Viva Verdi ! Superbe concert d'ouverture au Théâtre des Champs Elysées avec la Scala de Milan

Soirée Verdi

les trompettes d'Aida

Théâtre des champs Elysées, 12 septembre 2023.

Orchestre et Chœur du Théâtre de La Scala de Milan

Riccardo Chailly | direction

Alberto Malazzi | chef de chœur

 

Les forces musicales de la Scala de Milan nous offraient ce soir en ouverture de la nouvelle saison du Théâtre des Champs Elysées, un programme entièrement consacré aux ouvertures et préludes orchestraux et aux célèbres chœurs des opéras de Verdi. L’orchestre et les chœurs réalisent ainsi une tournée européenne.

Sur son estrade tendue de rouge, tradition oblige, Maestro Riccardo Chailly dirige sa formation orchestrale et vocale, avec une énergie qui ira grandissante au cours de la soirée, mêlant habilement des airs si connus que la salle aurait pu les reprendre en chœur, à des morceaux plus rares, généralement issus d’œuvres d’un Verdi plus jeune, déjà passionnant mais n’ayant pas toujours encore atteint la perfection que révélera ses plus grandes œuvres.

La salle, dans laquelle les italiens venus fêter Verdi, Chailly et la Scala, sont nombreux et si l’accueil est d’abord prudent, il devient rapidement chaleureux et enthousiaste avec des « Viva Verdi » criés depuis les balcons -O combien mérités- pour finir par une standing ovation à la mesure de la joie générale que suscite cette musique tout simplement magnifique.

Ainsi se promène-t-on d’opéra en opéra, dans un ordre chronologique qui va de 1842 (Nabucco) à 1871 (Aida), le programme dévoilant peu à peu l’incroyable richesse de la thématique verdienne et son art unique de la « sinfonia » (partie orchestrale d’un opéra) et surtout du chœur, véritable personnage à part entière, représentant tour à tour le peuple, les combattants, les révoltés, les sorcières…

Même si la battue est encore un peu lente et parfois pesante, on se félicitera du choix de donner après le célèbre chœur de Nabucco, Va pensiero, quelques pépites de I Lombardi alla prima crociata, en particulier O Signore, dal tetto natìo où la qualité de l’ensemble vocal de la Scala, composé de véritables solistes regroupés, capables de rendre à cette musique toute sa subtilité, d’en scander délicatement les paroles d’espoir de cet hymne à la terre natale lombarde, donnant à Verdi ses lettres de noblesse, celles de son amour de la liberté qu’il ne cesse de chanter sous toutes ses formes dans toutes ses œuvres.

Le concert se poursuit avec le prélude puis le Si ridesti il Leon di Castiglia, marche aux allures martiales et héroïques, air le plus célèbre de Ernani, non exempt de quelques raideurs mais que Riccardo Chailly sait traiter avec subtilité et l’on admire là encore ces chœurs admirables, préparés par leur chef Alberto Malazzi, qui sera lui aussi longuement ovationné.

Le Spuntato ecco il dì d’esultanza de Don Carlo, à l’acte 3, (après le ballet) est l’un des plus beaux ensembles lyriques composé par Verdi. L’air est envoûtant, tournant en boucle étourdissantes de virtuosité, sur un thème musical qui devient très rapidement obsessionnel, pour cette œuvre d’une tristesse indicible. L’interprétation est sublime tout comme le sera celle des plus beaux morceaux de Macbeth. La Scala a ouvert l’une de ses dernières saisons sur Macbeth et l’on sent la pratique précise de l’un des plus beaux opéras de Verdi, tiré lui de Shakespeare quand Don Carlo est issu de la problématique de Schiller. 

Il Trovatore et La Forza del destino remportent à juste titre les plus beaux succès dans la salle alors surchauffée. L’ouverture de la Forza del destino en particulier montre un art et un doigté admirable du maestro, qui évite le caractère parfois un peu pompier donné à ce célibrissime thème musical, lui redonnant tout son sens : celui du destin inexorable des protagonistes qui les mènera à la mort.

Et finir par les trompettes d’Aida, est un tour de force à saluer bien bas, outre l’extrême jouissance d’entendre cette partition superbe dans des conditions plus qu’acceptables même si elles ne sont pas idéales, l’acoustique du théâtre sonnant un peu sec et l’estrade peinant à accueillir le nombre de protagonistes voulu par Verdi. 

Et l’on est tenté de finir par un « Viva Verdi », celui que les spectateurs italiens du 19ème siècle aimaient proclamer lors des opéras du maestro, en lui donnant le sens politique -Viva Vittorio Emanuele Re D‘Italia- du Risorgimento en plein essor, ce mouvement de renaissance partie prenante du « Printemps des peuples », qui se battait ainsi pour l’indépendance de l’Italie contre l’oppresseur autrichien et son unification. 

D’œuvres en œuvres, Verdi tissait sa toile ainsi et les « patria oppressa » fort nombreux de tous ces airs de libération, sont autant de messages à la liberté.

Merci à la Scala de Milan ! 

 

Verdi  Sinfonia, « Gli arredi festivi », « Va’, pensiero, sull’ali dorate », extraits de Nabucco (1842)

« Gerusalem », « O Signore, dal tetto natìo », extraits de I Lombardi alla prima crociata (1843)

Prélude, « Si ridesti il Leon di Castiglia », extraits d’Ernani (1844)

Ballet final (acte III, tableau 2), extrait de Don Carlo

« Spuntato ecco il dì d’esultanza », extrait de Don Carlo (1867)

Prélude, « Che faceste? Dite su!...», « S’allontanarono! » « Patria oppressa! Il dolce nome », extraits de Macbeth (1847)

Prélude, « Vedi, le fosche notturne spoglie », extraits d’Il Trovatore (1857)

Sinfonia, « Nella guerra è la follia », extraits de La Forza del destino (1862)

« Gloria all’Egitto, ad Iside », extrait d’Aïda (1871)

 

Commentaires

Les plus lus....

Magnifique « Turandot » à Vienne : le triomphe d’un couple, Asmik Grigorian et Jonas Kaufmann et d’un metteur en scène, Claus Guth

Salomé - Richard Strauss - Vienne le 20/09/2017

Aida (Verdi) à l'Opéra de Munich, soirée exceptionnelle, Kaufmann, Guseva, Semenchuk, trio fantastique !