Retour sur... Die Meistersinger von Nürnberg - Paris - 1er mars 2016

Juste avant les premières impressions de Bayreuth, ces Meistersinger donnés à Paris Bastille en mars 2016

Die Meistersinger von Nürnberg


Opéra en trois actes et sept tableaux (1868)

Musique Richard Wagner
Livret Richard Wagner
En langue allemande

Opéra national de Paris, Bastille.

Première : le 1er mars 2016


 Direction musicale : Philippe Jordan
Mise en scène : Stefan Herheim

Avec
Hans Sachs : Gerald Finley / Michael Volle
Veit Pogner : Günther Groissböck
Kunz Vogelgesang: Dietmar Kerschbaum
Konrad Nachtigall :Ralf Lukas
Sixtus Beckmesser : Bo Skovhus
Fritz Kothner :Michael Kraus
Balthasar Zorn : Martin Homrich
Ulrich Eisslinger : Stefan Heibach
Augustin Moser : Robert Wörle
Hermann Ortel : Miljenko Turk
Hans Schwarz : Panajotis Iconomou
Hans Foltz : Roman Astakhov
Walter Von Stolzing : Brandon Jovanovich
DavidToby : Spence
Eva : Julia Kleiter
Magdalene :Wiebke Lehmkuhl
Ein Nachtwächter :Andreas Bauer

Décors Heike Scheele
Costumes Gesine Völlm
Lumières Phoenix (Andreas Hofer)
Vidéo Martin Kern Dramaturgie Alexander Meier-Dörzenbach
Chef des Choeurs : José Luis Basso

Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris
Coproduction avec le Festival de Salzbourg, la Scala de Milan et le Metropolitan Opera de New York




Première du 1er mars 2016 à l’opéra de Paris, Salle de la Bastille.
Die Meistersinger von Nürnberg est une des seules comédies des opéras de Wagner (*). Pas de référence mythologique ou surnaturelle mais un récit qui plonge ses racines dans une période historique et un lieu géographique précis (L'action se déroule à Nuremberg au XIVè siècle).
Le beau "junker" Walter Von Stolzing aperçoit la belle Eva dont il tombe éperdument amoureux mais sa main reviendra à celui qui gagnera le concours de chant organisé pour la Saint-Jean. Comment devenir le meilleur ?

L'opéra dure plus de 4 heures mais il se déroule sans aucun temps mort et du Vorspiel (Prélude) très "wagnérien" (tous les thèmes de l'opéra s'y retrouvent), enlevé et joyeux, au final très patriotique, quand l'ensemble est bien interprété,on ne voit pas le temps passer.
Mais ce n'est pas si facile de bien distribuer ce monumental opéra aux multiples personnages qui ont tous leur rôle et leur importance.
On retiendra dans cette distribution à l'ONP, le Sachs de Gérard Finley, entendu récemment en Guillaume Tell (ROH) qu'il rechantera au MET lors de la prochaine saison, il a déjà chanté Sachs, notamment au festival de Glyndebourne. Personnellement c'est un baryton-basse que j'apprécie beaucoup, souvent sous-estimé, qui a un grand investissement scénique et un très beau chant. Il a été Olivier en 2004 pour le Capriccio à Garnier pour ceux qui s'en souviennent (Fleming).
Je n’ai jamais entendu Brandon Jovanovich autrement qu’en retransmission. Ce sont ses débuts à Paris à l'ONP. Il chante beaucoup aux USA, à Munich, à Zurich. C'est un ténor à la palette assez large (de Don José à Siegmund), il chante également en Russe (le Prince de la Rusalka ou Sergei de Lady Macbeth de M). Il sera Don José dans Carmen, puis Des Grieux dans Manon Lescaut à Munich où le couple qu'il formera avec Ermonella Jaho s'attaquera à son tour à la fameuse mise en scène de Neuenfels. Son agenda est déjà chargé : Enée à Chicago à la fin de l'année, le Prince au Met dans un an etc.
Julia Kleiter enfin était une délicieuse Pamina, à la projection un peu insuffisante pour Bastille, il y a deux ans dans la Flûte (avec Breslik), elle a donné la réplique à Jonas Kaufmann dans son CD "opérettes", notamment dans "die Töte Stadt".

La mise en scène de Stefan Herheim a été créée au festival de Salzburg en 2013. Elle n'a pas fait l'unanimité.

