Le Postillon de Lonjumeau (Adam) à l'Opéra Comique - Opérette plus qu'opéra, sans grand relief mais très belle distribution !

Le Postillon de Lonjumeau

D'Adolphe Adam
Livret de d'Adolphe de Leuven et Léon-Lévy Brunswick
Direction musicale : Sébastien Rouland 
Mise en scène : Michel Fau 
Décors : Emmanuel Charles 
Costumes : Christian Lacroix 
Chapelou / Saint-Phar : Michael Spyres 
Madeleine / Madame de Latour : Florie Valiquette 
Le marquis de Corcy : Franck Leguérinel 
Biju / Alcindor : Laurent Kubla 
Rose : Michel Fau 
Choeur Chœur accentus / 
Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie 

Le Postillon de Lonjumeau, exhumé après une longue disparition par l’Opéra Comique, relève davantage de l’opérette que de l’opéra par la légèreté de ses thèmes et la frivolité d’une musique qui peine à dépasser les accords « basiques » et tourne autour de son grand air, « qu’il était beau le Postillon de Lonjumeau » dont la postérité a fini par faire un air unique permettant aux plus audacieux ténors de démontrer leur capacité à sortir à pleine voix quelques contre-ré et même, au final, un contre-mi.
L’intrigue de vaudeville est mince et les personnages très typés, on rit souvent et le tout se savoure comme un dessert très sucré qui ne laisse pas forcément beaucoup de bons souvenirs à l’issue de la représentation. Pour être tout à fait honnête, je me suis même copieusement ennuyée à plusieurs reprises à cause de la platitude musicale et des banalités du livret.
Heureusement, l’entreprise de l’Opéra Comique est assez réussie et parvient à sortir un peu l’œuvre de ses limites musicales grâce à une mise en scène colorée, plaisir des yeux, des décors et des costumes chatoyants (on reste dans la sucrerie) et surtout de bons chanteurs, adéquats au rôles, et excellemment dirigés par un Michel Fau qui en fait lui-même des tonnes sur scènes dans le personnage de Rose.
La légende voudrait que l’opéra soit rarement repris parce qu’il est difficile de trouver un ténor qui réussisse le contre-ré à pleine voix, exercice incontournable du fameux air, qui fait remarquer le talent du jeune Postillon au début de l’histoire, et qui conclut l’opéra.
Outre qu’il existe quand même quelques ténors qui ont cette capacité, j’ai la faiblesse de penser que c’est plutôt le non-intérêt de l’œuvre qui l’a fait tomber dans un certain oubli. En ce qui me concerne, elle y est déjà retombée…
Saluons donc d'autant plus l’exploit de Michael Spyres, qui réussit toutes les contre-notes (y compris un contre mi héroïque en fin d’opéra), et interprète très bien scéniquement le fameux Postillon mais regrettons que son premier air ne soit pas très beau, voire un peu forcé et que ce ne soit que petit à petit, que sa voix déploie vraiment le beau chant dont il est coutumier et qui nous a ravi une fois encore.
Si d'autres ténors atteignent le contre-mi avec la même aisance, il est sans doute le seul aujourd'hui à posséder cette technique impressionnante marquée par cet ambitus fabuleux, nous offrant une dégringolade vers le bas de la portée avec un grave profond impressionnant. 
La jeune soprano Florie Valiquette, sa partenaire, voix plus petite mais très, très jolie, offre un portrait charmant et contrasté de cette Madeleine, bien moins fragile et naive que ne le croit le Postillon, et dont Michel Fau dans sa mise en scène, renforce le côté féministe et déterminée à se venger de la légèreté du Postillon. Jolis aigus et belles vocalises, beaucoup de fraîcheur et une belle découverte pour moi.

Comme à son habitude sur cette scène, Franck Leguérinel a tout pour lui : faconde, drôlerie, projection idoine et style adapté à cette aimable pochade musicale.
Découverte heureuse également pour Laurent Kubla, beaucoup de talent et d’investissement dans un rôle comique très bien maitrisé. Etonnant Fau dans un rôle de femme, en rajoutant largement au côté aimable farce de l’opéra.
Et n'oublions surtout pas de féliciter l'ensemble des artistes pour leur admirable diction, tant chantée que parlée, rendant les surtitres inutiles. C'est si rare à ce degré de perfection (et donc de difficulté de réalisation) qu'il faut vraiment le mentionner !
Chœurs et orchestre ont illustré l’œuvre intelligemment sans en renforcer le côté parfois carrément « flonflon ». Le mieux à faire à mon avis pour cette œuvre.
On passe une soirée agréable du fait de la belle adéquation des chanteurs à leur rôle malgré un côté essentiellement statique qui les voit évoluer sur le devant de la scène, barrée par des décors colorés qui montent et descendent et assurent aux voix un incontestable confort qu’ !il faut saluer. Agréable mais sans doute assez vite oubliée.
Bel accueil du public, mais accueil très court et sans rappel.
Première du 30 mars 2019 - Opéra Comique.

Commentaires

Les plus lus....

Magnifique « Turandot » à Vienne : le triomphe d’un couple, Asmik Grigorian et Jonas Kaufmann et d’un metteur en scène, Claus Guth

Salomé - Richard Strauss - Vienne le 20/09/2017

"Aida" mise en scène par Michieletto au festival de Munich : les horreurs de la guerre plutôt que le faste de la victoire