Pati couve des yeux discrètement durant son premier air à l'acte 2 ) est une Musetta, elle aussi, très bien incarnée, absolument pas monolithique ni caricaturale, drôle, enjouée, décidée, sûre d'elle mais grande âme pour finir, et l'on est pas loin de la remarquer davantage que Mimi, ce qui est assez rare dans la Bohème.
Je crois qu'elle et Pene Pati respirent une sorte de bonheur de chanter et de simplicité dans leurs exhibitions qui créent c charisme très spécial sur scène dans lequel ils entrainent sans problème l'ensemble de la "troupe".
C'est un style. Et c'est irremplaçable pour qu'un spectacle fonctionne.
Francesco Salvadori en Schaunard et Guilhem Worms en Colline complètent l'un des quatuors les plus célèbres de l'opéra et se tirent fort bien de leurs rôles tout comme d'ailleurs les deux rôles secondaires de Alcindoro / Benoît (Marc Labonnette très grand guignol en Benoit mais c'est le parti pris de Ruff de faire de cet opéra une "comédie dramatique" en quelque sorte) et Rodolphe Briand en Parpignol.
Je suis plus réservée sur le chef que j'ai trouvé un tantinet trop mélodramatique.
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