Il ne faut pas bouder son plaisir de revoir cette très belle oeuvre (une des plus abouties de Wagner pour moi), où l'on ne s'ennuie pas une seconde malgré la durée, très bien jouée, très bien chantée, très enlevée mais pas exempte de réserves quand même.

Les compliments d'abord : l'ensemble des interprètes est à sa place, le couple Hans Sachs (Gerald Finley) et Sixtus Beckmesser ( Bo Skovhus), tenant la palme de tous les points de vue, ils fonctionnent bien ensemble, leur duo comique de l'acte 2 est parfait, le final encore plus incroyable de véracité et d'efficacité (les contradictions de Sachs, son intériorisation puis son extériorisation sont vécues intensément par un un Finley incandescent, de très grands moments) .

Le David de Toby Spence (rôle habituel pour le ténor britannique) est parfaitement maitrisé : très belle voix, juvénile, innocente, joyeuse et ingénue pour l'apprenti du cordonnier. En réplique la Magdalena de Wiebke Lehmkuhl a l'espièglerie du rôle et une bien belle voix qui porte loin.
Charmante Eva de Julia Kleiter, jolie voix, jolie silhouette, jolie amoureuse. Le Walter Von Stolzing de Brandon Jovanovich a aussi le style, la voix et l'excellent jeu nécessaire au rôle de ce "junker" qui deviendra poète et charmant. Quant au génial Veit Pogner de Günther Groissböck, il donne de la gravité et de la densité à l'ensemble.

Mais, placée pourtant au 23ème rang (puis au 19ème après pas mal de départs au parterre après le deuxième entracte), j'ai trouvé l'ensemble des voix insuffisante en projection pour Bastille. Avec de petites difficultés dans le médium (particulièrement peu sonore) pour Jovanovitch, un manque de projection plus prononcé encore pour Kleiter dans l'acte 1, bref quelques imperfections renforcées par une impression globale de timbres dont le rendu manquait d'éclat et de profondeur. D'où une petite frustration avec une difficulté à décoller complètement.

Vue la qualité des artistes (et l'impression générale), j'en déduis plutôt un sérieux problème d'acoustique à Bastille (encore une fois) dans Wagner alors que l'orchestre est évidemment très sonore (même impression pour le Siegfried vue au 25ème rang il y a trois ans alors que le Crépuscule vu au deuxième rang avec, pour partie, les mêmes artistes était acoustiquement parfait).
Jordan sans grande relief (il faut éviter d'avoir dans l'oreille les couleurs de Levine dans le Meistersinger du Met il y a quelques mois), un peu sage, très appliqué, rien à reprocher sinon.
Excellents choeurs et bonne chorégraphie des foules (sauf la scène de la bagarre que j'ai trouvée très confuse).

La mise en scène est plutôt réussie (si, là aussi, on oublie Otto Shenk et ses superbes décors) : elle met en scène un Sachs-Wagner, donc transpose à l'époque de Wagner, obsédé par ses souvenirs d'enfance (l'invasion des personnages de Grimm sur la scène en fin de deuxième acte n'est pas ce qu'il y a de mieux), et le décor qui représente toujours les différents meubles et accessoires de son bureau d'adulte, d'artiste, passe son temps à changer d'échelle, le secrétaire devenu géant est la cathédrale, les livres gigantesques, l'estrade, et ainsi de suite, tandis que dans un coin du plateau, un petit théâtre-guignol miniature représente la scène toute entière en tout petit, avec son rideau blanc, immense que les chanteurs tirent sur la scène entre chaque changement d"échelle. C'est assez réussi la plupart du temps, exception faite de la fin du deuxième acte et du Vorspiel que j'ai trouvé "gâché par un Jordan pas encore dans le ton et par un Sachs s'agitant sur la scène en bonnet de nuit, pas très à propos.
J'ai vu de plus belles mises en scène (et contrairement à ce que laissent entendre les photos du site de l'ONP, il y a des scènes très laides et assez ratées AMHA) mais celle-ci (évidemment sifflée, Première oblige mais surtout applaudie) n'est pas gênante du tout.




Commentaires

Les plus lus....

Le Tannhäuser de Jonas Kaufmann dans la mise en scène de Castellucci à Salzbourg, une soirée choc !

Magnifique « Turandot » à Vienne : le triomphe d’un couple, Asmik Grigorian et Jonas Kaufmann et d’un metteur en scène, Claus Guth

Salomé - Richard Strauss - Vienne le 20/09/2017