Magnifique rentrée pour la Philharmonie de Paris avec le philharmonique de Berlin sous la direction de Kiril Petrenko

Reger et Strauss pour les Berliner sous la direction de Kiril Petrenko

La philharmonie de Paris a fait sa rentrée en très grande majesté avec les Berliner, le meilleur orchestre du monde, sous la direction de celui que l'on peut désormais considérer comme le chef d'orchestre en exercice le plus passionnant et le plus virtuose, Kiril Petrenko. Je l’ai entendu pour la première fois à la direction du Ring (Wagner) à Bayreuth et immédiatement remarqué, puis de multiples fois par la suite à l'Opéra de Munich, il prouve une fois encore avec ce programme ambitieux, qu'il peut tout diriger avec une intelligence musicale hors du commun qu'il communique avec douceur, élégance et efficacité à son merveilleux orchestre de la Philharmonie de Berlin, celui qui l'a élu en 2019.

Et j’aime cette audace dans le choix des œuvres, qui caractérise les concerts qu’il propose régulièrement sur des programmes originaux. Ainsi nous a-t-il permis d’entendre le très rare Max Reger, compositeur post-romantique (même s'il s'en défendait), qui a composé cette séduisante « Variations et Fugue sur un thème de Mozart » en 1915, de facture encore classique mais déjà de la flamboyance des compositeurs de ce début de siècle qui se lanceront peu après dans la musique atonale avec Schönberg. Ils sont nombreux ces post-wagnériens germaniques à être quasiment inconnus dans nos contrées et que l’on a pourtant tant de plaisir à découvrir. Le « thème » de Mozart c’est celui de la Sonate pour piano no 11, que même les amateurs débutants connaissent. Le thème est d’abord joué « alla Mozart » avec beaucoup de cette fausse simplicité dans laquelle le compositeur autrichien excellait, avant d’être littéralement happé dans un nombre infini de variations, musicales, instrumentales, rythmiques. Les cuivres, les percussions s’en emparent, le thème semble presque disparaitre pour finalement revenir triomphal en quelque sorte, pour nous laisser son empreinte indélébile lors d’un final grandiose. Et Petrenko, en chef d’orchestre chambriste amoureux des contrastes, nous fait entendre chaque pupitre, chaque groupe d’instruments, avec une sorte de précision parfaite en osmose totale avec ses musiciens comme avec le compositeur qu’il illustre comme jamais il ne l’a été dans les quelques enregistrements existants.

En deuxième partie, nous restons dans la même période charnière qui produisit tant de partitions fabuleuses avec le poème symphonique du jeune Richard Strauss, Une vie de Héros, composé en 1898. Mais Strauss n'est pas Reger et il assume au contraire les effectifs d'orchestre considérables, la flamboyance des sons, le caractère narratif presque opératique du genre musical dans lequel il excelle déjà depuis quelques années. Ce « héros » c’est le compositeur lui-même qui dresse une sorte d’autobiographie où se mêlent ses combats, ses œuvres, ses amours, son accomplissement et son retrait en autant de « parties » d’une instrumentation fabuleusement moderne et qui donne la part belle à l’orchestre symphonique dans sa formation la plus complète, démultiplication des cuivres et des percussions en particulier entremêlant les envolées épiques et très sonores, avec les solos d’instrumentistes, en particulier un fameux solo de violon, symbolisant la femme du héros, et interprété hier soir avec une très belle virtuosité par « la » premier violon des Berliner, Vineta Sareika-Völkner. Saluons tout particulièrement aussi les exploits du magnifique corniste Matias Pineira ! A l’aise dans le vaste espace de la Philharmonie de Paris, particulièrement propice à cette musique de « gros » orchestre, pour laquelle l’acoustique est flatteuse, ne saturant jamais et valorisant les parties les plus intimes comme celles qui remplissent le volume immense de la salle, Kiril Petrenko nous offre là encore une magistrale et inoubliable interprétation qui ne cède jamais à la facilité, sachant respecter chaque nuance, chaque changement de style, chaque accent, nous laissant découvrir en quelque sorte de nouveaux aspects de cette fabuleuse partition et se retirant modestement après une immense ovation. 

Le programme symphonique de la Philharmonie de Paris est particulièrement riche pour ce premier mois de la nouvelle saison, la salle totalement remplie d’hier soir prouve l’attrait d’un public, souvent jeune, à aller écouter les orchestres les plus réputés du monde de la musique classique, leurs chefs, et par la même occasion, découvrir des œuvres qui ne sont pas forcément très classiques justement tant cette appellation recouvre un genre trop vaste pour être rangé sous une étiquette aussi généraliste.

Laissez-vous tenter

https://philharmoniedeparis.fr/fr/magazine/actus/saison-2324-une-riche-rentree-symphonique

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