La Favorite - Munich- 29 Juillet 2017
La Favorite
Munich, le 29 juillet 2017
Opéra en quatre actes de Gaetano DONIZETTI (1797-1848).
Livret en français d'Alphonse Royer
(1803-1875), Gustave Vaëz (1812-1862), Eugène Scribe (1791-1861)
Créé en 1840 à l’opéra de Paris.
Avec
Première le 23 octobre, suivie de cinq
autres représentations en 2016 (28 et 31 oct., 3, 6 et 9 nov.) et de deux
soirées lors du Münchner Opernfestspiele 2017 (26 et 29 juillet).
Direction musicale | Karel Mark CHICHON
Mise en scène | Amélie NIERMEYER
Décors | Alexander Müller-Elmau
Costumes | Kirsten Dephoff
Chef de chœur | Sören Eckhoff
Léonor de Guzman | Elīna GARANČA
Fernand | Matthew POLENZANI
Alphonse XI | Mariusz KWIECEŃ
Balthazar | Mika KARES
Don Gaspard | Joshua OWEN MILLS
Inès | Elsa BENOIT
Séance du 29 juillet 2017 à l'opéra de Munich, pendant le festival d'été.
Impressions.
La Favorite, c’est l’ histoire classique
d’un Puissant (le roi Alphonse XI) qui a choisi l’une des plus belles femmes de
la Cour comme “Favorite”, la très belle Leonor, laquelle a rencontré l’amour,
le vrai en la personne de Fernand qui ignore qui elle est en réalité. La
révélation de la vérité, conduira à la déchéance de la Favorite rejetée de tous
les côtés et contrainte de se retirer au Couvent.
Amélie Niermeyer pour cette nouvelle
production créée à Munich le 23 octobre 2016, a choisi délibérément de ne pas
tenir compte du contexte historique pour s’attacher à la dure question de la
condition féminine. Sa mise en scène valorise tout ce qui, dans le déroulement
de l’intrigue et dans les situations, est propre à souligner dans le personnage
de Léonor, la fatalité du malheur d’être Femme dans une société exclusivement
dirigée par les Hommes.
En transposant l’action de nos jours,
Niermeyer fait de Léonor une des “créatures” d’un puissant mafioso excentrique
mais impitoyable en ce qui concerne son pouvoir sur sa “femme”, son esclave.
Fernand, quant à lui, est un brave type tout imprégné de morale et de religion,
fou amoureux de cette Léonore dont il ignore tout, qu’il va épouser avant de
découvrir la vérité.
Les transformations vestimentaires du
personnage de Léonore racontent son histoire pas à pas, l‘histoire d’une chute.
D’abord vêtue d’un costume bleu et d’un manteau rouge qui peuvent tout autant
s’apparenter à un pyjama avec veste d’intérieur.
Cette belle femme, élégante même dans des
vêtements qui soulignent sa véritable condition de courtisane “choisie” par le
roi, n’a pas de droits, pas d’autonomie, pas d’existence propre. La robe
blanche de mariée qu’elle portera lorsqu’elle tentera, pauvre petite fille
naive, d’échapper à son sort, ne durera pas longtemps. Rejetée, conspuée par
les foules quand la vérité éclate, humiliée, battue, elle porte alors une robe
noire, celle des femmes impures, avant de perdre même les attributs féminins au
dernier acte, quand elle se retire au couvent, habillé en homme, ses longs
cheveux blonds dissimulés sous un bonnet.
Je regrette seulement que l’idée de montrer
l’oppression des femmes au travers de la réalité des brutalités dont elles sont
victimes, physiquement ou au travers de leurs contraintes sociales, tombe un
peu en panne au dernier acte où les protagonistes semblent soudain livrés à
eux-même et où l’émotion n’est pas toujours au rendez-vous.
Les éléments du décor sont simples et
volontairement oppressants : parois verticales de verre mais infranchissables
qui se resserent sur les protagonistes, lumières par centaines qui éclairent et
symbolisent l’omniprésence-puissance de l’Eglise, Christ sur sa croix bougeant
encore comme pour rappeler aux humains leur pitoyable condition, multiples
chaises symbolisant le spectacle que représente la vie social ainsi structurée.
Il fallait d’excellents acteurs pour
incarner la force d’une telle mise en scène : avec Elena Garanca, Matthew
Polenzani et surtout Mariusz Kwiecień,
le plus impressionnant des trois, Niermeyer a trouvé des artistes capables de
jouer de manière parfaitement crédible ce ballet sinistre et cynique qui montre
cette “Favorite” sous un jour totalement nouveau.
J’ai toujours admiré les prestations
scéniques du baryton Polonais, toujours excellent acteur, vu en Onéguine, en
Don Giovanni, en Zurga (les Pêcheurs de perle), en Posa (Don Carlo) et surtout
en Krol Roger inoubliable à Londres il y a deux ans.
Dans cette Favorite, il me semble difficile
à remplacer tant il a revêtu avec talent le costume bleu électrique du chef de
la mafia Alphonse, qui joue avec sa belle “Favorite” n’hésitant pas à se livrer
à un fabuleux numéro de danse comique (il en craque son pantalon d’ailleurs)
pendant la musique qui accompagne normalement le petit ballet dans l’opéra.
Vocalement, c’est Elina Garanca qui domine
le plateau : la voix est superbe, surtout dans le médium où elle se déploie
magnifiquement et son “je vais mourir” est magistral.
Le “hic” c’est que, comme souvent la
concernant, on peine à comprendre le langage qu’elle chante..
A l’inverse Matthew Polenzani, plus inégal
vocalement et qui ne fait pas oublier la récente prestations de Juan Diego
Florez dans le même rôle (notamment un fameux concert au Théâtre des champs
Elysées en décembre 2013), chante si bien en Français qu’il est impossible de
deviner qu’il est américain. On regrettera cependant que ses aigus n’aient pas
toujours une grande facilité et soient un peu serrés, quand ils ne sont pas
pris en voix mixte.
Mariusz
Kwiecień assure vocalement même si sa voix et sa technique ne sont pas toujours
adaptées aux vocalises donizetiennes, et que d’une manière générale les trois
protagonistes donnent une version assez peu “belcantiste”.
Très belle Inès de la jeune soprano
(Française) Elsa Benoit (qui appartient à la troupe de l’opéra de Munich), voix
claire et décidée, belle présence et intéressant Balthazar de la basse Mika Kares
au très beau timbre et au Français impeccable lui aussi.
Karel Chichon dirige ce Donizetti avec la
gravité qui correspond au choix de mise en scène : aucune légèreté dans ce
Donizetti-là, le tragique est omniprésent et largement souligné. C’est efficace
même si c’est parfois déroutant musicalement.
Une belle soirée avec une production
passionnante très bien servie par les artistes.
La séance du 6 novembre 2016 avait donné
lieu à un enregistrement qui est sorti en DVD récemment.
A noter : reprise à Munich les 25 et 28 février et le 3 mars 2018 avec Clémentine Margaine, Matthew Polenzani et Ludovic Tézier sous la direction de Giacomo Sagripanti.
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