Entretien avec le ténor Benjamin Bernheim
Entretien avec Benjamin Bernheim
12 juin 2018
En mars 2016
j’écrivais à propos du ténor français Benjamin Bernheim : c'est un artiste que l'on
remarque dès qu'il entre sur scène parce qu'il a ce savoir-faire, cette aisance
sur scène, ce sens du personnage, cette qualité d'interprétation qui font les
grands chanteurs. Il est capable de très grandes variations de registres pour
donner des couleurs à un personnage, exprimer la tristesse ou la joie, l'humour
ou la gravité. Son timbre est superbe, sa projection aisée, sa voix brillante
et agréable. Ce n'est pas en France qu'il est le plus connu (comme quoi...)
mais en Autriche, où il a déjà ses petites et ses grandes entrées à Salzburg.
Depuis, Paris a eu
l’occasion d’apprécier ses immenses qualités dans un récital à l’Elephant
Paname, puis dans un Rodolfo remarqué (et spatial) à la Bastille, enfin dans le
récital qu’il a donné le mois dernier à la Philharmonie de Paris avec la
soprano Russe Olga Peretyatko.
Il a répondu à quelques questions, quelques
jours avant son “Faust”, au théâtre des Champs Elysées, dans une version
inédite de l’opéra de Gounod où il tiendra le rôle titre le 14 juin.
Je vous ai
découvert dans un tout petit rôle dans Don Carlo à Salzbourg il y a quelques
années, et depuis, je vous suis de près, quels souvenirs avez-vous de cette
première expérience et quelles étaient alors vos souhaits de carrière ?
Benjamin Bernheim
: Don Carlo était en 2013 et j’en garde un merveilleux souvenir. Avoir la
chance à l’époque, si jeune, d’en être à mon deuxième Festival d’été de Salzbourg
est un grand sentiment de fierté encore aujourd’hui même si j’y chantais un
petit rôle. Le Festival de Salzbourg est pour moi un mélange entre une coupe du
monde et des jeux olympiques de l’opéra et de la musique classique et la chance
d’y tenir un rôle ne serait-ce qu’une fois est un grand honneur.
Votre timbre
séduisant, votre style et votre jeu dans le rôle de Flamand, ont ensuite marqué
cette reprise du Capriccio mis en scène par Robert Carsen à Garnier, j'ai alors pensé
que Richard Strauss vous allait très bien, un bel atout..., avez-vous d'autres
rôles en vue ?
Benjamin Bernheim : Le répertoire
Straussien pour un ténor lyrique comme moi, se limite à quelques rôles
malheureusement et j’ai eu la chance d’en déjà chanter trois. Flamand dans
Capriccio à l’Opéra de Paris, Matteo dans Arabella au Semperoper de Dresde sous
la direction de Christian Thielemann et le Chanteur Italien dans Le Chevalier à
la Rose à la Scala de Milan. De ces trois rôles c’est Flamand que j’ai le plus
aimé chanter. En effet, je pouvais y développer les couleurs de ma voix en
restant dans un registre lyrique car la composition de l’oeuvre ne pousse pas
vocalement à forcer le ton ce qui est malheureusement le cas dans Matteo. Le
Chanteur Italien est trop court pour avoir vraiment le temps d’en faire un
rôle. De ce fait, c’est surtout Flamand que je souhaiterais chanter à nouveau.
Depuis ces
premières "découvertes" (pour moi !), vous avez poursuivi une belle
carrière avec Rodolfo, Alfredo, Cassio et d'autres rôles emblématiques du
répertoire du ténor lyrique. Quel est votre meilleur souvenir ?
Benjamin Bernheim : Mon premier
Rodolfo à Zurich a été pour moi un grand moment. J’y ai connu un grand succès
et c’était le rôle qui me faisait entrer dans la cour des ténors lyrique de ce
répertoire. Avoir eu la chance de chanter dans 3 nouvelles productions de la
Bohème - à Zürich, Covent Garden et l’Opéra de Paris, m’a permis une réelle
progression dans mon art et j’ai pu y redécouvrir ce rôle avec à chaque fois de nouveaux
aspects, selon la production.
Vous avez travaillé
avec de nombreux chefs d'orchestre prestigieux, de Pappano à Dudamel, pouvez
vous nous en dire plus sur le travail du maestro, sur vos chefs préférés et sur
ceux avec qui vous souhaiteriez travailler ?
Benjamin Bernheim : J’ai
effectivement eu la chance de travailler avec de grands chefs d’orchestre
depuis mes premiers pas sur scène au niveau international. Tony Pappano est un très grand maestro, avec une pédagogie et une
didactique très claire et une rare musicalité et je me réjouis d’avoir bientôt
un nouveau projet avec lui. Gustavo Dudamel a dirigé la Bohême à Paris et j’ai
été littéralement nourri par son énergie en tant que Rodolfo. Il était
extraordinaire.
Une de mes plus belles rencontres eut lieu la première fois que
je suis allé à Salzbourg pour le Festival de Pentecôte en 2012 et que j’y ai
chanté le rôle de Spakos dans Cléopatre de Jules Massenet aux côtés de Sophie
Koch et de Ludovic Tézier. J’y ai alors découvert Wladimir Fedosejev qui
dirigeait l’oeuvre et j’ai ressenti énormément d’affection et de bienveillance
de sa part. Un moment gravé à jamais dans ma mémoire.
Même question pour
les metteurs en scène ? L'aspect théâtre de l'opéra semble avoir beaucoup
d'importance pour vous, vous faites partie des artistes qui incarnent vraiment
leur rôle, comment voyez vous cette relation scène, voix et vos rapports avec
les metteurs en scène ?
Benjamin Bernheim : Il est de
notre devoir en tant que chanteurs et acteurs sur scène, d’avoir le plus
d’échanges possible avec nos metteurs en scène afin de pouvoir défendre leurs
idées au mieux lors des représentations. Et ce n’est pas facile de mettre en
scène des opéras aujourd’hui, quand une partie du public se lasse de la
tradition et une autre ne veut surtout pas s’en éloigner. De ce fait je pense
que nous, chanteurs, avons une grande responsabilité envers le public afin de
le faire comprendre au mieux des idées qui peuvent être éloignées du livret,
mais aussi vis à vis des metteurs en scène qui ont vraiment besoin aujourd’hui
d’acteurs-chanteurs pour repousser les limites de ce qui a déjà été fait.
Benjamin Bernheim : Wagner n’est
pas encore à l’ordre du jour pour moi ! Si Lohengrin et Walther le seront d’ici
10 ou 15 ans, David lui, par contre, je m’en éloigne chaque jour un peu plus.
J’aurais aimé chanter David mais maintenant il ne fait plus partie de mes
objectifs.
Je vous ai entendu
deux fois, toujours en récital dans Werther, le Lied d'Ossian, et, de la même
manière, j'ai trouvé que vous aviez la voix et le style (long souffle et
puissance, belle articulation) pour ce rôle. Un projet là aussi ?
Benjamin Bernheim : Werther est un
projet à moyen terme mais je veux d’abord m’épanouir dans les rôles lyriques du
répertoire français comme Faust, Roméo, Des Grieux et Hoffmann et peux être imaginer
une ou deux incursions chez Meyerbeer avant de m’attaquer à Werther et Don José
par exemple.
Vous allez à
nouveau chanter Faust au Théâtre des champs Elysées cette fois, mais dans une
version inédite. Que pouvez vous nous en dire ?
Benjamin Bernheim : C’est une
version fascinante et je suis absolument ravi de faire parti de ce projet. J’y
ai découvert des facettes de Faust, Marguerite, Valentin, Wagner et Siebel qui
ont malheureusement été estompées par les corrections faites par Gounod à son
oeuvre par la suite. Rendez-vous au TCE le 14 pour cette belle découverte !
Quel est votre
plus mauvais souvenir d'opéra ?
Benjamin Bernheim : Je pense à une
représentation de Freischutz (Weber) à laquelle j’ai assisté il y a quelques années,
où j’ai vu un collègue ténor chanter l’air de Max qui est vraiment difficile.
Pendant son chant, un acteur faisait un numéro de pitre absolument hilarant en
arrière scène comme le lui demandait la mise en scène et j’ai été navré
d’entendre des éclats de rire dans la salle alors que mon collègue chantait un
air difficile. J’ai trouvé cela triste et peu respectueux.
Avez vous un
projet d'enregistrement ? et... quand allons nous vus revoir sur les scènes
parisiennes ?
Benjamin Bernheim : J’ai un
projet d’enregistrement et vous en saurez plus bientôt... Quant à la scène
parisienne j’y reviendrai en novembre 2018 à l’Elephant Paname pour un récital
dans le cadre de la série l’Instant Lyrique.
Et ensuite je
serai à l’Opera de Paris en automne 2019 pour la nouvelle production de la
Traviata au Palais Garnier comme il a été annoncé dernièrement.
Je suis toujours
ravi de chanter dans ma ville de naissance et je me réjouis des nombreux
projets qui m’y attendent.
Merci et bonne chance pour jeudi !
Propos recueilli par Hélène Adam.
Aussi dans les dossiers du site ODB :
http://odb-opera.com/joomfinal/index.php/les-dossiers/48-les-chanteurs/300-entretien-avec-benjamin-bernheim
Aussi dans les dossiers du site ODB :
http://odb-opera.com/joomfinal/index.php/les-dossiers/48-les-chanteurs/300-entretien-avec-benjamin-bernheim
Benjamin Bernheim
prochainement en France :
- le 14
juin, Faust de Gounod au Théâtre des Champs Elysées, avec Véronique Gens
- le 12
novembre, récital à l’Elephant Paname, instant lyrique.
- Avril
2019 : Des Grieux dans le Manon de Massenet à l’Opéra National de Bordeaux
- Septembre
2019 : Alfredo dans la Traviata à l’opéra de Paris, Garnier, nouvelle
production de Simon Stone, avec Pretty Yende et Ludovic Tézier.
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